Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du mercredi 27 mars 2019 à 16h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la Justice :

M. Houlié établissait le lien entre les comparutions immédiates et la loi dite anti-casseurs récemment adoptée, je peux apporter les éléments complémentaires suivants : près de 1 700 comparutions immédiates se sont tenues depuis le début du mouvement des « gilets jaunes ». Nous ne connaissons pas le délai moyen en cas de renvoi de comparution immédiate à la demande du prévenu, mais le délai maximum est de six semaines. Dans cette attente, les prévenus peuvent être placés en détention provisoire ou sous contrôle judiciaire par le tribunal.

La nouvelle loi anti-casseurs dispose que les contrôles judiciaires pourront dorénavant prévoir une interdiction de manifester courant sur toute la durée du renvoi. Il s'agit d'un cadre judiciaire différent de la mesure administrative d'interdiction de manifester, qui ne peut durer qu'un mois. La nouvelle loi ouvre en effet la possibilité d'interdire de manifester pendant le contrôle judiciaire.

Monsieur Paris, M. Nunez vient de vous répondre sur la coordination judiciaire. Peu de ressortissants d'autres pays européens ou d'étrangers figurent parmi les personnes placées en garde à vue. Quelques-uns ont malgré tout pris part aux événements du dernier samedi violent avant ce week-end, et nous travaillons alors avec nos relais habituels dans les États de l'Union et Eurojust ou Europol.

Madame Dubré-Chirat, vous évoquez la masse d'affaires exceptionnelle arrivée devant les tribunaux : 9 000 gardes à vue, des enquêtes, des comparutions immédiates. Face à cette situation inédite, les juridictions ont adapté leur fonctionnement. Cela n'a pas eu d'impact significatif dans la majorité des cas, mais il a été nécessaire de réorganiser l'audiencement à Paris comme le procureur de Paris m'en a fait état il y a quelque temps.

S'agissant des réponses apportées, les procureurs de la République, qui déclinent localement les instructions de politique pénale, ont naturellement adopté une réponse pénale ferme à l'égard des casseurs, conformément aux instructions de politique générale édictées. La réponse apportée a systématiquement pris en compte la personnalité de l'auteur – nous avons rappelé qu'il s'agissait parfois de primo-délinquants – et la gravité des faits.

Monsieur Ciotti, une centaine d'informations judiciaires sont ouvertes du fait d'association de malfaiteurs. Elles nous permettent de traiter les mouvements les plus violents.

J'ai eu l'occasion de vous répondre à plusieurs reprises sur la question des peines plancher, et comme je vous l'ai toujours dit, elles ne s'appliquent qu'en cas de récidive. Elles n'auraient donc pas été applicables à la majorité des cas qui nous occupent, s'agissant de primo-délinquants. C'est pourquoi je pense que la sévérité en première instance vaut mieux qu'une peine plancher.

Madame Ménard, je ne dispose pas à cette heure d'éléments comparatifs entre 2005 et aujourd'hui, et si je les avais, il serait très difficile de comparer la sévérité des peines entre ces deux périodes, puisque les magistrats prennent en compte le contexte et la personnalité des prévenus au nom du principe d'individualisation des peines.

Monsieur Meyer Habib, vous évoquez le syndrome Malik Oussekine. Je ne pense pas que l'on puisse parler d'un tel syndrome, et j'ai bien connu cette affaire en son temps. Vous demandez si les personnes condamnées à plus de deux ans de prison ferme pourront bénéficier d'une remise de peine et de ce fait sortir immédiatement ? La loi pour la réforme de la justice que vous avez adoptée a modifié les règles existantes : dorénavant, lorsqu'une peine de détention d'un an sera prononcée, elle sera immédiatement exécutée et ne pourra plus faire l'objet d'aménagement de peine a priori.

Enfin, vous faites état du sondage paru dans Le Point selon lequel les Français souhaiteraient que, dans certaines circonstances, un militaire puisse gouverner le pays. Je m'en tiens quant à moi à l'article 20 de notre Constitution, en vertu duquel le Gouvernement dispose de l'administration et de la force armée, et non l'inverse.

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