Intervention de Agnès Buzyn

Séance en hémicycle du mercredi 27 mars 2019 à 15h00
Droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé — Présentation

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

La proposition de loi qui est examinée aujourd'hui répond à un objectif louable, celui de faciliter les démarches des administrés et d'agir pour leur pouvoir d'achat.

Une fois adopté, ce texte offrira aux assurés la possibilité de résilier leur contrat de complémentaire santé sans frais et à tout moment, au terme de la première année de souscription.

Il s'agit d'une disposition pragmatique et concrète, qui s'inscrit dans la continuité de la faculté offerte aux assurés par la loi relative à la consommation de 2014, dite loi Hamon, de résilier leur contrat d'assurance automobile ou emprunteur, à l'expiration d'un délai d'un an à compter de la première souscription.

Les mesures de la proposition de loi s'adresseront aux particuliers pour les contrats individuels et aux entreprises pour les contrats collectifs, et entreront en vigueur au plus tard en décembre 2020.

Ce délai est important, puisqu'il doit permettre d'organiser une concertation avec les acteurs et, surtout, de préparer la mise en oeuvre du texte avec les organismes complémentaires et les professionnels de santé, afin que cette mesure se traduise par une vraie simplification pour les assurés.

Il est en effet important que les professionnels pratiquant le tiers payant aient accès aux droits des assurés en temps réel, dès lors que les garanties ne couvriront plus l'année civile entière.

Je souhaite un instant revenir sur le contexte dans lequel s'inscrit cette proposition de loi, car on ne peut pas faire abstraction des événements qui ont précédé la décision de déposer ce texte.

Devant ce qu'il a présenté lui-même comme une colère juste du peuple français et après avoir annoncé un ensemble de mesures destinées à soutenir le pouvoir d'achat, le Président de la République a décidé de réunir à l'Élysée les mutuelles, les assureurs et les instituts de prévoyance à la fin du mois de décembre dernier.

Comme aux les banques et aux grandes entreprises, il leur a été demandé de prendre part à la mobilisation pour l'urgence économique et sociale. Les dépenses de complémentaire santé font, en effet, partie des dépenses dites contraintes, celles auxquelles les ménages ne peuvent échapper.

Les organismes complémentaires ont répondu à cet appel et se sont engagés à prendre des mesures pour le pouvoir d'achat des assurés : ainsi, la hausse des tarifs prévue en 2019 pour les contrats d'entrée de gamme, appelés « tickets modérateurs », sera neutralisée, et les organismes complémentaires vont s'engager dans un travail commun pour diminuer les frais de gestion, qui représentent environ 20 % des cotisations collectées.

En outre, l'une des propositions évoquée par le Président de la République, qui se traduit désormais dans cette proposition de loi, consistait à faciliter les conditions de résiliation, donc à laisser plus de liberté aux ménages et à réduire les tarifs des complémentaires, en faisant davantage jouer la concurrence.

J'ai entendu les critiques qui ont pu s'exprimer en commission et qui ne manqueront pas de se manifester dans l'hémicycle lors de l'examen des amendements.

Ainsi, j'aimerais profiter de l'occasion qui m'est offerte d'éclairer le débat et de répondre à certaines idées reçues qui circulent sur ce texte.

Tout d'abord, cette mesure n'augmentera pas le coût des primes. L'accroissement de la concurrence qu'elle entraînera incitera au contraire les complémentaires à diminuer les primes, grâce, notamment, à la réduction de leurs frais de fonctionnement, afin d'attirer ou de garder des assurés. C'est la raison pour laquelle les Français soutiennent massivement la mesure : vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, 94 % d'entre eux y sont favorables, selon un sondage de l'IFOP. D'ailleurs, des mesures similaires, dans d'autres secteurs de l'assurance, ne se sont pas traduites par des hausses de primes, bien au contraire ; ainsi, la faculté de résiliation annuelle des contrats d'assurance emprunteur, ouverte depuis le 1er janvier 2018, a conduit certains organismes à diminuer leurs primes de 30 %.

Ensuite, cette mesure ne favorisera pas les comportements opportunistes. Elle n'autorise la résiliation d'un contrat d'assurance complémentaire santé qu'au bout d'une durée d'un an, empêchant ainsi les comportements opportunistes. Un assuré qui souhaiterait prendre une complémentaire santé avant un acte médical programmé, puis arrêter d'y souscrire après cet acte, ne pourrait donc pas le faire.

