Intervention de Philippe Léglise-Costa

Réunion du mardi 24 juillet 2018 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Philippe Léglise-Costa, ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne à Bruxelles :

Madame la Président, la suggestion d'Angela Merkel a de fait trouvé sa traduction et je pense que le Président Juncker sera pourvu de munitions dans ce sens – dont il aura sans doute besoin dans son dialogue avec le Président Trump sur le commerce entre l'Union européenne et les États-Unis. Si l'on prend le cas du secteur automobile, il y a évidemment un écart de tarif – mais même si l'on fixait les tarifs douaniers à zéro, si on le pouvait juridiquement, les automobiles américaines ne seraient nécessairement pas nombreuses en Europe, notamment parce qu'elles ne respectent pas les normes européennes. Cela étant, il y a bien un déficit américain sur le plan industriel – c'est ce que voit le Président Trump –, sur le plan des services, les choses se rééquilibrent et sur le plan de l'investissement, la situation est très en faveur des États-Unis, si bien que dans l'ensemble, ces relations sont équilibrées dès lors que les relations commerciales entre l'Union européenne et les Etats-Unis sont considérées globalement. La Commission européenne a produit à ce sujet un document de très bonne qualité pour le Conseil européen de juin dernier.

En ce qui concerne l'agriculture, nous défendons à Bruxelles, au nom du Gouvernement, exactement la position que vous avez présentée, à savoir qu'une partie des agriculteurs sont rendus plus vulnérables par la volatilité du marché et l'ouverture commerciale et par le risque climatique, qu'ils rendent de plus en plus de services environnementaux en réformant leurs propres pratiques au nom de la préservation de la santé et de l'environnement, ce qui a un coût, et qu'ils peuvent être, pour certains, victimes du Brexit. Or, ce dernier est précisément utilisé comme justification par la Commission européenne pour réduire les paiements directs. Il y a donc une injustice fondamentale. C'est pourquoi le commissaire Hogan souhaite discuter avec nous. Il s'est battu au sein de la Commission, mais il peut aussi avoir besoin d'alliés dans la négociation. La France défendra donc la PAC, mais ses arguments résonnent car ils soulèvent un sujet politique plus profond, ce qui nous amène à rallier un certain nombre d'États membres. La négociation sera complexe. Il faudra donc rester mobilisé.

S'agissant du Royaume-Uni, il est vrai que le gouvernement britannique peut être tenté par une tactique consistant à dire que les Européens ont intérêt à conclure l'accord de retrait : parce qu'il préserve les droits des citoyens installés au Royaume-Uni, qu'il assure que le Royaume-Uni honore sa facture à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d'euros, et que cela pourrait éventuellement résoudre la question de la frontière irlandaise, en évitant une frontière en dur et donc des difficultés sérieuses – et que, pour cela, les Européens doivent en passer par la définition de conditions favorables au Royaume-Uni s'agissant des relations futures. Tel est le marché qui pourrait nous être proposé et auquel la Pologne a paru sensible, mais ce serait un marché de dupes car, pour résoudre le problème à court-terme, nous sacrifierions dans la durée nos principes fondamentaux en créant un sas d'entrée en Europe de produits dans des conditions non maîtrisées. C'est donc un marché que nous ne pourrons accepter, ce qui ne veut pas dire que nous ne négocierons pas et que nous ne rechercherons pas avec le Royaume-Uni les moyens et d'approuver l'accord de retrait et de définir une relation économique utile pour l'avenir. Cela ne peut se faire au détriment du fonctionnement de l'Union européenne. Il faudra vérifier à tout moment l'unité des Vingt-Sept.

L'accord d'association est une formule prévue par le traité de Lisbonne, que le Parlement européen a saisie et que le Royaume-Uni reprend même s'il ne s'en fait pas la même idée. Un tel accord se conçoit, mais encore faut-il trouver un accord sur le fond, lequel devrait lui-même s'inscrire dans une architecture unique. Un tel accord est en effet dans notre intérêt à terme car il permettra d'avoir une gouvernance cohérente.

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