Intervention de Raphaël Schellenberger

Réunion du mercredi 27 mars 2019 à 8h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Schellenberger :

Je me réjouis que le groupe Les Républicains ait choisi d'utiliser sa journée réservée pour discuter d'un texte relatif à ce fléau que représente, pour nos entreprises, nos collectivités territoriales, nos associations et nos concitoyens, l'inflation législative et normative, la prolifération de toutes ces règles dont on peine parfois à comprendre la cohérence. Cette proposition de loi constitutionnelle vient remettre en question la longévité inédite de notre système institutionnel et juridique, à laquelle nous n'avons finalement pas su nous adapter. Du coup, les normes et les règlements ont fleuri et, avec eux, les jurisprudences. Or, l'inflation jurisprudentielle, la complexification jurisprudentielle et, parfois même, la contradiction jurisprudentielle sont aussi un frein au développement de nos entreprises et de nos territoires.

Ce texte propose une nouvelle manière de concevoir le rôle de l'État, puisqu'il invite à inverser la logique qui prévaut aujourd'hui. En France, on est très tatillon au moment où un projet voit le jour, on est très tatillon lorsqu'il s'agit de délivrer une autorisation, d'accompagner un projet de rupture ou d'innovation. Mais, une fois qu'un projet a été autorisé, il n'y a presque plus de contrôle et on ne vérifie que très rarement s'il correspond effectivement aux autorisations qui ont été délivrées. Il va nous falloir changer de logique et passer à un système qui allie confiance et responsabilité : nous devons faire davantage confiance aux entreprises et moins les embêter lorsqu'elles veulent innover. En contrepartie, nous devons en appeler davantage à leur responsabilité : si elles sortent du cadre qui leur a été fixé, si elles outrepassent les autorisations qui leur ont été accordées, il faut être plus ferme, donner plus de poids à nos choix politiques, à nos textes, et les faire respecter.

Je voudrais, pour finir, souligner à quel point ce texte correspond aux réalités concrètes de notre territoire. J'ai la chance d'être le député d'un espace frontalier, en Alsace, ce qui me permet d'observer de près le fonctionnement du système allemand. Prenons l'exemple de l'apprentissage. En France, on voudrait développer l'apprentissage, mais on n'y arrive pas, et on observe avec une certaine jalousie le modèle allemand, sans comprendre ce qui ne va pas chez nous. Mais quand on y regarde de près, on comprend très bien ! En France, quand une entreprise prend un apprenti à sa charge, avec le risque financier que cela représente, elle ne peut lui faire faire que peu de choses, parce qu'une loi, un règlement ou une norme interdit par exemple à l'apprenti de changer une ampoule ou de monter sur un tabouret. En Allemagne, où le système juridique européen est pourtant le même qu'en France, rien ne s'oppose à ce qu'un apprenti fasse quasiment les mêmes tâches qu'un salarié, parce qu'un apprenti est là pour apprendre un métier.

C'est notre système normatif, notre logique de surtransposition systématique des directives européennes qui crée ces difficultés et qui suscite, chez nos concitoyens, une incompréhension croissante. Comment peuvent-ils comprendre que ce qui est possible en Allemagne ne l'est pas en France ? Pourquoi nous explique-t-on que ce sont des règles européennes qui interdisent certaines choses en France, alors qu'elles sont possibles en Allemagne ? Il faut réaffirmer, et ce texte a le mérite de le faire, que c'est notre système français qui introduit tous ces freins.

Ce texte donne une nouvelle occasion au Parlement de se saisir d'un outil de contrôle de l'action du Gouvernement. Pour garantir l'équilibre de nos institutions, le temps est venu de réaffirmer le rôle de notre assemblée en matière de contrôle et d'évaluation de l'action du Gouvernement : ce texte nous en donne la possibilité.

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