Intervention de Christophe Bouillon

Séance en hémicycle du lundi 11 mars 2019 à 21h30
Agence nationale de la cohésion des territoires — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Bouillon :

… qui, très tôt, bien avant l'élection présidentielle, en 2017, avait souhaité dans son programme qu'il soit possible de disposer d'une agence de cette nature, la logique de l'appel à projets ne produisant pas les effets escomptés et le commissariat général à l'égalité des territoires étant parfois réduit à une sorte de centre d'expertise.

Nous sommes ici en raison d'un phénomène qui gagne notre pays, quoiqu'il ne soit pas exclusivement français, et que l'on pourrait appeler une métropolisation non-maîtrisée. Il est fort bien connu des géographes, comme Christophe Guilluy – La France périphérique – , des démographes, comme Hervé Le Bras – avec sa fameuse « diagonale du vide » – ou, plus récemment, de Salomé Berlioux avec Les Invisibles de la République, où elle évoque cette jeunesse de France qui éprouve un vif sentiment de déclassement et d'abandon. On la retrouve également dans des romans. Comment ne pas penser à ce beau livre d'Aurélien Bellanger, L'Aménagement du territoire, où il ressuscite la DATAR, à laquelle notre collègue a fait allusion tout à l'heure ? Comment ne pas penser au livre d'Olivier Adam, Les Lisières, dans lequel il évoque les fameux lotissements, au coeur aujourd'hui de bien des phénomènes ? Comment ne pas penser à La Carte et le territoire, de Michel Houellebecq ? Cette France périphérique se déploie sur bien des portions de notre territoire et nombre de Français l'éprouvent comme telle.

Cette métropolisation non maîtrisée se caractérise par la concentration sur certaines portions du territoire des meilleurs emplois, des meilleures formations, des meilleures entreprises, des meilleurs services publics, des meilleurs moyens de locomotion. Les autres se caractérisent quant à elles par l'absence de tout cela. L'enjeu de cette agence, me semble-t-il, c'est de répondre à ce phénomène avec force et énergie.

Puisque nous sommes ici pour examiner ce texte, permettez-moi de formuler quatre remarques rapides.

La première concerne la gouvernance, qui est essentielle. Si nous voulons que cette agence soit vraiment au service des collectivités locales, il faut que ces dernières y bénéficient non d'un strapontin mais d'une place de choix en faisant en sorte que leur représentation soit plus équilibrée, notamment à travers les nombreuses associations d'élus que nous avons la chance de compter dans notre pays.

Un mot sur les financements, car c'est un point essentiel. Si nous ne voulons pas que cette agence soit un « machin », comme l'ont dit certains collègues, il faut lui donner les moyens de ses ambitions. C'est d'ailleurs l'avis du Conseil d'État lorsqu'il souhaite que l'agence puisse disposer de ressources suffisantes pour pouvoir accomplir ses missions. Comme c'est souvent le cas, je ne voudrais pas que les bonnes intentions qui s'expriment ici à travers des plans ou des textes de lois soient rattrapées par la patrouille de Bercy et que les ambitions soient revues à la baisse suite à des préoccupations plus vives.

Deux remarques, avant de conclure. La première concerne le ciblage des territoires dits fragiles : il est essentiel car c'est ainsi que l'on visera les territoires qui manquent d'ingénierie et qui connaissent les difficultés que je viens de décrire. Le rapport de Serge Morvan est d'ailleurs illustré de cartes éloquentes : des zones blanches y figurent, et c'est à elles qu'il convient prioritairement de s'intéresser.

Enfin, ma dernière remarque concerne la question de la coopération interterritoriale, qui est essentielle. Nous savons qu'il est possible de conclure, comme l'ont fait Toulouse et Brest, des contrats de réciprocité entre la ville et la campagne. La loi, les ententes territoriales permettent à des territoires différents de travailler ensemble mais ce n'est pas suffisant et il faudra que l'agence se montre également vigilante à ce propos.

Finalement, pour conclure, je dirai que le rôle de l'agence me semble essentiel. Quelle est son ambition ? Mettre la République partout. Si elle y parvient, croyez-moi, ce ne sera pas un « machin », ce ne sera pas une agence tous risques mais une agence au service des territoires et de la République.

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