Intervention de Denis Masséglia

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2019 à 16h00
Taxe sur les services numériques — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Masséglia, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :

C'est un enjeu international. La France et ses soldats sont au rendez-vous.

Le texte que nous examinons aujourd'hui en séance publique concerne la juste imposition des grandes entreprises et est aussi, à ce titre, un enjeu international. Car seule une action menée au niveau mondial permettra de lutter efficacement contre l'évasion fiscale, qui mine les recettes des États. Après la ratification de la convention multilatérale de l'OCDE destinée à prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert des bénéfices, dite « BEPS », s'attaquer aux spécificités de l'économie numérique, qui exacerbent le phénomène d'érosion des bases fiscales, relevait d'une exigence morale. Dès mars 2018, la Commission européenne relevait le défi en proposant deux directives qui esquissaient une oeuvre fiscale tout à la fois ambitieuse et réaliste. C'était l'occasion pour l'Europe d'affirmer ses valeurs, empreintes de justice fiscale, sur la scène internationale. Sans être parfaite, la taxe européenne sur les services numériques était une première étape salutaire. Mais, en dépit de nos valeurs communes, plusieurs pays européens se sont opposés à ce projet… Il s'agit d'un argument de plus en faveur du passage de l'unanimité à la majorité qualifiée en matière fiscale. Paradoxalement, alors qu'un accord mondial sur le sujet semblait n'être qu'un horizon lointain, c'est l'OCDE qui se trouve aujourd'hui en première ligne. En effet, dès 2012, l'OCDE a fait des défis fiscaux posés par l'économie numérique une de ses priorités, il s'agissait même de la première action du plan BEPS. Les États-Unis ont longtemps mis leur veto à tout changement des règles en la matière, mais la réforme fiscale adoptée en décembre 2017 s'est traduite par un retournement complet de leur position : hostiles au multilatéralisme par principe, les États-Unis sont devenus de fervents partisans du multilatéralisme en matière fiscale. Tout cela a conduit 127 pays à s'engager en faveur d'un accord mondial à l'horizon 2020. Cet engagement est très encourageant, mais les travaux de l'OCDE n'en sont qu'à leur début et pourraient aboutir à un véritable Big Bang des règles fiscales internationales.

Trois débats sont aujourd'hui sur la table.

Le premier porte sur le champ du problème : faut-il envisager spécifiquement l'économie numérique, notamment des secteurs où les utilisateurs ont un rôle important dans la création de valeur, ou se pencher sur la numérisation de l'économie dans son ensemble ? On a en effet de fortes raisons de penser que les données occuperont une place centrale dans toute l'économie.

Le deuxième porte sur l'opportunité de réallouer les droits d'imposition directe du lieu de création de la valeur au lieu de consommation. Cette idée est soutenue par des pays aussi puissants que la Chine et les États-Unis, et devrait donc avancer rapidement. Il n'est pas certain que la France sorte gagnante d'une telle évolution, d'où l'importance de procéder à des études d'impact budgétaire et économique approfondies.

Le dernier, complémentaire du précédent, porte sur la création d'une imposition minimum. Elle a la faveur de la France et de l'Allemagne.

Ces débats se déroulent en ce moment même. Alors que la France assure la présidence du G7, il est crucial qu'elle puisse faire entendre sa voix sur ces enjeux dont dépend l'avenir de nos recettes fiscales. À travers ce projet de loi, le Gouvernement a fait le choix de prendre les devants sans attendre les résultats des travaux européens et internationaux, dont l'issue est incertaine. Cette initiative mérite d'être saluée, d'autant plus que nos concitoyens ont besoin de réponses immédiates au sentiment d'injustice fiscale qui se répand. La taxe proposée est équilibrée ; l'assiette retenue montre qu'il ne s'agit pas d'une mesure de rendement mais avant tout d'une mesure d'entraînement. Le Gouvernement l'a rappelé : cette taxe n'est que temporaire, dans l'attente d'un accord mondial. Notre assemblée doit pouvoir suivre le chaînage qui s'opérera pour passer d'une mesure nationale à un accord mondial, voire l'accompagner et le favoriser. Pour cette raison, les commissions des affaires étrangères et des finances ont adopté un amendement permettant d'assurer que le Parlement soit régulièrement informé de l'état d'avancement des travaux internationaux, et que nous puissions en débattre.

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