Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du mercredi 18 octobre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Madame la présidente, monsieur le ministre de l'action et des comptes publics, mes chers collègues, le projet de budget que le Gouvernement soumet aujourd'hui à nos suffrages est extrémiste, il porte la marque de l'extrême libéralisme. Dire qu'il est favorable aux riches n'est pas tout à fait exact : il l'est aux ultra-riches. Ce sont les 1 % de Français les plus riches qui capteront la très grande partie des cadeaux fiscaux du Gouvernement, et plus particulièrement les détenteurs de la rente capitaliste qui, ainsi, s'enrichiront toujours plus.

Je vous invite à le vérifier à travers le détail des mesures : baisse de l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune, pour un coût de 3,5 milliards d'euros ; instauration du prélèvement forfaitaire unique – la « flat tax », que l'on ferait mieux de baptiser « gave taxe » pour les riches – , 1,5 milliard ; abandon de la taxe sur les dividendes, 1,8 milliard ; abandon de la taxe sur les transactions financières intraday, 2 milliards ; suppression de la dernière tranche de la taxe sur les salaires, 150 millions. Si vous avez sorti votre calculette, vous voyez que la somme de ces mesures se monte à 9 milliards d'euros : 9 milliards pour les plus riches, donc, et l'aumône pour les 9 millions de pauvres que compte notre pays. Voici la preuve par neuf, monsieur le ministre, de votre politique, en ce lendemain de la Journée mondiale du refus de la misère.

Ne vous en déplaise, votre politique n'a rien de neuf. M. le ministre Le Maire, absent de nos bancs à cette heure, a au moins un grand mérite : celui d'assumer pleinement sa politique, il l'a répété tout à l'heure. Il déclarait aussi, dans une interview au journal Le Monde, « alléger les prélèvements sur le capital pour financer notre économie, c'est-à-dire l'investissement et l'innovation, donc les emplois de demain. »

C'est là une vieille politique, inspirée du théorème de Schmidt – Helmut de son prénom, ancien Chancelier allemand – , énoncé il y a quarante-trois ans, le 3 novembre 1974, quasiment mot pour mot. Le problème est que l'on en connaît les résultats sur le Vieux Continent : les profits ont certes explosé, mais les investissements, eux, ont stagné voire baissé, et le chômage a grimpé jusqu'à un niveau historique.

Cette politique appliquée sur notre continent n'a pas seulement des conséquences sociales et environnementales : à force de purges d'austérité, de dérégulations, de contournements de la souveraineté populaire, de mise en concurrence généralisée entre les peuples et au sein des peuples, et ce à la seule fin de servir la rente capitaliste, elle fissure désormais la cohésion et le consentement national dans plusieurs pays européens, comme en Espagne, confrontée à la crise catalane.

« Et l'Allemagne ? », nous répondez-vous. Oui, regardons l'Allemagne, mais pas avec vos yeux de Chimène. En réalité, l'austérité, la baisse des dépenses publiques et la déflation salariale ont mis ce pays à genoux au début des années 2000. Seule une politique d'exportation agressive, adossée à un euro fort et empêchant toute réaction des pays importateurs explique la relative réussite économique de l'Allemagne, si l'on met à part ses millions de travailleurs pauvres.

C'est cela, et la soumission honteuse des gouvernements français successifs – que vous perpétuez notamment à travers l'affaire Alstom – , qui autorise la domination économique de l'Allemagne au sein de l'Union européenne.

Curieusement, il est un pays avec lequel vous ne nous comparez jamais, préférant des exemples qui ne jouent pas en notre faveur.

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