Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du mercredi 13 mars 2019 à 21h30
Croissance et transformation des entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Certains textes de loi ont vocation à être des étendards idéologiques : le projet de loi PACTE est assurément de ceux-là tant il répond point par point aux velléités exprimées par les grands prêtres du néolibéralisme au service des marchands du temple.

Ce néolibéralisme, vous en êtes, monsieur le ministre, obsessionnellement, aveuglément un fidèle, sans aucun esprit critique. Nous nous trouvons ici face à un projet de loi fourre-tout, à l'instar de la loi Macron promulguée en 2015. Volumineux certes, ce nouveau salmigondis a les mêmes visées : déréglementer, libéraliser, privatiser. Les mêmes visées, mais dans des proportions inédites.

En apparence, pour reprendre une belle formule de Lautréamont dans les Chants de Maldoror, on pourrait dire que c'est la rencontre fortuite, sur une table de dissection, d'une machine à coudre et d'un parapluie. Il y a une multiplicité des sujets, mais avant tout c'est bien une table de dissection – expression chirurgicale de l'acte de foi du fidèle serviteur du néolibéralisme que vous êtes, et d'ailleurs vous ne vous en cachez pas.

Fidèles, aveuglément fidèles aux injonctions des organisations patronales, cette majorité – certains par fidélité résignée – et vous-même entendez déréglementer pour nous affranchir des prétendues barrières à l'activité. Pour ce faire, vous vous attelez à supprimer des seuils sociaux en entreprise, quand bien même nous savons que c'est dangereux et inefficace.

C'est dangereux parce qu'il s'agit, dans le prolongement des ordonnances travail, de réduire les obligations sociales des employeurs en fonction de leur taille. Cela concerne en premier lieu les obligations en termes de mise en place des institutions représentatives du personnel. Ici encore, le mépris des corps intermédiaires est manifeste.

C'est inefficace, parce que l'impact positif d'un lissage des seuils sociaux en termes de développement économique et de création d'emplois n'a jamais été démontré. Tout démontre même le contraire. Dans une étude de 2011, l'INSEE a fortement relativisé l'impact de la suppression des seuils sur la taille des entreprises. Une enquête réalisée en Italie corrobore le constat et démontre qu'une refonte des seuils ne crée aucun emploi. Cette vieille lubie libérale aura en revanche un effet bien réel : un nouveau recul pour les droits sociaux, une fois de plus sacrifiés sur l'autel d'une supposée rationalité économique.

Fidèles, obsessionnellement fidèles à la financiarisation de l'économie, cette majorité – certains par fidélité résignée – et vous-même poursuivez l'objectif de parvenir à un plus grand nombre d'introductions en bourse et ce au moyen d'un abaissement des contraintes réglementaires. Non seulement dangereuses pour les petites et les moyennes entreprises, ces nouvelles dispositions dédouaneront un peu plus les banques qui ont vocation à investir et à financer l'économie réelle.

Plus de dix ans après la crise financière, il est regrettable que le Gouvernement ne tire pas les leçons du passé, à l'aube d'une future crise financière déjà annoncée par un grand nombre d'économistes. Pourtant, vous devez savoir – j'ai déjà utilisé l'image – que sniffer, je dis bien sniffer les bénéfices financiers comme de la poudre blanche n'amène jamais rien de bon.

Dans la Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie, Keynes écrivait que « la situation devient sérieuse lorsque l'entreprise n'est plus qu'une bulle d'air dans le tourbillon spéculatif. » Voilà un avertissement qu'il est encore temps de suivre, même s'il est peu probable que vous le fassiez. Sans viser qui que ce soit, je précise que Keynes écrivait par ailleurs ceci, qui convient fort bien à ce projet de loi : « Le capitalisme, c'est la croyance stupéfiante selon laquelle les pires hommes vont faire les pires choses pour le plus grand bien de tout le monde. » À méditer.

Fidèles, obsessionnellement et aveuglément fidèles au désengagement de l'État en matière économique, cette majorité – certains par fidélité résignée – et vous-même procédez au démantèlement de la Caisse des dépôts et consignations – CDC – ,…

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