Intervention de Georges Malbrunot

Réunion du mardi 11 décembre 2018 à 17h05
Commission des affaires étrangères

Georges Malbrunot, journaliste au Figaro, spécialiste du Moyen-Orient :

En ce qui concerne le Qatar, il apparaît, au bout de dix-huit mois, que l'Arabie Saoudite et les Émirats n'ont pas gagné : le Qatar ne s'est pas soumis. Les tentatives de médiation orchestrées par le Koweït n'ont pas abouti, et les Qatariens se sont montrés tactiquement agiles, se servant notamment de l'arme du business : c'est ainsi qu'ils ont acheté des F-15 à Trump, des Typhoon aux Britanniques, tandis qu'ils signaient pour 11 millions d'euros de contrats avec la France. Tel était le prix à payer pour la neutralité de leurs alliés.

Je pensais comme d'autres que l'affaire Khashoggi allait servir d'occasion à la Turquie – dont l'alliance avec le Qatar s'est renforcée – de plaider la cause de leurs alliés qatariens et d'obtenir la levée de l'embargo ou, à tout le moins, des mesures d'assouplissement, mais cela n'a pas abouti.

Tout porte donc à croire que la crise va durer. Trump a bien essayé de convoquer les dirigeants saoudiens et qatariens, mais cela n'a rien donné. Par ailleurs, si le Qatar est voué à se réconcilier avec l'Arabie Saoudite, qui incarne une sorte de grand-frère voisin, fort de 25 millions d'habitants alors que le Qatar ne pèse que 200 000 âmes, il existe une haine tenace entre les Qatariens et les Émiriens, haine que ne va pas apaiser le rapprochement entre le Qatar et l'Iran et la construction d'un port en eaux profondes, qui pourrait concurrencer le port dubaïote de Jebel Ali.

Pour ce qui est des États-Unis, il est assez difficile de décrypter la position de Trump. Si la CIA et le Département d'État restent extrêmement prudents et n'avalent manifestement pas la thèse selon laquelle Mohammed ben Salman n'aurait rien à voir dans l'affaire Khashoggi, Trump et son gendre à la Maison-Blanche, ou Bolton au Conseil de sécurité nationale prônent pour leur part le maintien de bonnes relations avec l'Arabie Saoudite, qui est un partenaire économique de premier plan pour les États-Unis : en mai 2017, lorsque Trump a fait son premier voyage à Riyad, il a officiellement conclu pour 380 milliards de dollars de contrats, dont une large part n'a en réalité pas été honorée, comme c'est souvent le cas avec l'Arabie Saoudite.

Reste à savoir dans quelle mesure l'Arabie Saoudite contribuera au deal of the century voulu par Trump et si elle parviendra à emmener dans son sillage les Égyptiens et les Jordaniens, voire les Palestiniens eux-mêmes.

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