Intervention de Jérôme Nury

Réunion du mercredi 3 avril 2019 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Nury :

Cette proposition de loi touche à un sujet majeur et stratégique à plusieurs titres, d'abord parce qu'il y va de notre sécurité nationale et de notre souveraineté, sujets hautement sensibles, ensuite parce que la technologie dont il est question va révolutionner nos usages du numérique.

Sur le premier point, le groupe Les Républicains est évidemment favorable aux mesures relatives à la sécurisation des réseaux et à la protection des données des utilisateurs, qu'ils soient privés, publics ou industriels. Sur tous les réseaux, quels qu'ils soient, transitent de plus en plus d'informations personnelles ou sensibles, dont certaines sont d'une importance vitale pour la sécurité de notre pays, de nos concitoyens et de nos entreprises. Il est essentiel d'avoir des garanties de confidentialité et de non-divulgation à des tiers, à d'autres pays ou à des entreprises concurrentes. Sur le fond, il est donc important de légiférer et de renforcer notre arsenal de contrôle et de répression pour ne pas nous exposer à des intentions malveillantes qui mettraient à mal les intérêts du pays et de ses habitants.

S'agissant de la technologie elle-même, la 5G ne va pas seulement faire évoluer, mais bouleverser nos usages, ceux du nomadisme connecté. Le passage de la 2G à la 3G, puis de la 3G à la 4G, n'a pas été le fruit d'une révolution technologique. Mais la 5G, elle, est une révolution, celle de l'hyper-connectivité et du déploiement à grande échelle de l'intelligence artificielle, des véhicules autonomes et des objets connectés et intelligents. Ce basculement vers un monde totalement immergé dans le numérique, sans limite de puissance ni de réactivité, impose donc la plus grande vigilance quant à la sécurité de ce nouveau réseau.

Avant d'aller plus avant dans l'examen de ce texte, j'aimerais faire deux remarques.

La première porte sur la forme. Le Gouvernement a beaucoup trop tardé à introduire cette notion de sécurité dans la technologie mobile et 5G. Alors que l'on savait depuis longtemps que l'attribution des fréquences devait se faire en 2019, c'est seulement au cours de l'examen du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) que le Gouvernement a réagi, en déposant un amendement constituant un cavalier législatif, qui n'a finalement pas été retenu par le Sénat – ce qui a peut-être évité au texte de passer sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel. Cette proposition de loi arrive très tardivement sur le bureau de l'Assemblée nationale, un peu en catastrophe, sans étude d'impact, sans avoir fait l'objet d'une concertation, et dans une rédaction restreinte, qui laisse le législateur à l'écart.

Deuxièmement, ce texte repose sur un principe ultra-discrétionnaire et technocratique. Il faut veiller, tout en sécurisant les réseaux, à ce que cette nouvelle réglementation n'ait pas pour effet de réduire la concurrence entre les équipementiers. Toute complexification à l'excès, toute élimination de facto ou a priori d'un équipementier, tout délai d'autorisation trop long aura des conséquences qui pourraient être dévastatrices pour notre pays, tant dans le déploiement complémentaire de la 4G que dans le déploiement futur de la 5G : hausse des prix du déploiement, baisse de la qualité technologique, retard dans le déploiement et dans la mise en oeuvre du « New Deal », pouvant aller jusqu'au démontage éventuel d'éléments actifs installés sur les pylônes depuis le début de l'année, retard dans l'attribution des licences 5G et donc de la couverture en France.

Compte tenu des risques énumérés dans ce texte, il semblerait judicieux et sécurisant pour le Parlement et les professionnels du secteur – opérateurs, équipementiers et sous-traitants – de mener de front le volet législatif contenu dans cette proposition de loi et le volet réglementaire, pour travailler ensemble sur la liste des équipements concernés et les modalités opérationnelles de dépôt des dossiers. Nous pourrions ainsi concilier efficacité technologique et économique et sécurité nationale. En cela, nous pouvons nous retrouver sur ce texte.

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