Intervention de Georges Malbrunot

Réunion du mardi 11 décembre 2018 à 17h05
Commission des affaires étrangères

Georges Malbrunot, journaliste au Figaro, spécialiste du Moyen-Orient :

Mohammed ben Salman a pris conscience que son pays allait au-devant de grands périls. Contrairement aux Émirats arabes unis et au Qatar, la population saoudienne est nombreuse : parmi les 20 millions d'habitants, il y a des pauvres, du chômage, donc du ressentiment, et surtout 70 % de jeunes de moins de 30 ans. Il s'est dit que si le pays continuait de somnoler, comme du temps d'Abdallah, face à un Iran qui, pour le coup, travaille, s'agite et infiltre, il irait droit dans le mur. Il a donc pris des mesures de bon sens, a offert un peu de cinéma aux jeunes, le droit de conduire aux femmes.

Pour autant, il est demeuré un autocrate et s'il devient roi, il sera un monarque absolu. C'est le même mélange qui caractérisait Bachar al-Assad, lorsqu'il a succédé à son père et que Jacques Chirac fondait en lui de grands espoirs. Pourquoi, tout en donnant aux femmes le droit de conduire, « MBS » a-t-il fait emprisonner les figures féministes ? Il semble mû par une théorie du complot : quiconque n'est pas d'accord avec lui est payé par le Qatar. En faisant des exemples, il s'impose comme chef – je rappelle l'importance du culte du zaïm – et en embastillant les princes, il signifie son aptitude à régner en maître.

Israël, c'est à la fois l'obsession de l'Iran et celle des pays du Golfe. Mais comme ces derniers ont tout à la fois peur de Téhéran et de leur population – le moindre frétillement les fait voir rouge –, ils ont besoin d'appareils sécuritaires. Or dans la région, c'est Israël qui est le meilleur fournisseur. J'ai écrit en 2010 un article, qui m'a valu bien des sueurs froides, sur les achats secrets d'armes israéliennes par les Émirats arabes unis ; l'Arabie Saoudite est devenue elle aussi une cliente.

Mais la relation avec Israël va plus loin. Pour Donald Trump et Jared Kushner, « MBS » est celui qui pourra vendre à l'Égypte et à la Jordanie leur fameux deal of the century, en conditionnant son aide. Je reviens de Jordanie où la situation économique et sociale est mauvaise. Le roi de Jordanie, bien que n'étant pas anti-israélien, a pris des positions assez dures contre Benyamin Netanyahou : il est rentré du forum des investissements de Mohammed ben Salman sans l'aide dont il avait pourtant bien besoin. Pour Trump, « MBS » est celui qui fera passer la pilule aux Égyptiens, probablement aussi aux Palestiniens.

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