Intervention de Jean-Louis Bourlanges

Réunion du mercredi 6 mars 2019 à 16h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Louis Bourlanges :

Monsieur le Premier président, non seulement votre exposé était passionnant, mais vous apportez à la fois le regard de l'inventeur et celui du contrôleur : vous fûtes, dans une autre vie, à l'origine des travaux qui ont conduit à la LOLF, et vous voici particulièrement bien placé pour être le juge de votre oeuvre et de la façon dont elle fut ou non appliquée.

Me frappe quand même, dans votre exposé, le relatif pessimisme avec lequel vous envisagez l'évolution des mentalités dans notre pays : elles résistent à tout. Le système juridique et procédural a été modifié en profondeur, mais le naturel français, à la fois dépensier et cloisonnant, revient au galop. Je m'interroge, parce qu'en vérité c'est cela, le problème : malgré telle ou telle réforme, les acteurs politiques, que ce soit le Gouvernement ou les parlementaires, et les administrations n'arrivent pas à faire de cette logique de performance une réalité effective.

Il faudrait insister sur deux points.

Ce que vous avez dit sur la dissociation des comptes de l'État et des comptes sociaux est très important. Nous voyons très bien à quoi cela correspond – d'autant que ce sont deux commissions distinctes de l'Assemblée nationale qui s'occupent respectivement des uns et des autres, confortant institutionnellement ce dualisme. Vous-même faites des propositions, et je pense que la consolidation financière et l'examen global de ces comptes sont d'autant plus justifiés qu'il est d'innombrables recettes dont on ne sait plus vraiment – la distinction est vraiment ténue – si elles relèvent des cotisations sociales ou de l'impôt ; la contribution sociale généralisée en est un exemple. Je pense qu'il faut aller plus loin encore dans la formulation de pistes pour nous aider à avancer, monsieur le Premier président.

Le second point sur lequel je veux insister, c'est que l'automne ignore le printemps. En automne, nous votons la loi alors qu'au printemps nous évaluons celle de l'année précédente. Nous nous intéressons à ce qui a déjà été voté de manière intellectuelle et non pas en termes dynamiques. D'où votre remarque très juste sur les lois de règlement, monsieur le Premier président. Le coup est parti et les parlementaires regardent en avant. À l'automne, notre emploi du temps est tellement contraint que nous sommes amenés à ne nous intéresser qu'aux amendements, donc au delta. Nous ne remettons pas en cause les choix fondamentaux comme nos travaux du printemps devraient nous conduire à le faire. Et je me demande si, au moment où nous procédons à l'examen approfondi des diverses politiques publiques, nous ne pourrions pas élaborer avec le Gouvernement des anticipations d'arbitrages budgétaires. Nos travaux de l'automne n'auraient alors d'autre but que de les ajuster – cela impliquerait, j'en conviens, un bouleversement procédural. Si nous ne donnons pas une force décisionnelle à ce que nous faisons au printemps, nous ne parviendrons pas à sortir de cette situation pénible. La LOLF est une loi magnifique, mais elle coïncide avec un dérèglement général des finances publiques depuis vingt ans. Il faut aller plus au fond des choses et revoir nos pratiques. C'est ainsi que nous changerons l'état d'esprit qui nous anime tous et qui nous perd tous.

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