Intervention de Sabine Rubin

Réunion du mardi 2 avril 2019 à 16h35
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin :

En guise d'introduction, j'aimerais revenir rapidement sur les différents rebondissements qui nous ont amenés à ce projet de loi. Ils auraient pu être écrits à l'avance tant ils étaient prévisibles…

Vous avez d'abord tenté, monsieur le ministre, une négociation au plan européen. Il fallait un vote unanime des États membres pour changer la donne en matière fiscale. Le problème est que certains pays, vous le savez bien, font du dumping fiscal, notamment pour attirer les GAFA chez eux. Il était donc naïf de croire qu'une belle coopération européenne pourrait fonctionner sur ce sujet. Quand il s'agit de renflouer les banques, il n'y a pas de problème, mais dès lors qu'il s'agit de permettre à un État de récupérer l'argent qui lui est dû par ces entreprises et plus généralement par les multinationales, c'est autre chose… Nous avons ainsi perdu du temps. Cet aveu d'échec face au carcan européen est, pour nous, le constat du succès de notre stratégie, à La France insoumise : il faut dépasser les traités européens pour protéger l'intérêt général et, pourquoi pas, avancer au sein d'autres organisations internationales – même si l'OCDE ne nous paraît pas la meilleure en la matière.

Sur le fond, taxer davantage les grandes multinationales, en particulier les GAFA, est un souhait louable et partagé sur tous les bancs de cette commission et, je le suppose, de notre Assemblée. La justice fiscale ne consiste pas à se résigner à voir nos PME être imposées à hauteur de 23 %, quand les GAFA, armés de leurs bataillons de fiscalistes, ne paient que 9 %, à croire une étude de Bercy. La justice fiscale en revanche commande de refuser qu'un géant tel que Google puisse ne déclarer au fisc français que 14 millions d'euros au titre de ses bénéfices, alors que cette entreprise engrange près de 94 milliards d'euros dans le monde – on a des éléments sur le bénéfice ainsi réalisé.

Ces multinationales multiplient les provocations et piétinent notre loi. Nous les avons reçues : elles menacent de répercuter le coût de la future taxe sur les consommateurs. Face à tant d'outrecuidance et à de tels chantages, je pense qu'il est nécessaire de rester ferme.

Malheureusement, ce projet de loi manque d'ambition et de portée. La taxe ne concernerait, en effet, que le chiffre d'affaires, et seulement pour la fourniture de certains services. Ce sont autant de faiblesses. Pourquoi exclure certains services ? Les arguments évoqués par le rapporteur et le ministre ne nous semblent pas sérieux. Il y aura une controverse sur ce point lors de l'examen des amendements. Par ailleurs, pourquoi s'astreindre à taxer le chiffre d'affaires, alors qu'il faudrait plutôt s'appuyer sur les bénéfices réels en France ? À vous entendre, monsieur le ministre, ce n'était pas possible. Pourtant, un éminent économiste, Gabriel Zucman, spécialiste de cette question, a proposé des moyens pour le faire, notamment grâce à la notion d'établissement stable. On aurait pu avancer dès maintenant dans cette direction. Pourquoi se contenter de taxer une poignée de multinationales – une trentaine en tout – alors qu'une véritable mesure de justice fiscale devrait embrasser l'ensemble de ces grandes entreprises ?

La taxe que vous proposez a un caractère trop timoré. Elle permettra de récupérer à peine 500 millions d'euros, alors qu'elle pourrait rapporter, selon les travaux de l'économiste que je viens de citer, près de 5 milliards.

J'en arrive au second axe du projet de loi, qui est le report partiel de la trajectoire prévue pour la baisse de l'impôt sur les sociétés. C'est une mesure marginale. Le gel ne touchera que les plus grosses entreprises – moins de 1 000 – et seulement pour une partie de leurs bénéfices, ce qui représente un gain de 1,7 milliard d'euros pour nos finances publiques. Ce ne sera donc pas une contribution exceptionnelle, mais une légère diminution des cadeaux dont ces entreprises bénéficient – je rappelle que le doublement du CICE représente 40 milliards d'euros.

Par ailleurs, le gel ne durera qu'un an. Vous annoncez que cette mesure a pour but de financer les mesures « gilets jaunes », mais vous ne tenez pas compte de la demande des mêmes gilets jaunes, qui est pérenne. S'agissant de l'IS, nous proposerons des solutions qui permettraient de rapporter 25 milliards d'euros à l'horizon 2022.

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