Intervention de Pierre Cordier

Réunion du mercredi 27 mars 2019 à 8h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Cordier, rapporteur :

Monsieur Mendes, j'aimerais citer une phrase que M. Jean-Marc Sauvé a prononcée lorsqu'il était vice-président du Conseil d'État, en 2016 : « Les maux qui affectent la production et la mise en oeuvre de notre droit […] n'ont pas été traités et ils se sont aggravés faute d'une posologie suffisante, faute d'une médication efficace, faute surtout d'une volonté constante, claire et déterminée de guérir ». Ce témoignage d'un vice-président du Conseil d'État, que sa fonction plaçait au-dessus de la mêlée, montre à quel point il est nécessaire de franchir une étape supplémentaire. Vous avez évoqué la circulaire du Premier ministre, mais le projet de loi, voté par le Sénat, auquel vous avez fait référence, n'a pas encore été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Si je vous comprends bien, il est urgent de ne rien faire ! J'imagine que, comme nous tous ici, vous rencontrez des chefs d'entreprise sur le terrain. Je serais très étonné si vous me disiez que tout va bien pour eux, que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, qu'ils n'ont aucun problème en matière d'environnement, d'extension de bâtiments, de création d'emplois.

Vous nous parlez de la circulaire du Premier ministre, mais j'ai rappelé celles de Jean-Pierre Raffarin et de Jean-Marc Ayrault : tous les gouvernements ont voulu progresser sur cette question. Pour ma part, je vous propose un véritable choc : ce n'est plus le choc de simplification, mais l'inscription de quelques principes dans notre Constitution. Il faut arrêter de « tourner autour du pot » : à ce rythme-là, nous n'aurons pas progressé d'un iota dans dix ans.

Notre collègue Raphaël Schellenberger a utilisé le terme de « fléau » et je partage son point de vue. Je suis, comme lui, l'élu d'un département frontalier, avec la Belgique ; l'exemple allemand qu'il a donné est tout à fait éclairant. Les chefs d'entreprise et les patrons de PME nous disent qu'ils sont écrasés par toutes ces normes, et qu'il est urgent de franchir une nouvelle étape. Il y va aussi de la responsabilité du Parlement : tout comme lui, je pense que la Ve République mériterait d'être un peu dépoussiérée afin que nous puissions gagner en efficacité.

Plusieurs d'entre vous ont posé la question de l'efficience des études d'impact. Lorsque j'ai déposé une proposition de loi sur le démarchage téléphonique, on m'a répondu qu'il fallait faire une étude d'impact pour en mesurer les conséquences en termes de création et de destruction d'emplois. Mais le démarchage continue de pourrir la vie de nos concitoyens et l'étude d'impact, je l'attends toujours… C'est une jolie expression, qui consiste en réalité à reporter à demain ce que l'on pourrait faire aujourd'hui. Madame Untermaier, monsieur Peu, vous avez beaucoup insisté sur ces études d'impact, mais je crois qu'il faut passer à la vitesse supérieure : c'est ce que demandent les représentants des chefs d'entreprise et des PME que nous avons auditionnés.

Madame Untermaier, vous dites qu'il faut associer les citoyens aux interrogations sur l'inflation normative, mais les chefs d'entreprise sont aussi des citoyens. Ce sont des gens qui vivent leur métier à fond et qui sont eux aussi soucieux de respecter des règles. Leur intention n'est pas de faire n'importe quoi dans une zone protégée autour d'un bâtiment classé ou une zone humide. Et notre but n'est pas de mettre en place un système anarchique où chacun ferait ce qu'il veut, quand il veut, où il veut mais de simplifier. Nous posons le principe suivant : à partir du moment où une norme nouvelle est créée, une autre doit disparaître.

Nous ne prétendons pas faire une oeuvre révolutionnaire en la matière. Les exemples du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de l'Allemagne parlent d'eux-mêmes. Quand on regarde le taux de chômage dans ces pays, la manière dont leurs entreprises y investissent et savent se défendre à l'étranger en termes d'exportations, nous voyons bien que nous avons encore beaucoup de progrès à faire en France.

Monsieur Zumkeller, vous avez appelé à raison à étendre cette démarche aux collectivités locales. J'ai eu la chance d'être maire, vice-président de conseil général et d'agglomération, pendant plus de quinze ans. Ce sont des problèmes auxquels nous sommes confrontés au quotidien, en particulier dans nos petites communes. Quand on est maire d'une commune de 1 000, 1 500 ou 2 000 habitants et qu'on doit faire face à cet enchevêtrement de normes, les choses ne sont pas simples, qu'il s'agisse des ressources humaines, de la réglementation routière ou de la défense incendie. Comme j'ai aussi eu la chance de présider pendant six ans un service départemental d'incendie et de secours (SDIS), j'en profite pour faire une parenthèse, madame la présidente : la proposition de loi d'Arnaud Viala était riche en propositions intéressantes et je trouve vraiment dommage que la majorité se soit arc-boutée sur certains principes au seul motif que ce texte provenait du groupe Les Républicains.

Ma proposition de loi est effectivement centrée sur l'économie et la vie des entreprises car j'estime que le projet de loi PACTE n'a pas répondu aux objectifs qui lui étaient fixés au départ. Les intentions étaient bonnes mais vous n'êtes pas allés jusqu'au bout de votre logique, ce que je regrette.

Monsieur Peu, vous soulignez avec justesse que le constat qu'il y a trop de normes n'a rien de nouveau ; votre citation de Montesquieu était très pertinente. Je vous rejoins aussi sur la nécessaire stabilité : les chefs d'entreprise sont soumis à une telle instabilité législative et réglementaire qu'ils ne savent plus où donner de la tête, d'où notre volonté de « dépoussiérer ».

Madame Vichnievsky, je suis heureux de vous entendre dire que vous avez vous-même été confrontée à ces problèmes. Nous sommes sur la même ligne s'agissant des études d'impact. Vous proposez d'aller plus loin. Je précise que si je me suis focalisé sur le domaine économique, c'est parce que cela me semblait le plus urgent.

De manière générale, il me semble inquiétant de vouloir en rester au statu quo. Quand vous rentrerez dans vos circonscriptions, mes chers collègues, vous rencontrerez des chefs d'entreprise qui continueront à vous dire qu'ils sont freinés par les lois et les règlements. Lors des auditions, M. Marc Guillaume, Secrétaire général du Gouvernement, ou des représentants du secrétariat général des affaires européennes, nous ont expliqué que les chefs d'entreprise avaient peut-être le « sentiment » de subir trop de normes, mais que ces normes étaient heureusement là pour encadrer certaines pratiques. Il est évident qu'il faut des normes car on ne peut se contenter de l'anarchie. Il n'en demeure pas moins que les chefs d'entreprise demandent à respirer pour pouvoir investir, créer de l'activité et embaucher. C'était précisément la philosophie de ce texte…

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