Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mercredi 18 octobre 2017 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Article 10 (appelé par priorité)

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

M. Dussopt et les orateurs qui lui ont succédé ont ouvert une discussion importante, puisque le présent article inaugure la série de ceux qui, dans un contexte budgétaire contraint, tendent à encadrer les nouveaux rapports entre les collectivités locales et l'État. Je constate qu'à de très rares exceptions près, aucun intervenant n'a dit que personne ne devait faire des économies, certaines collectivités locales étant les premières à devoir en faire. Nous avons donc déjà bien avancé par rapport à ce que l'on a pu entendre au cours des questions au Gouvernement ou en commission.

Je prendrai un peu de temps pour exposer la position du Gouvernement sur les amendements, même si j'y reviendrai plus précisément lorsque nous débattrons de chacun d'entre eux.

Je vous remercie, monsieur Dussopt, pour vos prises de position constantes, bien entendu au nom de la nation – puisque vous siégez ici en tant que député – , mais aussi en faveur des communes les plus rurales, pour lesquelles votre engagement est connu de tous. Je me félicite des réflexions que vous nous avez soumises dans cette discussion liminaire.

Vous m'avez posé trois questions, auxquelles je m'efforcerai de répondre le plus sincèrement possible, étant entendu que nous entamons seulement l'examen des articles de ce projet de loi de programmation. Le sujet dont nous parlons sera également abordé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, un travail est en cours dans le cadre de la Conférence nationale des territoires, et la Haute assemblée s'en saisira à son tour, dans un troisième temps, avec un intérêt tout particulier de par son positionnement institutionnel.

Vous m'avez demandé, monsieur Dussopt, comment les représentants de l'État organiseront la contractualisation et si les spécificités locales seraient prises en compte. Sur la seconde partie de la question, la réponse est affirmative : le principe du contrat est d'être adaptable, selon une norme que nous définirons ensemble. On incrimine une prétendue recentralisation, mais c'est tout le contraire, puisque celle-ci impliquerait une baisse uniforme des dotations. À cause d'un tel système, où les difficultés locales disparaissent dans un tout indifférencié, certaines communes se sont retrouvées avec une DGF négative, effet un peu absurde d'un but poursuivi par les gouvernements successifs.

Une cible de progression des dépenses a été définie, en effet ; M. de Courson, qui nous rejoindra sans doute, dirait peut-être qu'il s'agit là d'un pari fou, et peut-être prendrait-il date aussi pour les difficultés à prévoir en termes d'équilibre des finances publiques. Mais nous faisons le pari de l'intelligence, de la contractualisation et de l'adaptation.

Le rapporteur, tout à l'heure, a eu raison de répéter par trois fois qu'il n'y avait aucune baisse des dotations, contrairement à ce que j'ai pu entendre. La contractualisation concerne les 319 plus grosses collectivités françaises, c'est-à-dire toutes les régions, tous les départements, toutes les communes de plus de 50 000 habitants et toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants.

Si, effectuant une opération un peu grossière, vous soustrayez 319 collectivités des 36 000 communes que compte notre pays, vous vous apercevrez que la très grande majorité – pour ne pas dire la quasi-totalité – des collectivités ne sont pas concernées par la contractualisation, sauf – et nous en discuterons tout à l'heure – si elles le souhaitent.

Pourquoi ces 319 collectivités-là ? Parce qu'elles concentrent les deux tiers de la dépense publique locale et, en même temps – si j'ose dire – , parce qu'elles disposent d'un budget de fonctionnement élevé. Le dispositif, j'insiste en effet sur ce point, vise le seul budget de fonctionnement, non le budget d'investissement ; c'est d'ailleurs pour cela qu'il devrait selon moi vous convaincre, monsieur Aubert : il ne s'agit pas de décourager l'investissement local mais au contraire de l'encourager, quand les baisses de dotations, elles, le découragent, pour les raisons que nous évoquerons ultérieurement.

Je suis tout à fait prêt à entendre les arguments, non seulement de la représentation nationale, mais aussi des associations d'élus et des élus eux-mêmes, avec lesquels je multiplie les rencontres pour essayer d'adapter le système au mieux ; mais j'imagine que le préfet, en particulier de région – mais je ne veux pas m'avancer sur le terrain de mon collègue ministre d'État, ministre de l'intérieur – , puisqu'il a une vision plus régionale, donc une vision des contrats qui associe un plus grand nombre de collectivités, pourra lui aussi, épaulé par le directeur des finances publiques, rencontrer un certain nombre d'élus afin de leur proposer un contrat. La cible générale en sera une évolution des dépenses limitée à 1,2 %, mais il prendra en compte les spécificités locales – votre collègue Pupponi a d'ailleurs déposé un amendement relatif aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, preuve que chacun semble avoir compris l'adaptabilité du contrat.

