Intervention de Amiral Jean-Philippe Rolland

Réunion du mardi 12 mars 2019 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Amiral Jean-Philippe Rolland :

Je ne prendrai pas parti… (Sourires.)

Comme tous les marins qui seront affectés sur les frégates multi-missions, ceux de l'Alsace bénéficieront du groupe de transformation et renfort, une structure dédiée au passage aux nouvelles technologies que j'ai évoquées, qui rendent possible l'emploi de ce bateau à 109 personnes mais nécessitent une plus longue adaptation des marins, de l'ordre de plusieurs mois.

Monsieur Chalumeau, vous m'avez posé une question passionnante sur l'émergence de nouvelles puissances maritimes et leurs conséquences sur les grands équilibres mondiaux. Si les amiraux de la marine américaine que j'ai pu rencontrer me parlent de plus en plus souvent de la Chine, et si leurs préoccupations sont de plus en plus tournées vers le Pacifique, il n'en demeure pas moins que le nombre de bâtiments présents sur la côte est américaine est resté très important. Nous avons aussi créé récemment, dans le cadre de l'OTAN, un commandement de niveau opératif, le Joint Force Command Norfolk qui, après Naples et Brunssum, va permettre à l'Alliance de continuer à pouvoir se reposer sur un commandement au niveau opératif, c'est-à-dire à l'échelle d'un théâtre d'opérations : ainsi, toutes les opérations se passant dans le nord-Atlantique et menées par l'Alliance seront dirigées depuis Norfolk par cet état-major de l'OTAN.

Parallèlement à la création de cet état-major, les Américains ont réactivé leur deuxième flotte, sur la côte est américaine. J'ai rencontré l'amiral Lewis, qui va commander cette deuxième flotte et est très conscient des enjeux importants qui demeurent en Europe, notamment dans le nord-Atlantique, et du retour d'un compétiteur comme la Russie. Cela dit, l'arrivée des premiers F-35 sur les porte-avions américains va se faire dans le Pacifique : c'est bien sur la côte ouest que le haut niveau technologique va être positionné.

Il faut impérativement que l'Europe puisse tenir son rang et prendre ses responsabilités vis-à-vis de l'Alliance, au niveau européen mais aussi à l'échelle mondiale, dans l'Indo-Pacifique et dans l'ensemble de nos départements, régions et collectivités d'outre-mer (DROM-COM). Je rappelle que nous siégeons au Conseil de sécurité et que nous devons pouvoir nous exprimer et faire valoir notre position sur tous les sujets lorsque c'est nécessaire. Nous avons avec nos amis américains des discussions passionnantes – je ne vous en parlerai pas aujourd'hui, car ce serait trop long – et il est important que nous continuions à leur demander de rester très impliqués sur l'interopérabilité : derrière tous ces enjeux stratégiques, il y a celui, fondamental, de l'aptitude à travailler ensemble.

L'OTAN nous fournit cette capacité technique procédurale à fonctionner ensemble au moyen de standards – les standardization agreements (STANAG), qui conditionnent les cahiers des charges de tous les équipements. Si les Européens arrêtent d'investir dans l'entretien de cette capacité à agir ensemble, les Américains s'intéresseront très rapidement à à un autre compétiteur stratégique, et nous aurons alors beaucoup de mal à préserver la capacité actuelle du groupe aéronaval à fonctionner en plug-and-fight, grâce à une grande aisance s'appuyant sur une fréquentation régulière de nos groupes aéronavals respectifs, mais aussi et surtout sur le socle des procédures OTAN. Ces procédures, dont la liaison 16 et le ravitaillement à la mer font partie, ont été mises au point par les ingénieurs à partir des besoins exprimés par les opérationnels.

Pour ce qui est des autres grands acteurs, l'Inde et le Japon sont aujourd'hui prêts à devenir de vrais partenaires opérationnels pour la France, et nous nous attachons à développer nos relations avec eux. Nous avons évoqué tout à l'heure l'exercice Varuna, mais ce n'est pas le seul. Dans le courant de l'été prochain, nous allons affecter en Inde un officier supérieur issu de la force d'action navale, afin de nous permettre de progresser dans le partage de la compréhension de la situation maritime dans l'espace indo-Pacifique. L'été dernier, nous avions déjà affecté un capitaine de vaisseau – un commandant de FREMM provenant lui aussi de la force d'action navale – à l'état-major de l'US PACOM à Hawaï, afin de nous permettre de comprendre comment utiliser au mieux les ressources dont nous disposons, en soutien de cette approche mondiale des enjeux de sécurité.

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