Intervention de Guillaume Vuilletet

Réunion du mercredi 27 mars 2019 à 8h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Vuilletet, rapporteur :

Madame la présidente, mes chers collègues, comme j'ai eu l'occasion de le souligner lorsque nous avons reçu, ici-même, la ministre des outre-mer il y a deux semaines, ces deux projets de loi s'inscrivent dans la volonté d'insuffler une nouvelle dynamique entre l'État et la Polynésie française.

Après cinq années de récession économique et financière sévère, 2016 a marqué le retour au niveau d'avant la crise et à la stabilité politique. La consolidation de l'autonomie statutaire doit permettre d'encourager et d'accompagner le territoire dans un développement harmonieux et durable.

Cette nouvelle dynamique se manifeste également dans la volonté de donner aux Polynésiens les moyens d'exercer pleinement et efficacement leurs compétences par une rénovation significative de leur fonctionnement institutionnel. Cette consolidation doit permettre la reconnaissance de la responsabilité des élus par une clarification, une simplification et un assouplissement de leurs champs d'intervention. Le régime des lois du pays caractérise d'ores et déjà, il faut le souligner, une autonomie importante. Comme me l'a confié hier le vice-président polynésien, M. Teva Rohfritsch, « dans ce toilettage, nous passons à une autonomie renforcée ».

Il s'agit aujourd'hui de prendre acte de l'apaisement et de la stabilisation du territoire en mettant fin à la période d'incertitude durant laquelle les institutions ont connu de profondes remises en question. Fruits d'un travail considérable de coconstruction au sein même de la société polynésienne, entre gouvernement territorial et gouvernement de la République, ces deux textes ont fait l'objet de discussions approfondies avant même le début de leur discussion parlementaire. Les débats qui se sont tenus au Sénat ont permis d'en nourrir la rédaction. Il en ressort, sur un nombre important de dispositions, le constat d'un assez large consensus.

Je me dois de reconnaître la maturité du débat public au sein de la société polynésienne et de souligner le travail des groupes de l'assemblée de Polynésie dans leur diversité, travail porteur de sens.

Je tiens à saluer le rôle qu'ont joué la ministre des outre-mer ainsi que la garde des sceaux qui a négocié le fond et la forme des propositions en matière de droit civil des successions pour en parfaire les mécanismes. Je salue également la manière dont ont oeuvré les sénateurs et notamment mon homologue rapporteur M. Mathieu Darnaud.

La volonté de consensus a été non seulement approfondie mais également confirmée tout au long des dernières semaines. Je pense pouvoir témoigner, mes chers collègues, de la conjonction de nos volontés lors de l'audition de Mme la ministre. Sans nier la diversité de nos positions, je crois pouvoir dire qu'il existe une volonté commune d'avancer.

Je souhaite que nous puissions trouver une très forte majorité pour approuver ces aménagements attendus par tous les Polynésiens. Une adoption rapide de ces textes serait la bienvenue pour le développement du territoire. La nécessité de leur mise en application prochaine doit être prise en compte.

Le projet de loi organique modifie le statut d'autonomie de la Polynésie française. Comme l'a dit joliment notre collègue Maina Sage il y a quelques jours, c'est un peu la « petite Constitution du territoire ». Il faut y porter un soin très particulier. Je distinguerai trois éléments dans ce texte.

Il y a d'abord un aspect symbolique et fédérateur avec la mention dans le statut d'autonomie du fait nucléaire. Il s'agit, non seulement de reconnaître le fait nucléaire sur le territoire polynésien et la contribution du territoire à la construction de la dissuasion française, mais aussi d'en comprendre les conséquences à long terme en matière sanitaire, du point de vue social et sur le plan du développement du territoire. Cet article a suscité de nombreuses discussions. J'ai reçu les commentaires des divers groupes de l'assemblée de la Polynésie et je sais que le débat se poursuit. Comme l'a rappelé la ministre, des engagements forts ont été pris : augmentation du budget consacré à l'indemnisation des victimes, ouverture du centre de mémoire sur les essais nucléaires, attribution de moyens pour la dépollution des atolls. Je crois, pour ma part, que nous sommes arrivés à une forme d'équilibre.

Ce texte est ensuite marqué par une ambition en matière locale afin de faciliter la coopération entre le pays, les communes et d'autres personnes publiques, notamment grâce à une clarification des compétences communales, à la sécurisation de l'existence des syndicats mixtes ouverts comprenant la Polynésie française ou encore à l'amélioration du fonctionnement du fonds intercommunal de péréquation.

Enfin, le projet de loi organique comprend des aménagements techniques et des corrections de malfaçons ponctuelles dans le fonctionnement des institutions et la mécanique administrative. Ce sont des points qui ne font pas débat et pour le détail desquels je vous renvoie à l'état d'avancement des travaux qui vous a été communiqué.

