Intervention de Joël Giraud

Réunion du mardi 2 avril 2019 à 16h35
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud, rapporteur général :

Le ministre a déjà répondu à toutes les questions. Je m'aperçois qu'il est beaucoup plus confortable d'être rapporteur d'un projet de loi ordinaire, puisque le ministre est présent en commission pour apporter les réponses, que rapporteur général du projet de loi de finances, et constamment sollicité !

Plusieurs d'entre vous ont fait état d'études récentes. Je ne parle pas de l'étude Deloitte, mais des autres, d'ailleurs souvent commandées par l'ASIC qui représente les grands du numérique, et qui sont opportunément tombées il y a très peu de temps… Nous avons reçu ici même l'ASIC en audition ; elle nous a tenu les mêmes propos que le sous-secrétaire d'État adjoint au Trésor américain que nous avions rencontré avec le président Woerth, Amélie de Montchalin et Véronique Louwagie, et qui nous avaient conduits, le président Woerth et moi-même, à publier un communiqué commun rappelant quelles étaient les marges de manoeuvre, les latitudes et l'indépendance dont pouvait se prévaloir tout pays vis-à-vis d'un autre, fût-il un très grand pays ami.

Les études en question font état d'un taux moyen d'imposition de 24 % sur les cinq ou dix dernières années, ce qui appelle de ma part quelques observations.

Pour commencer, le taux d'IS n'est pas forcément ce qui importe le plus : c'est l'assiette qui est le point fondamental. Or les multinationales du numérique sont tout de même connues pour avoir eu recours à des montages pour le moins complexes, qui leur ont permis de délocaliser des milliards de dollars de bénéfices, en toute franchise d'impôts, notamment vers les Bermudes. Dans ces conditions, on ne peut pas dire qu'un taux de 24 % ait une portée extraordinaire, puisqu'il peut porter sur une assiette très atrophiée – et je pèse mes mots ! Plus généralement, à supposer que le taux indiqué ait été correct et l'imposition sérieuse, cela ne résout pas une question importante : celle du lieu d'imposition, qui doit être, en principe, celui de la création de la valeur.

Ensuite, la réforme fiscale américaine a permis le rapatriement des milliers de milliards de dollars logés dans les paradis fiscaux, moyennant un taux réduit de 15,5 %. Effectivement, cette mesure a eu pour effet d'accroître le taux d'IS supporté par ces multinationales. Mais je rappelle tout de même que ces bénéfices, s'ils n'avaient pas été logés off-shore, auraient été imposés au taux fédéral alors en vigueur, à savoir 35 %… Il faut donc relativiser les choses.

Enfin, j'ai du mal à comprendre et à croire que les multinationales américaines ont payé un IS correspondant à 24 % de leurs bénéfices, voire 25 % pour Apple : une enquête de la Commission européenne a bien montré qu'Apple a bénéficié d'un taux d'IS de 1 % en Irlande, où tous ses profits européens avaient été logés. Ce taux est descendu, sur la période 2003 à 2014, à 0,005 %, soit cinq mille fois moins que le taux affiché dans l'étude ! C'est d'ailleurs ce qui a conduit, le ministre l'a rappelé, la Commission européenne à ordonner à l'Irlande de récupérer 13 milliards d'euros auprès d'Apple.

Je tenais à apporter ces précisions au moment où circulent un certain nombre d'études arrivées très opportunément.

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