Intervention de François Pupponi

Séance en hémicycle du jeudi 14 mars 2019 à 9h30
Croissance et transformation des entreprises — Article 44 (appelé par priorité)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

Monsieur le ministre, à mon tour de développer deux nouveaux arguments pour bien expliquer pourquoi il serait absurde de privatiser ADP.

Le premier argument repose sur l'indispensable fibre sociale d'ADP : plus particulièrement au nord de l'Île-de-France, autour de Roissy-en-France et du Bourget, ADP est propriétaire de plateformes aéroportuaires qui sont des vecteurs d'emplois pour les populations riveraines. Les aéroports du Bourget et de Roissy sont en effet entourés de zones dites sensibles, dans lesquelles le taux de chômage est très élevé : or ADP, en lien avec les entreprises de la plateforme, facilite l'accès à l'emploi des habitants des communes environnantes. Seule la puissance publique peut remplir un rôle de moteur social, en imposant à des entreprises l'embauche prioritaire des habitants des zones urbaines sensibles. Une entreprise privée, guidée par sa rentabilité, n'embauchera que des personnes capables d'accéder immédiatement à l'emploi : elle n'aura pas cette fibre sociale à l'égard des territoires environnants.

Le second argument, monsieur le ministre, qui devrait empêcher l'État de privatiser, est encore plus préoccupant, puisqu'il touche à la santé publique.

Voilà quelques jours, Bruitparif, organisme reconnu pour sa compétence, a remis un rapport sur les conséquences sanitaires du bruit aérien en Île de France – il a pour titre : Impacts sanitaires du bruit des transports dans la zone dense de la région Île-de-France. Je vous cite un extrait de la conclusion : « 375 000 personnes, soit 3,7 % de la population de la zone dense francilienne, sont exposées à des niveaux de bruit aérien dépassant la valeur réglementaire [… ]. La nuit, [… ] 11 % de la population vit encore dans un logement exposé à un bruit aérien de plus de 40 dB(A), considéré comme l'objectif de qualité à atteindre la nuit selon l'OMS ».

Au-delà de ces constatations, les conséquences de cette exposition à un bruit supérieur aux normes fixées par l'OMS – Organisation mondiale de la santé – sont dramatiques : « En termes d'impacts sanitaires, le bruit aérien est responsable de 18 718 années de vie en bonne santé perdues chaque année au sein de la zone dense francilienne. [… ] Rapportées à l'individu, les évaluations réalisées donnent une valeur statistique moyenne de 1,9 mois de vie en bonne santé perdu ». Pour les zones les plus exposées, trois ans de vie sont perdus en raison de l'exposition au bruit aérien en Île-de-France.

Je constate que le Gouvernement s'est bien gardé de tout commentaire sur ce rapport, en dépit de sa politique affichée en matière de santé publique. S'il est pourtant un sujet sur lequel on ne saurait plaisanter, c'est bien celui de la santé et de la vie des Franciliens en particulier et, en général, de tous ceux qui vivent à proximité d'aéroports, partout en France et dans le monde. C'est le rôle de la puissance publique de se préoccuper de la santé des citoyens et des habitants de notre pays. Je ne suis pas sûr qu'une entreprise privée soit capable de le faire aussi bien que l'État.

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