Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du jeudi 4 avril 2019 à 9h30
Pouvoir d'achat des français — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Le pouvoir d'achat est devenu, ces derniers mois, la première préoccupation de nos compatriotes ; c'est là un vaste problème. Le définir en quelques mots est relativement aisé : le pouvoir d'achat étant la différence entre le revenu et le coût des biens et services. En termes plus triviaux, c'est l'argent subsistant à la fin du mois – quand il en reste…

En revanche, évaluer le pouvoir d'achat est un exercice périlleux, comme vient de le confirmer la polémique suscitée par les propos du gouverneur de la Banque de France. On parle désormais de baisse ressentie du pouvoir d'achat et l'on prend en compte l'augmentation des dépenses contraintes.

Bref, sans m'appesantir sur ces sujets, je ferai remarquer que la légère amélioration enregistrée par l'INSEE depuis juin 2017 cache d'importantes disparités. Ainsi, les retraités et les ménages les plus modestes apparaissent comme les grands perdants, alors que les ménages les plus aisés – les 1 % les plus riches, pour être clair – ont connu, entre juin 2017 et octobre 2018, une augmentation de leur pouvoir d'achat estimée à 6 %. Cette politique inégalitaire a contribué à l'éclatement de la crise des gilets jaunes.

Depuis lors, comme on le sait, le Gouvernement a tenté, dans l'urgence, de rééquilibrer quelque peu les choses. C'est ainsi que nous avons adopté, dans les tout derniers jours de 2018, une série de mesures en faveur du pouvoir d'achat, lesquelles, nous l'avons dit, vont dans le bon sens. Si ces mesures ont sensiblement corrigé la trajectoire précédente, elles restent néanmoins insuffisantes. Ainsi, accroître de 100 euros le revenu de nos concitoyens gagnant entre 0,5 et 1,5 SMIC en augmentant la prime d'activité est une mesure partielle, puisque 55 % de nos concitoyens gagnant le SMIC n'en bénéficient pas.

Preuve que les mesures annoncées ne sont pas suffisantes, le mouvement des gilets jaunes s'est poursuivi après l'adoption de ces mesures, qui, de toute évidence, n'ont donc convaincu que peu de Français. L'exécutif ne sait quelle réponse politique et sociale apporter à cette question, il est vrai difficile, et sa paralysie met toujours plus en péril la cohésion sociale. On peut d'ailleurs s'inquiéter des possibles regains de tensions qui pourraient avoir lieu à la sortie du grand débat, car ce dernier a suscité de grandes attentes.

Reconnaissons toutefois une vertu à cette proposition de loi : celle de rappeler que la position de l'actuelle majorité à l'égard des retraités est intenable. Je veux parler du plafonnement de la revalorisation des pensions de retraite à 0,3 % en 2019 mais aussi en 2020, mesure qui a été annulée par le Conseil constitutionnel mais que, je pense, vous présenterez de nouveau dans le prochain projet de loi de finances. L'inflation étant d'environ 1,5 %, la baisse du niveau de vie des retraités devrait se poursuivre, à moins que le Gouvernement n'en décide autrement, comme le suggèrent les propos tenus par le Président de la République, la semaine dernière, devant des élus des Hauts-de-France. Monsieur le secrétaire d'État, peut-être pourrez-vous d'ailleurs nous faire connaître les pistes que le Gouvernement envisage de suivre.

Nous regardons également avec intérêt la proposition, inscrite à l'article 2, visant à réindexer, en 2019, les aides au logement sur l'inflation. En 2017, chacun le sait, nous nous étions opposés à la diminution de 5 euros des APL.

Au-delà de la revalorisation du pouvoir d'achat des retraités, à laquelle nous sommes favorables, certaines dispositions de cette proposition de loi ne nous paraissent pas assez ciblées, pas à même d'améliorer la vie de nos concitoyens les plus modestes.

Deux dispositifs que vous proposez sont présentés comme des mesures favorables au pouvoir d'achat des classes moyennes et modestes : le relèvement du plafond du quotient familial, d'une part, et la baisse de 10 % des taux des deux premières tranches de l'impôt sur le revenu, d'autre part. Examinons ce qu'il en est, par exemple, pour la seconde mesure. Si ne sont augmentés ni le nombre de tranches ni le taux d'imposition des tranches les plus élevées, on aboutit à un allégement général de l'impôt qui, bien sûr, ne touche que les redevables de l'impôt sur le revenu ; la mesure ne renforce donc en rien la progressivité de cet impôt – je rappelle que moins d'un Français sur deux le paie, les ménages les plus modestes en étant exonérés et n'étant donc pas concernés par l'allégement proposé. En outre, cette mesure ne serait pas destinée aux seules classes moyennes, comme vous le prétendez dans l'exposé des motifs ; elle concernerait aussi les classes aisées, voire très aisées.

