Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mardi 26 mars 2019 à 15h00
Amélioration de la trésorerie des associations — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

La France est associative. Elle est riche de 1,3 million d'associations. La France est bénévole, avec 13 millions de personnes qui se dévouent sans compter, dont 80 000 jeunes volontaires en service civique. La France est solidaire : 50 % de ces associations sont dédiées à des activités sociales, 12 % consacrées à l'enseignement et 7 % à la santé.

Si cet engouement est positif, très positif, il n'en reste pas moins que les associations sont inquiètes pour leur avenir. Quelque 46 % d'entre elles le sont pour des questions financières, quand 51 % se demandent si elles auront demain suffisamment de bénévoles pour maintenir leurs activités.

Des associations incontournables sont touchées : la Fondation Abbé-Pierre a perdu deux tiers de ses dons, soit 400 000 euros ; la Fondation Caritas du Secours Catholique est amputée de la moitié de ses dons. La France de Coluche, de soeur Emmanuelle et de l'abbé Pierre est en danger.

La réforme sur la moralisation de la vie publique a privé les députés de leur réserve parlementaire. Celle-ci venait pourtant directement en aide aux associations de terrain et elle était un véritable palliatif d'une société de plus en plus déconnectée et centralisée. Résultat : 120 millions d'euros en moins pour soutenir l'action de ces associations qui oeuvrent au quotidien pour venir en aide aux plus pauvres, aux personnes isolées, aux chômeurs, aux gilets jaunes.

Les difficultés des associations viennent aussi de la suppression de l'ISF ou plutôt de son remplacement par l'IFI. Le manque à gagner pour les associations est de 130 à 150 millions d'euros. Pour rappel, en 2017, les Français qui payaient l'ISF ont déclaré 273 millions d'euros de dons. Un véritable record, une véritable manne. On peut le dire, le système fonctionnait plutôt bien. Il était bien huilé : avec une réduction fiscale pouvant aller jusqu'à 75 % du montant des dons déductibles dans une limite de 50 000 euros, les Français étaient encouragés à donner plus pour payer moins. Aujourd'hui, votre réforme s'est traduite par une perte sèche de 54 % de ces dons en 2018.

Enfin, de nombreuses difficultés sont liées à la suppression des contrats emplois aidés, remplacés par des PEC – Parcours emploi compétences – , conditionnés à un triptyque emploi-formation-accompagnement personnalisé, bien plus coûteux et contraignant pour les employeurs, ce qui décourage certaines structures d'y recourir malgré leurs besoins. Car, rappelons-le, la France représente 160 000 associations employeurs et 39 milliards de salaires distribués chaque année à 1 844 000 salariés.

Résultat des courses, des crèches associatives sont privées de recrutement, obligées de solliciter des subventions publiques pour garder leurs berceaux. À Béziers, les crèches associatives des Diablotins et des Arlequins, situées chacune dans un quartier prioritaire de la ville, ont failli mettre la clef sous la porte en septembre dernier. Heureusement, les subventions de la commune étaient au rendez-vous !

Ces réformes successives découragent les 92 % de donateurs fidèles, ces Français attentifs, généreux, bienveillants. Aussi, vous comprendrez ma déception de voir passer dans cet hémicycle une énième proposition de loi qui se préoccupe « d'intégrer la possibilité pour les associations de conserver un éventuel excédent trop versé au-delà d'un bénéfice raisonnable », alors que certaines études estiment que 25 000 associations ont mis la clef sous la porte à cause de ces réformes, de vos réformes.

C'est vrai, vous tentez de vous rattraper en voulant faciliter « des opérations de mutualisation de trésorerie » pour, dites-vous, « permettre que la trésorerie des uns profite à ceux qui sont en difficulté ». Mais demain, combien d'associations auront encore les reins assez solides pour mettre en place un tel système ?

Comme toujours, alors que la réponse doit être donnée au plus près du terrain, vous inventez de nouvelles usines à gaz. Ayant supprimé la réserve parlementaire, vous avez créé le Fonds pour le développement de la vie associative, le FDVA, que vous avez doté de 25 millions d'euros, même si vous l'avez mieux doté depuis, – résidu, soit dit en passant, des 120 millions de la réserve parlementaire – pour, nous dit-on, soutenir le fonctionnement et les projets des associations. Autant dire une goutte d'eau par rapport à ce que les associations ont perdu à cause de vos réformes.

Une goutte d'eau, qui plus est, soumise au bon vouloir du préfet. Dans l'Hérault, 309 associations avaient déposé un dossier FDVA en 2018 et 102 ont obtenu une subvention. Pour le Biterrois, sur les soixante-quatorze associations qui avaient candidaté, seules neuf ont été retenues, alors que le ratio dans l'ensemble du département est d'un tiers : à croire que les présidents d'associations de ma circonscription sont bien peu compétents pour remplir le dossier FDVA !

Bref, cette proposition de loi va dans le bon sens mais demeure bien insuffisante au regard des attaques portées au monde associatif depuis le début du quinquennat.

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