Intervention de Bruno Millienne

Séance en hémicycle du mardi 2 avril 2019 à 15h00
Débat sur la transition écologique

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Millienne :

Nous ouvrons aujourd'hui une étape fondamentale du grand débat national, qui s'achève ces jours-ci : restituer la parole des Français, que nous avons entendue tout au long de ces semaines.

Parce que c'est notre devoir. Que nous soyons d'accord ou non avec ce que les Français nous ont dit, nous nous devons de restituer ici, dans cette enceinte, avec fidélité et transparence, les demandes, les attentes, les colères parfois qui se sont exprimées, les propositions, aussi.

Parce que notre premier devoir est d'entendre, et de comprendre. Parce que plus d'un million et demi de Français se sont exprimés.

Nous nous devons aussi d'entendre ceux qui n'ont pas pu ou pas voulu participer. Pour ne citer qu'eux, je songe à nos concitoyens qui habitent dans les banlieues, à ceux qui sont trop faibles pour ce faire ou encore aux jeunes, qui ont assez peu – trop peu – participé à ces moments collectifs.

Heureusement, les jeunes, en cette fin de grand débat national, nous ont rappelé à nos devoirs, descendant dans la rue pour dire leurs angoisses face au dérèglement climatique, à la perte de biodiversité et aux diverses formes de pollutions. En regard de ces angoisses, ils aspirent à vivre demain dans un monde où leurs chances seront identiques à celles que nous avons eues.

Ils nous rappellent à nos devoirs, mais aussi à l'impéritie du pouvoir depuis trente ans. Qu'avons-nous entendu pendant ces trois mois de débats sur la transition écologique ?

Cela peut se résumer assez simplement : nous avons pris la mesure de l'impréparation de nos territoires – urbains, péri-urbains et ruraux – aux enjeux de la transition écologique. La lutte contre le réchauffement climatique remet en cause les leviers traditionnels ayant favorisé la croissance économique de la France, notamment la consommation des énergies fossiles.

Elle nous oblige à repenser en profondeur notre modèle économique et social. Nous devons désormais adopter de nouvelles façons de produire, de consommer, de se loger et de se déplacer.

Ce que nous constatons aujourd'hui, avec la crise sociale que nous traversons, résulte de ce que nous n'avons pas pris en compte en matière de transition écologique, notamment l'évolution des modes de vie – avec l'explosion des familles monoparentales – , de la pression démographique – avec des bassins de vie de plus en plus denses et le dépeuplement concomitant des zones rurales – et de l'urgence écologique – avec le réchauffement climatique.

Les évolutions de la société, qui ont été largement négligées par les gouvernements précédents, sont à l'origine de déséquilibres très forts dans les territoires. Ainsi s'explique, nous semble-t-il, la grande souffrance vécue par nos concitoyens, résultat du décalage entre leurs attentes et des politiques publiques inadaptées à leurs réalités.

Pourtant, il est bien évident que les objectifs de l'accord de Paris ne peuvent être appliqués de façon uniforme : les caractéristiques géographiques, démographiques, économiques et sociales des territoires diffèrent de l'un à l'autre.

Il est illusoire d'imaginer que les objectifs décidés à Paris, ou dans toute autre grande capitale, puissent être déclinés de façon fluide et sereine dans les métropoles, les villes rurales, les territoires d'outremer ou ceux de montagne.

Par ailleurs, il est primordial de comprendre que les objectifs des uns peuvent ne pas être ceux des autres. Nous ne pouvons demander les mêmes efforts aux territoires ruraux et aux métropoles ou aux villes.

Aussi, nous devons nous poser la question : ne faut-il pas faire en sorte que les objectifs du plan climat en matière de mobilités propres, de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d'économie circulaire soient plus élevés dans les villes que dans les campagnes ?

Au groupe MODEM et apparentés, nous pensons que la transition écologique doit être appréhendée à travers le prisme de la solidarité. Les distances, les services, les prix : tout semble opposer urbain et rural.

La solidarité entre villes et campagnes que nous défendons a pour but d'actionner les leviers de la réconciliation sociale et territoriale. Elle doit devenir un vecteur de justice territoriale. Nous souhaitons favoriser une solidarité entre villes et campagnes, au profit des Français et de l'environnement.

Pour autant, cette solidarité ne doit pas faire oublier que tous les territoires sont concernés par l'urgence écologique. Je dirais même plus : l'inégalité sociale est directement corrélée à l'inégalité écologique. Les Français les plus modestes, qui sont les plus éloignés des services de transport public, sont aussi ceux qui logent dans des passoires thermiques.

Les territoires urbains, quant à eux, souffrent d'une pollution de l'air particulièrement importante, responsable de près de 50 000 décès prématurés par an. De surcroît, pour eux, l'accès à une alimentation saine et durable est peut-être plus complexe.

On le voit : tous les territoires, qu'ils soient urbains ou ruraux, qu'il s'agisse des grandes villes ou de leurs quartiers, sont concernés par l'impérieuse nécessité d'agir en faveur de la transition écologique et énergétique.

À partir de ces différences territoriales, de ces différences de modes de vie et des évolutions de la société, il faut recréer du commun, afin de répondre à la demande des Français en matière de pouvoir d'achat et, dans le même temps, d'impératif écologique.

C'est possible, car ces deux enjeux sont intimement liés ! Prenons un seul exemple, qui concerne tous les foyers français : le logement. Il s'agit d'un besoin essentiel pour tous les ménages, qui y consacrent en moyenne 27 % de leur budget, ce qui en fait leur premier poste de dépenses.

Les choix qui ont été faits depuis des décennies ont aujourd'hui des conséquences désastreuses, qui transparaissent dans la crise sociale que nous connaissons, notamment l'étalement des périphéries urbaines, l'allongement des déplacements, l'artificialisation des sols et la hausse inexorable des émissions de gaz à effet de serre.

Ne faut-il pas ouvrir une nouvelle page politique, celle du « ménagement » du territoire ? Nous avons envahi plus de territoires en soixante-dix ans qu'en 5 000 ans !

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