En outre, cette mesure ne déstabilisera pas le marché. Elle favorisera la mobilité des assurés qui souhaitent changer de complémentaire santé, néanmoins, d'un point de vue global, elle ne modifiera pas drastiquement la situation actuelle, car une résiliation annuelle est déjà possible, ce qui permet à chacun de changer de contrat chaque année. Par ailleurs, la loi Hamon de 2014 n'a pas entraîné d'effets déstabilisateurs.

Enfin, cette mesure n'entraînera pas de démutualisation des risques au détriment des personnes âgées. Les garanties en termes de mutualisation demeurent inchangées, y compris pour les plus vulnérables : les mutuelles et les autres organismes proposant des contrats responsables, qui signent la quasi-totalité des contrats, ne peuvent recueillir d'informations médicales auprès de leurs membres, ni fixer de cotisation en fonction de l'état de santé des assurés. Le risque de démutualisation avait déjà été mis en avant lors des débats sur la loi Hamon, notamment sur l'assurance emprunteur, mais il ne s'est pas concrétisé : les tarifs ont fortement diminué à l'avantage de tous, y compris des personnes en risque aggravé de santé. Ainsi, cette mesure sera favorable à tous les assurés, en particulier les personnes âgées, pour lesquelles les actuelles conditions restrictives de résiliation sont très défavorables. Ce sont elles qui sont le plus soumises aux augmentations brusques de cotisations des contrats individuels, et il peut leur être difficile de trouver un nouveau contrat dans le délai imparti de vingt jours, car elles ne sont pas, pour beaucoup d'entre elles, familiarisées avec les nouvelles technologies.

Cela étant dit, je souhaite souligner que cette proposition de loi ne signifie nullement à mes yeux une quelconque défiance vis-à-vis du rôle des complémentaires santé dans notre système de santé. Bien au contraire, je salue le travail mené en commun avec les organismes complémentaires depuis ma prise de fonction. Ce travail conjoint a donné lieu à des avancées majeures : je pense à la réforme du « 100 % santé », qui a été construite en lien étroit avec l'ensemble des acteurs, en particulier les fédérations d'organismes complémentaires. Cette réforme, qui aboutira à un reste à charge nul pour les équipements optiques, auditifs et dentaires, est emblématique de ce que nous pouvons réussir ensemble. C'est l'une des premières fois qu'on définit l'absence de reste à charge, comme le résultat de l'intervention combinée des deux étages de l'assurance santé, l'assurance maladie obligatoire et la complémentaire. C'est, pour tous les Français, un vrai progrès dans l'accès aux soins et, pour notre pays, un vrai progrès de santé publique.

L'un des objectifs de cette réforme était d'améliorer la lisibilité des contrats. L'ensemble des fédérations d'organismes complémentaires ont mené un travail destiné à cela : il s'est concrétisé, en février dernier, par la signature d'un accord de place par les fédérations d'organismes complémentaires. C'est une avancée majeure en termes de transparence et de comparabilité des garanties pour les assurés, puisqu'il prévoit des exemples et des libellés communs, mais également une harmonisation de la présentation des garanties en euros. J'ai confiance dans la capacité des acteurs à appliquer les engagements pris. Cela étant, je connais l'ampleur de l'enjeu : soyez assurés que je suivrai avec attention leur déploiement dans le cadre du comité de suivi de la réforme du « 100 % santé ». Au regard de ces résultats, il ne me semble pas opportun de légiférer sur le sujet, car cela remettrait en cause la méthode de travail commune qui a abouti à la réforme du « 100 % santé ».

Même si son objet peut paraître circonscrit, cette proposition de loi est d'une grande importance : elle promeut une mesure concrète, qui, en levant les obstacles actuels au changement de complémentaire santé, aura un réel impact sur le quotidien des Français. Je salue cette initiative parlementaire, qui, j'en suis convaincue, répond aux attentes de nos concitoyens.

Le Gouvernement est donc pleinement favorable à cette proposition de loi, qui contribuera à la défense du pouvoir d'achat des assurés et à l'accès à une offre de soins correspondant à leurs besoins.

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