Intervention de Jean Rottner

Réunion du mercredi 13 mars 2019 à 9h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean Rottner, président du conseil régional du Grand-Est, membre du Conseil de Régions de France :

Je vous remercie.

Concernant les méga-régions, la fusion de trois régions pour constituer le Grand-Est nous a obligés à territorialiser nos politiques et notre gestion en matière de transport. Les Maisons de la région, par exemple, ont la responsabilité de la coordination des autobus, en lien avec un niveau plus central. En outre, l'ensemble des équipes départementales ayant rejoint la région, il existe une forme de continuité dans l'action qui nous a permis de bien nous organiser. Nous avons ainsi une vision, à la fois globale et territoriale.

S'agissant des infrastructures, madame Bérangère Abba, je suis partant pour changer de paradigme en matière de positionnement régional. Je fais partie, à la tête de la région Grand-Est, de ceux qui défendent l'idée qu'un certain nombre d'éléments de la compétence transport puissent être délégués à la région – des routes nationales non concédées, de la maîtrise d'ouvrage autoroutière… Il s'agit donc d'un portage et d'un financement que nous devrons inventer.

Nous avons proposé à la ministre de sortir du CPER, en termes d'infrastructures et d'ingénierie financière, puisque, sur une période de dix ans, nous nous sommes rendu compte que l'État versait à peu près toujours la même somme, de sorte que nous pourrions négocier un pacte financier à la hauteur de ce que l'État nous verse sur dix ans et prendre à notre charge le risque d'un dépassement d'opérations. Cela aurait pour avantage de ne pas devoir négocier chaque année avec l'État ce que nous pouvons faire ou ne pas faire, et nous aurions en outre une vision à moyen et long termes qui serait intéressante et qui nous permettrait de nous projeter. Par ailleurs, nous éviterions de nous retrouver dans des situations ubuesques, comme aujourd'hui, où nous sommes obligés, pour des pans entiers du CPER, d'avancer l'argent à l'État. Car telle est bien la situation, il faut le dire.

C'est le cas, par exemple, pour l'électrification de la ligne 4, pour laquelle, malgré les engagements écrits de l'État, celui-ci s'est désengagé. Nous sommes obligés d'avancer l'argent pour une période de deux ans, avant d'être remboursés. Sont concernées deux régions, deux départements et des intercommunalités.

C'est la raison pour laquelle, en termes d'ingénierie financière, il faut absolument penser les choses de manière profondément différente, agile, rapide, et en même temps nous laisser la possibilité de prendre un certain nombre de risques.

Concernant les financements d'infrastructures prévus par la loi, ils sont nettement insuffisants, non pas pour les régions, mais par rapport aux prévisions ; il manque quelque 500 millions d'euros. Où allons-nous trouver cette somme ?

Il s'agit d'une question que nous devons aborder de façon claire et franche. Nous entendons parler de la taxe sur les poids lourds, de la TICPE et de la vignette européenne. Mais il est certain que nous aurons besoin, si nous prenons des responsabilités supplémentaires, de recettes. Pour les routes nationales, par exemple, il conviendra non seulement de nous concéder une recette, mais également un engagement de service. Nous sommes donc preneurs de toutes les expérimentations et différenciations sur ces sujets, et le texte devra nous le permettre, dans le respect de l'attention que nous devons porter à toute nouvelle fiscalité au niveau de notre pays. La traduction concrète d'une fiscalité supplémentaire serait assez facilement explicable et compréhensible par nos concitoyens.

Les mobilités innovantes, les gares TER et l'intermodalité sont des éléments qui se tiennent les uns les autres, en termes d'aménagement du territoire. Aujourd'hui, il est vrai que nous assistons à la fermeture unilatérale de petites gares par la SNCF. Je suis de ceux qui militent pour que ces gares soient transformées en véritables centres de vie, en bases avancées de l'intermodalité.

Vous avez évoqué le vélo. Certes, c'est une solution, mais nous devons aussi nous intéresser à l'auto-partage et à l'électromobilité qui pourraient justement se situer dans ces gares, dans les bourgs-centres et les villages parfois isolés pour lesquels nous devons avoir une vision complétement différente. Ainsi pourrions-nous renouveler des mobilités accessoires – car non principales ni massives – qui, à l'échelle d'une région, peuvent se révéler intéressantes. Nous sommes aujourd'hui dans une réflexion sur un plan « électromobilité » qui devrait, avec l'auto-partage – et une commande massive auprès d'un constructeur français –, nous donner la possibilité de confier aux villages et aux intercommunalités au moins un véhicule électrique – automobile, scooter ou même vélo électrique.

La gare est aujourd'hui le nouvel objet urbain de coordination de ces intermodalités. Et cette évolution devrait être inscrite clairement dans une logique d'aménagement du territoire, totalement revue.

Dans le dialogue que nous menons avec Gares et Connexions et avec la SNCF en général, nous abordons toutes ces questions de manière très concrète et réelle. Elles nous permettraient de réaliser votre souhait de développer des TER équipés et des réponses, à la fois mobiles et statiques, qui feront de ces lieux et de ces gares de véritables éléments stratégiques dans le développement ou la reconquête d'un territoire ; un sujet majeur que les régions, les départements et les intercommunalités ont bien compris.

S'agissant des véloroutes, elles s'inscrivent déjà dans les SRADDET – en tout cas, nous les y avons déjà inscrites. Reste à les sanctuariser. Alors, d'un point de vue stratégique, une écriture doit peut-être être faite au niveau régional. Mais, d'un point de vue opérationnel, il faut jouer le jeu de l'alliance des territoires et de cette force que sont la commune, l'intercommunalité, le département et la région, et qui doivent se compléter pour définir une stratégie tout à fait réfléchie, à la fois de responsabilité financière, de responsabilité opérationnelle, de promotion touristique et de promotion des mobilités. Je crois en cette intelligence des territoires qui permettra d'accentuer ce mouvement.

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