Intervention de Nicola Sturgeon

Réunion du mardi 19 février 2019 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Nicola Sturgeon, Première ministre d'Écosse :

Interprétation Oui, nous souhaitons restaurer la plus ancienne des alliances ; j'espère que l'ouverture de notre représentation à Paris y contribuera.

Au sujet du Brexit, non, je ne pense pas que l'accord signé par Mme May est le meilleur possible, et non, je ne pense pas qu'il doive être adopté par le Parlement de Westminster. C'est un mauvais accord. Tout d'abord, il ferait sortir le Royaume-Uni de l'Union européenne, du marché unique et de l'union douanière sans donner aucune idée de ce que sera la relation de long terme ultérieure. Il serait donc très dangereux que le Parlement adopte cet accord. Certains formulent d'autres objections que je ne partage pas, mais là est mon objection principale. Je peux me tromper, mais je ne pense pas que cet accord sera adopté par le Parlement britannique. Pour le moment, rien ne semble indiquer qu'il le sera.

Un Brexit « dur » – une sortie sans accord – serait très mauvais pour le Royaume-Uni en particulier, mais cela aurait bien sûr également des conséquences pour les autres pays membres de l'Union européenne. Cela m'amène à dire que nous devons changer d'approche et que le Royaume-Uni devrait demander l'allongement de la durée des négociations pour nous éviter ce saut de la falaise à la fin du mois de mars. Le moyen de nous aider serait d'accepter cette extension.

Vous m'avez aussi demandé ce que je pensais des perspectives d'un second référendum sur le Brexit. Pour le moment, il n'y a pas de majorité en faveur d'un second référendum au Parlement britannique, mais cela pourrait évoluer au cours des prochaines semaines parce que chacun comprend peu à peu que toutes les alternatives à ce second référendum sont très mauvaises pour notre pays ; il est donc envisageable.

Les estimations des conséquences économiques du Brexit sont-elles réalistes ? C'est difficile à dire, mais nous voyons déjà que des entreprises reportent leurs investissements au Royaume-Uni et que d'autres ont décidé de quitter le pays. Nous ressentons déjà un impact économique et des ressortissants d'autres États européens commencent à se demander s'ils vont, ou non, rester au Royaume-Uni. Le Gouvernement écossais fera vraiment tout ce qui est en son pouvoir pour encourager les citoyens européens résidant en Écosse à y rester.

Je suis favorable à l'indépendance de l'Écosse, vous le savez. Au cours des deux dernières années, lors des négociations sur le Brexit, il est apparu que le Royaume-Uni, qui est constitué de l'Angleterre, de l'Écosse, du Pays de Galles et de l'Irlande du Nord, s'est montré incapable de respecter leurs points de vue respectifs. Que la voix de l'Écosse ait tout bonnement été ignorée dans ce processus, plaide plus encore en faveur de son indépendance. En l'état, l'Écosse ne peut pas décider elle-même si elle souhaite rester membre de l'Union européenne. Je considère pour ma part qu'une Écosse indépendante devrait être membre de l'Union, car si j'ai parfois des critiques à porter contre elle, je pense que c'est dans l'ensemble une institution très positive.

Vous m'avez interrogée sur nos relations avec les autres composantes du Royaume-Uni. Il va sans dire que même si nous devenons indépendants, notre relation la plus proche sera avec l'Angleterre, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord. Il n'y a pas de tensions entre nous : la plupart des Écossais ont de la famille en Angleterre et réciproquement, et cela sera toujours le cas. Mais, aujourd'hui, nous avons le sentiment de devoir choisir entre nos relations avec le reste du Royaume-Uni et des relations avec l'Union européenne, alors que la plupart des Écossais préféreraient, s'ils le pouvaient, conserver ces deux relations. Cette situation plaide encore plus fortement en faveur de l'indépendance.

Il ne s'agit pas, bien sûr, de demander à un pays tiers d'interférer dans cette décision : c'est à l'Écosse de décider si elle souhaite devenir indépendante ou non. Nous espérons que les autres pays comprendront les débats en cours en Écosse. Le Venezuela a été mentionné. Nous devons bien entendu respecter les décisions des autres pays, et tout doit se faire dans le cadre d'élections libres dont les résultats doivent être respectés.

La question de la pêche est très importante pour l'Écosse et, je le comprends aisément, pour la France également. La politique de pêche commune est l'une des politiques de l'Union européenne que nous avons beaucoup critiquée. Á l'avenir, si le Royaume-Uni sort de l'Union, une négociation annuelle devrait avoir lieu dans le cadre de la convention des Nations unies sur le droit de la mer. C'est une illustration de ce que même si nous sommes réticents face à certaines des politiques de l'Union, nous pensons néanmoins qu'il existe des moyens de résoudre ces divergences.

La démission, hier, de plusieurs députés travaillistes a été évoquée. De grands changements ont aussi eu lieu en France ces dernières années ; il sera intéressant de voir si le Parlement et les partis politiques du Royaume-Uni vont continuer de se diviser – le Parti conservateur en particulier. Ce dont je suis certaine est que mon parti restera uni.

L'une des conséquences du processus du Brexit, c'est que le Parlement et le Gouvernement britanniques ont tenté d'empiéter sur les compétences du Parlement et du Gouvernement écossais. La protection de l'environnement, la santé, la sécurité, les normes en matière d'alimentation sont des compétences qui nous sont dévolues mais, parfois, le Royaume-Uni essaie de reprendre la main. C'est une grande menace pour l'avenir.

J'insiste en conclusion sur le fait que nos pays sont liés par une amitié vieille de sept cents ans. Cette alliance ancienne est très importante. Elle montre que l'Écosse est un pays européen, ce qu'elle souhaite continuer d'être. Quel que soit notre statut institutionnel – j'espère, bien sûr, que ce sera en tant que pays indépendant –, nous souhaitons maintenir nos bonnes relations avec les autres pays du Royaume-Uni mais nous voulons aussi continuer d'être un pays européen, et j'espère que nous pourrons continuer de coopérer avec nos voisins européens, France comprise. D'ici là, nous sommes convaincus qu'il nous faut renforcer nos relations. J'ai été ravie de ces échanges et je vous remercie de m'avoir reçue.

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