Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du mercredi 13 mars 2019 à 15h00
Croissance et transformation des entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

Dans la même période, la même entreprise, qui a perdu tant d'argent et s'est autant endettée, a reversé 27,5 milliards d'euros à ses actionnaires, ce qui en fait la deuxième entreprise du CAC40 en termes de montant des dividendes. Les dividendes sont équivalents à quinze fois les bénéfices de l'entreprise.

Cette tendance, qui s'observe dans le monde entier, me permet d'illustrer l'hyperfinanciarisation de l'économie mondiale.

Aujourd'hui, de plus en plus souvent, les entreprises empruntent car les taux sont bas. Et ils sont bas parce que les banques centrales les diminuent pour permettre aux banques de favoriser la production réelle, donc de prendre des risques – c'est leur métier d'évaluer ces risques le plus finement possible – afin de relancer la production. Or, ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Les milliards distribués, notamment par la Banque centrale européenne, ne se retrouvent pas dans l'économie réelle de l'Union européenne. 85 milliards d'euros par mois ont été déversés – 2 800 milliards au total, soit l'équivalent de la production annuelle de la France. Si cet argent avait atteint l'économie réelle, si les lois auxquelles vous continuez à croire s'appliquaient, nous aurions dû constater de l'inflation – ce dont je me réjouirais, car mieux vaut l'inflation qui fait fondre les stocks de dette sans qu'il y ait de guerre ou de destructions et permet de dépenser autrement, que ce que nous sommes en train de vivre. Or, ne vous inquiétez pas, rien, pas même 2 % d'inflation dans toute l'Europe après une injection monétaire pareille. En outre, dans ces 2 %, à peine 1 % correspond à de l'inflation structurelle, le reste résultant d'une inflation par les coûts, notamment ceux de l'énergie.

La financiarisation de l'économie fonctionne donc à plein, y compris lorsque les banques sont aidées pour les inciter à intervenir dans l'économie réelle. C'est ce phénomène que je vous reproche de ne pas prendre en compte.

Monsieur le rapporteur général, vous vous êtes interrogé sur ce qu'est une entreprise. Vous avez donné votre définition, à laquelle je peux sans doute adhérer pour partie. Mais notre point de vue diffère sur un point : pour nous, une entreprise est d'abord un collectif humain et une addition de qualifications en vue de produire des valeurs d'usage. Or, l'économie contemporaine est tout entière tournée vers la production de valeurs d'échange, et seulement de valeurs d'échange. C'est la raison pour laquelle nous considérons qu'il faut définanciariser l'économie, en particulier les entreprises.

Nous avons fait des propositions pour moduler les droits de vote des actionnaires en fonction de la durée de leur investissement. Ce système, qui est appliqué dans plusieurs pays, oblige à investir dans la durée pour bénéficier d'un pouvoir de décision. Quelque décision que vous preniez, il est immoral de donner des droits à une personne qui ne fait que passer – par exemple, un gestionnaire de fonds de pension ou le trading haute fréquence. Autrefois, la durée moyenne de détention d'une action était de six ans, elle est passée à six mois et aujourd'hui, elle est de six secondes. Cela vaut tout de même la peine qu'on y réfléchisse.

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