Intervention de Bastien Lachaud

Réunion du mercredi 27 mars 2019 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud, rapporteur :

Parmi les créations les plus récentes figurent en bonne place les cellules d'alerte professionnelle.

Dans la gendarmerie, des événements dramatiques ont amené ses responsables à créer, en 2013, au sein de l'inspection générale, aux côtés des mécanismes de concertation déjà existant, une cellule appelée Stop-Discri, chargée de traiter toutes les réclamations de gendarmes s'estimant discriminés, harcelés ou en souffrance professionnelle.

Au ministère des Armées, la cellule Thémis a été créée en 2014 pour assister les victimes de harcèlement, discrimination et violences à caractère sexuel. Sa création n'est pas sans lien avec la crise médiatique suscitée par le livre La guerre invisible de Leila Minano et Julia Pascual. C'est seulement par la suite que des liens ont été formalisés entre le réseau de psychologues « Écoute Défense » et la cellule Thémis. Plus récemment, la « crise » du lycée militaire de Saint-Cyr l'École de 2018 a donné lieu à la publication immédiate d'un plan d'action.

Mis en oeuvre dans l'urgence, ces dispositifs du ministère des Armées semblent manquer d'une vision d'ensemble et surtout d'un investissement franc et massif. Cinq ans après sa création, la cellule Thémis est toujours très peu connue des militaires. À chacun de nos déplacements, nous avons cherché les affiches informant de l'existence de la cellule dans les lieux de vie ou les centres médicaux, sans succès. La cellule a été officiellement créée le 21 juillet 2014 ; pourtant, il a fallu attendre le 23 octobre 2018 pour que sa procédure de saisine et ses relations avec les états-majors soient formalisées. D'après le chef de la cellule, les états-majors rechignent à transmettre les informations dont ils disposent dans 10 à 20 % des dossiers. Les premières formations dispensées par Thémis ont eu lieu en 2017. Enfin, contrairement au nombre d'appels recensés par la cellule d'aide psychologique Écoute Défense, composée d'écoutants professionnels du service de santé des armées, le nombre de signalements à la cellule Thémis stagne. Bref : ce dispositif a été créé il y a quatre ans mais rien n'a été fait pour le rendre opérant. Thémis n'est composée que de trois personnels contre sept, et bientôt huit, pour son équivalent dans la gendarmerie !

Les plans successifs contre les discriminations liées au sexe et pour favoriser la mixité ont pu s'appuyer sur des données complètes sur la situation comparée des femmes et des hommes, publiées avec le Bilan social du ministère des Armées. S'agissant des autres types de discriminations, force est de constater que très peu de données sont disponibles. Le ministère des Armées a pourtant financé des études sur les trajectoires de carrière des militaires issus de l'immigration. Mais il n'en a pas tenu compte. Il a bien mis en oeuvre des plans en faveur de l'égalité des chances mais sans jamais les évaluer et il s'agit essentiellement de mesures destinées à favoriser le lien armées-Nation ou à favoriser l'insertion professionnelle de jeunes dans l'ensemble de la société. Il ne s'agit pas de diversifier le recrutement militaire, ce que le Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM) avait pourtant préconisé dans son 7e rapport, en 2013.

Avec quelle conséquence ? Une grande diversité culturelle et sociale parmi les militaires du rang qui tranche avec l'homogénéité de l'encadrement supérieur. Qu'on en juge : selon l'Insee, 12,8 % des militaires du rang seraient issus de l'immigration contre 5,3 % des sous-officiers et 6 % des officiers. Comme l'a souligné le président du Haut Comité d'évaluation de la condition militaire : « ce trou d'air entre les deux niveaux interpelle ». Bien évidemment, le mode de sélection à l'entrée des grandes écoles militaires présente les mêmes biais que pour la faculté de médecine ou d'autres grandes écoles. Mais le phénomène de reproduction sociale serait particulièrement significatif chez les officiers, selon deux sociologues que nous avons entendus. C'est pourquoi nous recommandons d'évaluer les mesures destinées à diversifier le recrutement des officiers et à élaborer un nouveau plan d'action.

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