Intervention de Michel Zumkeller

Séance en hémicycle du mercredi 27 mars 2019 à 21h30
Simplification clarification et actualisation du droit des sociétés — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Zumkeller :

Une réforme trop brutale conduirait à des effets inverses de ceux recherchés. La simplification est un objectif louable, mais le droit sert aussi à encadrer, et la complexité est parfois gage du respect des droits de chacun. Elle permet souvent l'accès de tous à l'information et à la sécurité juridique, et d'éviter de possibles conflits d'intérêts. La stabilité est aussi parfois de mise lorsqu'un mécanisme est bien connu des entreprises et qu'il fonctionne correctement.

De plus, le droit des sociétés possède une logique d'ensemble que l'on ne peut, sous couvert de simplification, détricoter maille à maille. Si le droit des sociétés est parfois complexe, c'est parce qu'il concerne une multitude d'acteurs – des associés, des actionnaires majoritaires et minoritaires, des salariés, des dirigeants en France ou à l'étranger – entre lesquels il est nécessaire de trouver un subtil équilibre. Le bon fonctionnement de la société en dépend.

Il faut également veiller à articuler la personne morale et les personnes physiques. Si la mondialisation de l'économie a nécessité une adaptation destinée à renforcer l'attractivité de nos entreprises, nous allons vers toujours plus de libéralisation et de contractualisation. Ce texte, qui est une nouvelle illustration de ce mouvement général, propose de nombreuses modifications substantielles qui méritent un examen approfondi. Je n'énumérerai que les plus importantes.

La suppression de la condition d'exploitation du fonds de commerce durant deux ans avant sa mise en location-gérance a fait débat au Sénat, et nous en avons aussi discuté en commission. Cet article comporte un risque non négligeable de financiarisation des fonds de commerce, qui serait fortement préjudiciable aux petits propriétaires et à la vitalité des commerces. Il n'apparaît pas opportun de supprimer la règle de droit qui protège les fonds de commerce de la spéculation, à moins de vouloir entièrement modifier la nature de leur propriété.

Les nouvelles modalités de remplacement des gérants et administrateurs sont beaucoup trop radicales et, loin de constituer une simplification, elles créent des risques de confusion et de conflits au sein de l'entreprise.

L'instauration d'injonctions de faire en lieu et place des nullités ne paraît pas non plus relever de la simple clarification. Là encore, le changement de logique est trop conséquent pour que sa place soit dans une loi de simplification.

Les changements de règles pour certaines prises de décision posent également problème. Si nous sommes conscients que l'unanimité est parfois trop contraignante, il apparaît néanmoins difficile, dans de nombreux cas, de la remplacer par une simple majorité au regard des conséquences considérables que ces décisions peuvent entraîner, en particulier lorsqu'il s'agit de l'exclusion d'un associé.

L'assouplissement des règles concernant les cautions, avals et garanties mérite également d'être examiné dans le cas des sociétés travaillant à l'international. Les limites existantes sont, certes, parfois inadaptées, mais la modification proposée par ce texte apparaît beaucoup trop large, car elle offre une liberté presque totale qui est contraire à l'intérêt social.

Enfin, la proposition de loi délaisse quelque peu les salariés. Ainsi, la suppression de l'obligation triennale de soumettre à l'assemblée générale une augmentation leur étant réservée oublie la place qu'ils occupent dans l'entreprise et les droits y afférents.

Toutes ces dispositions appellent la réflexion, surtout au regard des conséquences qu'elles peuvent avoir sur la vie quotidienne des sociétés, de leurs acteurs et de leurs environnements économiques. C'est pourquoi nous proposerons essentiellement des amendements de suppression, non que nous soyons en désaccord avec les objectifs poursuivis, mais parce que ces mesures ne sont pas de simples mesures de simplification. Nous souhaitons donc a minima des précisions à leur sujet.

Enfin, je voudrais souligner quelques manques. Tout d'abord, ce texte concerne en particulier les grosses sociétés que sont les sociétés anonymes ou les sociétés par actions. Sans remettre en cause la démarche, nous devons garder à l'esprit que ces sociétés ne sont pas les seules qui comptent. Cette proposition de loi aurait ainsi pu comporter des mesures visant à faciliter le quotidien des petites entreprises et des entreprises de l'économie sociale et solidaire, car les besoins de simplification ne se font pas seulement sentir pour les sociétés et leurs filiales sur le marché mondial, mais aussi près de chez nous et dans nos territoires !

De plus, un volet de simplification concernant les rapports des entreprises avec l'administration semble également faire défaut. En particulier, la charge administrative que représente l'URSSAF aurait mérité que l'on s'y intéresse, ainsi que nous l'avions proposé dans plusieurs amendements que nous avions déposés lors de l'examen du projet de loi PACTE.

Le groupe UDI, Agir et indépendants aborde donc ce texte avec bienveillance mais aussi avec vigilance, afin de s'assurer que personne ne sera lésé sous couvert de simplification.

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