Intervention de Frédérique Dumas

Réunion du lundi 11 mars 2019 à 17h10
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Dumas :

Notre commission s'est saisie pour avis des deux premiers articles du projet de loi, qui ont trait à la réforme des études de santé. Nous nous en félicitons parce que ces deux articles sont la principale raison pour laquelle notre assemblée examine ce projet de loi, qui aurait aussi bien pu s'intituler « projet de loi portant réforme des études en santé ».

Cependant, notre groupe a déjà eu l'occasion de dire combien il regrettait la rapidité avec laquelle vous avez procédé pour permettre à cette réforme des études de santé d'entrer en vigueur à la rentrée universitaire 2019.

En conséquence, au motif d'une concertation avec les acteurs – par ailleurs légitime –, vous avez fait le choix de légiférer par ordonnances sur des sujets aussi majeurs que l'organisation des soins, la réforme de la carte hospitalière ou la refonte des groupements hospitaliers de territoire. Nous regrettons ce choix et souhaitons évidemment être associés à l'élaboration des ordonnances. À notre sens, la consultation des uns n'aurait pas dû avoir pour conséquence de ne pas respecter le rôle des autres, en l'occurrence celui du Parlement, au risque d'abîmer encore davantage la démocratie représentative.

Enfin, pour transformer, il faut prendre le temps de partager les objectifs au lieu d'agir, une fois encore, dans la précipitation : or, vous le savez, les mêmes causes produisent les mêmes effets, c'est-à-dire les mêmes blocages.

Cela étant dit, l'article 1er vise à supprimer le numerus clausus. Nous y sommes favorables, même si c'est moins l'outil lui-même que son utilisation par les pouvoirs publics ces dernières décennies qui a provoqué l'actuelle pénurie de médecins dans le secteur libéral, conséquence d'années de gestion à courte vue de la démographie médicale.

La suppression de la PACES et des modalités de sélection à l'entrée des études en santé nous semble également aller dans le bon sens, tant le système actuel et la sévère concurrence qu'il génère sont porteurs d'échecs et de découragement pour les étudiants, qui perdent parfois deux ans d'études. La PACES était d'ailleurs de plus en plus contournée, perdant sa vocation première de voie unique pour les études en santé.

La suppression des ECN et les dispositions proposées par l'article 2 peuvent également s'entendre, tant les ECN pouvaient légitimement prêter le flanc aux critiques, celles notamment de focaliser l'attention des étudiants, tout au long du second cycle, sur la mémorisation des informations nécessaires à la réussite aux ECN, de ne pas prendre en compte les réels besoins en santé des territoires, ou encore de favoriser le choix des spécialités hospitalières les plus rémunératrices par l'immense majorité des étudiants.

Il nous paraît essentiel d'intégrer davantage de modules et d'enseignements communs dans la formation des professionnels de santé. Nous serons d'autant plus vigilants sur ces points que, pour faire de l'exercice coordonné et du partage des tâches une réalité effective, il faut que nos médecins et nos pharmaciens se parlent et se connaissent davantage ; cela commence sur les bancs de l'université.

Toutefois, la question de la subjectivité et de l'opacité des jurys se pose, là où les examens en fin de PACES et lors des ECN garantissaient une relative neutralité. Par ailleurs, alors que 10 % seulement des jeunes médecins choisissent de s'installer en libéral, le projet de loi reste également étrangement muet sur la question, pourtant centrale, des stages à l'extérieur de l'hôpital, alors que cela devrait constituer une piste privilégiée pour ouvrir l'horizon des étudiants, favoriser le développement de la pratique libérale et en finir enfin avec cette vision hospitalo-centrée du cursus médical, désastreuse pour l'organisation des soins.

Rien n'est dit sur la capacité des universités à former 20 % d'étudiants supplémentaires ; rien non plus sur les enjeux de démocratie sanitaire. On se prive, dans la détermination des besoins de santé, de l'avis des conseils de l'ordre, mais aussi des usagers ou des élus locaux, au profit d'une mainmise des ARS.

Notre groupe est néanmoins prêt à vous accompagner dans l'amélioration de ce texte et proposera plusieurs modifications, dont nous espérons qu'elles rencontreront un écho favorable.

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