Il en va de même s'agissant de la proposition relative à l'allégement de CSG pour les retraités, qui ne bénéficie qu'à ceux dont les revenus sont supérieurs à 2 000 euros par mois. Nous regrettons qu'a contrario, aucune disposition de ce texte ne vise à améliorer le quotidien des allocataires de petites retraites.

Un autre grief que nous pouvons faire à ce texte concerne évidemment son coût : il s'agit là d'un problème majeur. Si l'on considère le coût de l'ensemble des mesures proposées – la réindexation des APL et des allocations familiales, l'annulation de la hausse de la CSG pour tous les retraités, y compris ceux, je le répète, dont les revenus excèdent 2 000 euros, le rétablissement des plafonds du quotient familial, l'abaissement des taux des deux premières tranches de barème de l'impôt sur le revenu – , l'addition est lourde. Vous évaluez les dépenses supplémentaires à 10 milliards d'euros, ce qui, vous le comprendrez, n'est guère compatible avec nos engagements européens.

D'après l'exposé des motifs, vous entendez financer ces mesures par une baisse des dépenses publiques. Dès lors, un problème se pose : où comptez-vous faire ces économies ? Sur les moyens de l'hôpital ? Ce serait difficile. Alors, sur ceux des collectivités ? Des infrastructures ? Dans le champ de la protection sociale ? Dans celui de l'environnement ? Ce n'est pas simple.

Soit dit en passant, nous avons pu constater, quand vous étiez aux responsabilités, que vos économies se faisaient pour l'essentiel sur le dos des territoires, notamment des zones rurales, par la réduction des moyens alloués aux services publics.

En d'autres termes, telle qu'elle se présente, cette proposition de loi n'est donc pas la seule solution que l'on puisse opposer à la politique actuelle du Gouvernement et elle ne répond que partiellement aux demandes formulées par les Français.

Des mesures plus adaptées sont à étudier. Parler de pouvoir d'achat, c'est aussi aborder le sujet de la fiscalité. À cette fin, nous avons versé au grand débat national des propositions visant à réformer notre système fiscal de manière plus efficace. Dans une démarche constructive, notre groupe estime que plusieurs pistes de réformes existent.

Je veux d'abord évoquer la revue de l'ensemble des niches fiscales, qui mitent l'impôt sur le revenu et obèrent sa progressivité. Comme vous le savez, notre collègue Charles de Courson a formulé des propositions visant à réduire le poids de l'ensemble des niches et à mieux les plafonner en réduisant de 10 % par an leur coût tout en abaissant le barème de l'impôt sur le revenu à due concurrence, donc sans augmenter la pression fiscale sur les classes moyennes.

Précisons que des modulations pourraient être apportées en fonction des contraintes géographiques ou sociales de certains territoires, conformément au principe de différenciation.

Enfin, nous considérons qu'il est nécessaire de revaloriser les petites retraites – je pense notamment aux retraites agricoles, en incluant le cas des conjoints non salariés, ainsi qu'aux artisans et commerçants. Cette revalorisation pourrait par exemple être partiellement financée par une hausse des taxes sur les sodas, sur les parachutes dorés ou sur les retraites chapeau, dont nous avons encore eu récemment des exemples. Il est en effet urgent de mettre fin aux dispositions injustes touchant nos retraités, qui ont été lourdement mis à contribution ces derniers temps.

Les députés du groupe Libertés et territoires estiment que les demandes des Français pour plus de pouvoir d'achat appellent des réponses inédites, à la hauteur des fractures qui traversent le pays. Nous proposons donc d'introduire une règle de confiance, afin qu'aucune retraite ne soit inférieure à 85 % du SMIC. Cette règle se traduira par la définition d'un taux de cotisation plafond, d'un taux de remplacement plancher et d'une pension de retraite minimale.

Voilà les propositions que notre groupe vous soumet : ce sont des mesures crédibles et susceptibles d'améliorer véritablement le quotidien des Français, qui en ont plus que besoin.

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