Intervention de Michel Neugnot

Réunion du mercredi 13 mars 2019 à 9h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Michel Neugnot, vice-président du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, président de la commission Transports et mobilité de Régions de France :

Je partirai pour ma part d'un double constat. D'abord, nous avons pu constater, aux Assises nationales de la mobilité, que l'ensemble des initiatives privées ou publiques prises sur les territoires étaient plutôt géniales, mais ne fonctionnaient pas, car souvent isolées et parce que le faire-savoir ne fonctionnait pas. Nous disposons, sur les territoires, de tous les outils existants mais, faute d'être bien mis en oeuvre et coordonnés, ils sont inefficaces.

Ensuite, le législateur a voté, voilà quelques années, l'obligation pour les entreprises de 100 salariés d'élaborer des plans de déplacement d'entreprise (PDE). Je ne sais pas comment cela se passe dans vos circonscriptions, mais je puis vous faire l'inventaire de ma région : la Bourgogne-Franche-Comté compte 900 entreprises de plus de 100 salariés, et seulement quelques dizaines de PDE ont été mis en oeuvre. Démonstration est faite qu'il ne sert à rien de voter une loi s'il n'y pas d'architecte pour la mettre en oeuvre : elle ne fonctionnera pas.

La légitimité même de la loi d'orientation des mobilités (LOM) est de prendre conscience que le bilan du travail « en silos » prévu par la loi d'orientation des transports intérieurs (LOTI), avec des transports ajoutés les uns à côté des autres, doit mener à une réflexion où le voyageur serait au coeur de la problématique : trouver une solution de mobilité dans tous les territoires, qui soit à la fois quantitative et qualitative.

Il s'agit d'une « mobilité partout et pour tous », avec le bon moyen de transport au bon endroit, à un coût supportable pour la collectivité et à un prix abordable pour le voyageur.

Pour que cela fonctionne, la loi doit préciser l'architecture. Elle doit donc donner compétence aux régions, ce qui serait, dans l'ordre naturel des choses, une prolongation de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

Si nous devons réfléchir au niveau global, nous devons agir au niveau local, donc permettre aux intercommunalités existantes, et regroupées dans des bassins de mobilité – à définir avec les régions et les territoires – de dialoguer avec les régions.

Par ailleurs, la région doit nouer des partenariats. Dans le texte du projet de loi actuel, nous regrettons fortement ce qui a été supprimé de l'accord trouvé par toutes les collectivités confondues, dans le cadre du Groupement des autorités responsables de transport (GART) au mois de juillet – et qui avait été validé par la ministre. En effet, les contrats opérationnels de mobilité (COM) sont une nécessité, non seulement avec les autorités organisatrices de la mobilité existantes, mais également avec les AOM futures.

Nous devons également veiller à ne pas détricoter la loi NOTRe. Nous sommes favorables au fait de donner des blocs de compétences aux intercommunalités dans le cadre des bassins de mobilité, hors compétences déjà transférées du transport.

La démarche doit se faire, et la capacité qui va être donnée aux communes de transférer les compétences qu'elles ont au titre de la compétence générale pour les transports de très grande proximité doit mener, non pas à ce transfert, justement, mais à l'adhésion à un projet qui aura été travaillé. La question du calendrier est donc essentielle.

Dans un premier temps, il convient de définir, sur proposition de la région, un accord avec les territoires des bassins de mobilité. Dans un second temps, il faudra prendre le temps de la réflexion pour construire les solutions de mobilité, la région jouant un rôle d'architecte. Un tel projet permettra aux communes qui auront à décider du transfert de la compétence dans une intercommunalité d'adhérer à ce projet.

Le calendrier proposé initialement nous convenait, mais il a été modifié par le Sénat. Nous espérons tout de même que les régions qui souhaitent aller plus vite auront la liberté de le faire.

Autre élément essentiel de cette architecture : le « porter à connaissance ». Nous pouvons nous appuyer sur le droit européen. Pour le voyageur, la LOM doit permettre la mise en place d'outils élaborés grâce aux nouvelles technologies, qui sont d'ailleurs déjà utilisés régulièrement dans les grandes agglomérations. À Paris, par exemple, il existe différents calculateurs d'itinéraires en temps réel, avec distribution de titres de transport.

La région, dans son rôle d'architecte, doit veiller à ce qu'un système d'information multimodale (SIM) soit mis en place ; la mobilité étant à la fois un service et une relation clientèle, qui est essentielle.

Le SIM doit être l'architecture destinée à rendre service aux usagers, allant jusqu'à la distribution des titres de transport. Se pose alors la question, évoquée par la loi, de la propriété des données et de leur accès par l'AOM régionale et les agglomérations, pour ensuite les « porter à connaissance ».

En résumé, nous devons partir du principe de base que sont les bassins de mobilité ; puis, dans les bassins de mobilité, créer un comité composé des parties prenantes qui favorisera le débat local – il devra peut-être être fusionné avec les comités de ligne afin qu'il n'y ait qu'une seule structure par bassin de mobilité ; enfin, la contractualisation devra se faire à tous les niveaux, notamment avec les départements s'agissant du volet social.

Un conventionnement avec les départements est également indispensable s'agissant des aires de covoiturage et d'aménagement des routes, afin de favoriser le covoiturage. Le SIM doit offrir au voyageur tout l'éventail des mobilités auxquelles il a accès : marche à pied, vélo, covoiturage, auto-partage, ainsi que les mobilités organisées, le transport à la demande, le train et les cars régionaux.

Concernant le financement, vous avez évoqué la transformation du versement transport en versement mobilité. Nous espérons qu'il n'y aura pas de détricotage du versement transport dans sa forme actuelle. La loi ne doit en aucun cas perturber totalement ce qui est en place. En effet, nombreux sont les salariés qui n'habitent pas dans l'agglomération ou la métropole où ils travaillent et qui bénéficient des transports de l'AOM de leur région ; or, ils ont besoin de ces transports. J'insiste sur ce point, car certains ont avancé l'idée de prendre une partie du versement transport pour financer les mobilités en dehors des AOM ! Non, il ne faut pas détricoter ce qui existe. En revanche, le contrat opérationnel de mobilité peut, par un conventionnent avec les AOM, être une solution pour les salariés.

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