Intervention de Benoit Potterie

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2019 à 16h00
Taxe sur les services numériques — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBenoit Potterie, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Je suis heureux de vous présenter l'avis de la commission des affaires économiques sur le projet de loi portant taxation des services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l'IS. Notre commission s'est saisie pour avis car, au-delà de sa dimension fiscale, ce texte comporte des enjeux relatifs au commerce, à la concurrence et au numérique qui sont essentiels.

Je voudrais insister sur l'article 1er car il répond à une attente forte de nos concitoyens : que les géants du numérique paient leur juste part d'impôt. Le constat a déjà été dressé : Les géants du numérique s'acquittent d'impôts largement inférieurs à leur capacité contributive. Deux raisons principales expliquent cet état de fait : ces entreprises créent de la valeur à partir d'actifs immatériels, et notre système fiscal, qui repose sur la présence physique des entreprises, ne parvient plus à taxer la valeur là où elle est créée ; mais cet état de fait tient aussi aux stratégies d'optimisation fiscale de certains géants du numérique.

Cette situation n'est plus tenable.

En effet, elle conduit à un manque à gagner pour l'État : le Conseil du numérique évalue cette perte budgétaire à près de 500 millions d'euros par an, et ce pour les seuls GAFA. C'est d'autant plus inacceptable que les géants du numérique profitent pleinement des services publics français, employant des ingénieurs formés dans nos universités, mobilisant nos réseaux routiers et nos réseaux de télécoms. Mécaniquement, la recette fiscale manquante se reporte sous forme de charge fiscale supplémentaire sur les autres catégories de redevables. Comment ne pas comprendre le sentiment d'injustice des contribuables lorsqu'un petit commerçant peut avoir à payer plus d'impôts qu'une multinationale ? À l'heure où le consentement à l'impôt semble parfois se fissurer, c'est un enjeu majeur pour le pacte social.

De plus, du point de vue économique, la trop faible taxation des géants du numérique conforte leur position monopolistique et crée une distorsion de concurrence : je pense à l'hôtellerie ou au transport individuel de personnes, qui ont vu leur activité bouleversée par l'arrivée de nouveaux acteurs proportionnellement moins imposés ; je pense également aux pépites françaises et européennes du numérique, car comment espérer qu'elles se développent alors qu'elles doivent s'acquitter d'impôts bien plus élevés que des entreprises déjà leaders sur leur marché ?

Face à ce constat, notre commission apporte tout son soutien à la taxe sur les services numériques. L'assiette permet de cibler les activités pour lesquelles les utilisateurs interviennent directement dans la création de valeur. Et les seuils permettent de ne viser que les très grandes entreprises : ainsi, la taxe atténuera les effets anticoncurrentiels précédemment évoqués, sans pénaliser les entreprises petites et intermédiaires.

J'aimerais aussi évoquer la question de l'équité fiscale entre le commerce physique et le commerce en ligne, car c'est un sujet qui me tient à coeur. Je salue à ce titre l'adoption en commission de l'amendement des députés Carrez et Giraud, qui prévoit la remise d'un rapport sur le sujet. Je suis convaincu en effet qu'une refonte globale de la fiscalité du commerce est nécessaire pour s'adapter aux mutations du secteur.

Enfin, je veux parler du caractère temporaire de cette taxe, sur lequel le Gouvernement s'est engagé. Nous avons conscience que la solution doit être, à terme, internationale. C'est pourquoi je me réjouis de l'adoption d'un amendement qui prévoit la remise au Parlement d'un rapport annuel faisant le point sur l'état des négociations menées à l'échelle internationale.

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