Intervention de Bruno Joncour

Séance en hémicycle du vendredi 29 mars 2019 à 9h30
Sécurité et santé dans l'agriculture — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Joncour, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

Notre assemblée est aujourd'hui saisie d'un projet de loi autorisant la ratification de la convention no 184 de l'Organisation internationale du travail relative à la sécurité et la santé dans l'agriculture. L'inscription de ce texte à l'ordre du jour nous donne l'occasion d'aborder un sujet parfois relégué au second rang alors que tout concourt à le placer au premier plan de nos priorités.

Nous le savons, les agriculteurs sont parmi les travailleurs les plus modestes ; nous devons nous inquiéter de leurs conditions de travail, car ils sont concernés au premier chef par de nombreux risques relatifs à la santé et à la sécurité. Cette problématique est d'ailleurs non pas strictement française, mais bien internationale, ce qui donne sa raison d'être à cette convention de l'Organisation internationale du travail.

Alors que la part des travailleurs agricoles dans la population active en France est de moins de 3 %, elle dépasse très largement celle des autres secteurs dans le monde puisque le secteur agricole y emploie encore près du tiers des travailleurs. L'agriculture reste donc la première pourvoyeuse d'activité dans le monde. Par ailleurs, la survie alimentaire des peuples du monde dépend toujours de ces hommes et ces femmes qui s'investissent chaque jour dans leur travail.

S'ils représentent un tiers des travailleurs, les agriculteurs sont aussi les plus touchés par les accidents mortels – à raison de 50 % de tous les accidents mortels – , ce qui porte à plus de 170 000 le nombre d'agriculteurs tués. En France, 172 décès d'agriculteurs sont liés à des facteurs professionnels. Le rapport détaille par ailleurs le nombre d'accidents du travail et de maladies professionnelles déclarées. Ces chiffres constituent autant de raisons de s'attarder sur les moyens de mieux protéger les agriculteurs des risques professionnels.

Le droit du travail français prend déjà largement en compte les protections énumérées dans cette convention. C'est pourquoi son adoption n'entraînera pas une modification profonde de notre droit.

Parmi les mesures de protection et de prévention prévues par la convention, citons entre autres l'article 6, qui nécessite, en revanche, une adaptation du droit français parce qu'il contraint les États à faire obligation à l'employeur d'assurer la sécurité et la santé des travailleurs pour toute question liée au travail.

La convention renforce, par ailleurs, le contrôle et l'évaluation par l'employeur des risques encourus pour la santé et la sécurité. Elle oblige à s'assurer que les travailleurs agricoles ont reçu une formation adéquate, comportant des instructions compréhensibles et des orientations ou l'encadrement nécessaires à l'accomplissement de leur travail. Elle développe aussi le droit à l'information et à la consultation sur les questions de sécurité et de santé. Enfin, elle renforce la sécurité des matériels pour qu'ils soient conformes aux normes nationales.

Si ces mesures paraissent évidentes, il faut néanmoins rappeler qu'en ce domaine, les progrès réalisés l'ont toujours été difficilement, non seulement dans nos pays européens, mais plus encore au niveau mondial. En témoigne, d'ailleurs, le temps qu'il aura fallu pour que la France ratifie cette convention, ce qui ne l'a pas empêchée de se hisser à un haut niveau de sécurité et ce, sous l'influence de l'Union européenne, très en avance en la matière.

Les enjeux restent toutefois nombreux, en particulier dans le domaine de la gestion des produits chimiques, mais aussi des organismes génétiquement modifiés et des organismes vivants modifiés. Sur ces sujets, notre commission a été récemment saisie. Nous avons pu constater les efforts que la communauté internationale consent en la matière notamment, au travers du protocole de Nagoya, qui encadre très précisément l'utilisation et l'usage des OVM.

S'agissant des produits chimiques, il convient aussi d'avancer en combinant à la fois les risques que nous découvrons au fur et à mesure des recherches scientifiques, et les enjeux de la transition, pour assurer une évolution soutenable pour les agriculteurs.

Nous regrettons pour notre part que cette convention ne couvre pas certains domaines, tels que l'agriculture de subsistance, les procédés industriels qui utilisent des produits agricoles comme matières premières et les services qui leur sont liés, ainsi que l'exploitation industrielle des forêts.

Beaucoup de travail reste à accomplir sur de nombreux sujets, comme le contrôle plus rigoureux du travail des enfants, le secteur agricole représentant 50 % de l'emploi des mineurs. Il en va de même s'agissant de l'égalité entre hommes et femmes.

Enfin, sur le plan international, cette convention doit être l'occasion pour la France, notamment au travers de son action diplomatique, de promouvoir l'intégration de ses dispositions aux futurs accords de coopération qu'elle pourrait contracter avec ses partenaires. Cet activisme diplomatique est d'autant plus important qu'à l'heure actuelle, la convention n'a été ratifiée que par seize États, parmi lesquels ne figure aucun des pays leaders du monde de demain, ni les États-Unis, ni la Chine, le Brésil ou l'Inde. De nombreux chantiers restent donc à ouvrir, pour faire progresser ce thème dans le monde.

La France, à l'origine de la création de l'Organisation internationale du travail, s'est depuis investie dans la défense de cette institution internationale qui mérite qu'on lui fasse une plus grande place, car elle inscrit son action dans la perspective d'un monde plus solidaire.

Pour toutes ces raisons, le groupe Mouvement démocrate et apparentés votera en faveur du texte qui nous est proposé.

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