Qu'est-ce qu'une « spécificité locale » ? La question, me direz-vous, peut nous conduire assez loin. Le taux de chômage n'a pas grand-chose à voir dans l'affaire : je puis en témoigner, ayant été maire d'une commune qui a l'un des taux de chômage les plus élevés de France. En revanche, l'évolution des dépenses de fonctionnement dépend beaucoup de la question de savoir, par exemple, si la commune gagne ou non des habitants. Les communes dynamiques, où la population s'accroît, voient bien évidemment leurs dépenses de fonctionnement – qu'il s'agisse des crèches, de l'accueil de la petite enfance, de l'accueil des écoliers ou des personnes âgées – suivre une pente inverse de celles où elle décroît. L'adaptation du contrat par le corps préfectoral est donc un premier principe, et j'ai même déclaré, monsieur le député, que j'étais prêt, en tant que ministre, à travailler avec les élus qui pourraient rencontrer un problème de compréhension avec le représentant de l'État. Je pourrai ainsi, avec mon collègue de l'intérieur, signer les contrats et répondre aux interrogations que se posent, notamment, les plus grosses collectivités – régions, départements ou grandes métropoles.

La contractualisation, je le répète, ne concerne pas toutes les collectivités ; mais la cible de 1,2 %, elle, doit s'imposer à la totalité d'entre elles, même en l'absence, si j'ose dire, de base obligatoire – nous avons déjà eu cette discussion.

Nous avons tous compris que les élus locaux, notamment des plus petites communes, ne peuvent engager des dépenses somptuaires, à quelques rares exceptions près – puisque, si ces communes peuvent elles aussi être riches, la grande majorité d'entre elles connaissent des difficultés qui les ont conduites à se regrouper dans des intercommunalités – de façon un peu contrainte et forcée, il faut bien le dire. Ce sont donc certaines des plus grosses collectivités qui sont responsables d'une partie de la dérive de la dépense publique, même si beaucoup d'entre elles sont très bien gérées.

Si des collectivités souhaitent opter pour la contractualisation – certaines m'en ont déjà fait la demande – , les portes de l'État leur seront bien entendu ouvertes une fois adopté le projet de loi de finances.

Vous m'avez aussi interrogé, monsieur le député, sur les mesures de correction. C'est là une vraie question. Vous l'aurez constaté, le pari de l'intelligence repose sur la confiance. Celle-ci n'exclut certes pas le contrôle, mais le fait est qu'aucune mesure corrective n'est prévue pour 2018. Nous discuterons cependant de mesures de ce type dans le cadre du projet de loi de finances, et ce dès cette année, mais aussi l'année prochaine.

Je puis vous donner mon avis si vous le souhaitez, mais il n'engage pas le Gouvernement : c'est celui de l'élu local devenu ministre. Il faut, ce me semble, encourager les collectivités qui respectent la cible ; pour elles, je suis donc plutôt favorable à l'octroi de dotations d'investissement – lequel, pour le coup, s'en trouverait ainsi encouragé. Je suis également favorable à des mesures de correction individuelles, mais via la DGF plutôt que par une retenue d'impôt : cela serait plus respectueux pour les collectivités, même si l'on pourra toujours discuter du dispositif.

Nous faisons le pari que l'intelligence territoriale l'emportera et qu'il n'y aura pas de baisse unilatérale des dotations des collectivités locales. Nous marquons là un pas révolutionnaire dans notre relation avec les collectivités locales.

M. Roussel a évoqué, une nouvelle fois, la baisse des dotations. Une différence fondamentale sépare le fait de ne pas baisser les dotations, comme c'est le cas dans le projet de loi de finances, et celui de demander une moindre dépense. Que signifie l'objectif de 1,2 % ? Si une ville lambda dépense 100 millions d'euros en frais de fonctionnement une année, elle devra s'engager, l'année suivante, à ne pas dépenser plus de 101,2 millions, c'est-à-dire qu'on lui autorise une dépense de fonctionnement supplémentaire de 1,2 million.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.