Même si ce texte requiert un assentiment commun, il peut pécher par ce qui n'y figure pas. Une question n'est pas abordée : la limitation du nombre de collaborateurs du gouvernement polynésien inscrite à l'article 86 de la loi organique. J'y reviendrai dans la discussion sur l'amendement déposé par notre collègue Maina Sage, mais je voudrais faire auparavant un rapide rappel historique.

Dans les années 2000, la Polynésie française a connu une situation extrêmement instable aux conséquences complexes. Le nombre des collaborateurs des cabinets des membres du gouvernement a atteint un niveau record. Cette prolifération a conduit à une réaction du législateur organique. Un amendement à l'article 86 du statut d'autonomie de la Polynésie française a ainsi prévu de limiter l'enveloppe des crédits destinés à la rémunération des collaborateurs de cabinet en la fixant à un pourcentage de la masse salariale de l'administration de la Polynésie française – 5 % en 2012 puis 3 % à partir de 2014. On peut comprendre la volonté de stabilisation qui s'est manifestée alors, mais cette époque est aujourd'hui derrière nous : le redressement opéré par la Polynésie, y compris sur le plan budgétaire, témoigne encore une fois de la maturité de ses institutions.

Cette disposition est objet de débat. D'aucuns, et j'en suis, considèrent qu'elle ternit la confiance sincère et affirmée du Gouvernement dans les institutions polynésiennes. Surtout, nous devons constater qu'elle constitue un frein dans leur fonctionnement. Le gouvernement polynésien exerce des compétences complètes, complexes, exigeantes, qui ont des conséquences fortes sur la réalité du pays. Il s'appuie sur une administration efficace et compétente mais qui, évidemment, n'a pas la même ampleur qu'au niveau national. Les cabinets des ministres jouent un rôle fondamental et il est clair que leur configuration actuelle ne suffit plus. Cette limitation est de surcroît dérogatoire par rapport au droit commun de l'article 74 de la Constitution. J'aimerais que le débat se poursuive sur ce point, au-delà de nos discussions en commission des Lois, avec le Gouvernement et les autorités polynésiennes.

Je considère que le projet de loi organique est arrivé à une forme d'aboutissement et, si nous mettons à part ce point, que nous pourrions parvenir à une adoption conforme.

Le projet de loi ordinaire appelle, quant à lui, quelques améliorations.

Sur proposition de la sénatrice Lana Tetuanui, à laquelle j'adresse un salut amical, a été introduit un article 1er A transformant la dotation globale d'autonomie en prélèvement sur recettes afin d'en sanctuariser l'évolution. Bien que le Gouvernement ait considéré que cette disposition avait, par nature, davantage sa place en loi de finances, il s'était montré ouvert à cette transformation. D'autres prélèvements sur recettes ayant déjà été institués par le passé par une loi ordinaire, je vous propose de ne pas revenir sur cette disposition.

S'agissant du volet communal et intercommunal, le Sénat, s'appuyant sur l'initiative des autorités polynésiennes, a réalisé un important travail de redéfinition des compétences des communautés de communes et d'agglomération qui semble satisfaire le plus grand nombre. Il en va de même de la question de la participation des communes à des syndicats mixtes ouverts, même si certains points appellent de menus ajustements.

En ce qui concerne, enfin, les dispositions relatives au foncier, les élus polynésiens et la Chancellerie ont présenté au Sénat un travail de très grande qualité, largement inspiré de celui réalisé par notre collègue Maina Sage. Je vous recommanderai de l'avaliser moyennant une précision rédactionnelle. La proposition de loi de notre collègue Serge Letchimy, devenue la loi n° 2018-1244 du 27 décembre 2018 visant à faciliter la sortie de l'indivision successorale et à relancer la politique du logement en outre-mer, a institué un dispositif limitant les indivisions qui paralysent le foncier en outre-mer. Nous avions convenu lors de son examen qu'il faudrait des adaptations particulières pour la Polynésie française, notamment concernant le partage par souche. Un point d'accord a été trouvé et c'est une très bonne chose.

Enfin, deux demandes de rapport ont été adoptées. Je me tiendrai scrupuleusement à la règle de notre Commission en recommandant leur suppression et en invitant les instances compétentes des deux assemblées parlementaires à exercer leur mission de contrôle de l'exécutif sans tenter de la déléguer au Gouvernement.

Mes chers collègues, je vous invite à ouvrir au plus tôt nos travaux, que j'espère toujours placés sous le signe d'une volonté commune d'avancer vers le meilleur pour la Polynésie française.

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