Intervention de Boris Vallaud

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2019 à 16h00
Taxe sur les services numériques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Qu'on en juge : en 2016, les entreprises américaines ont enregistré plus de profits en Irlande qu'en Chine, au Japon, au Mexique, en Allemagne et en France réunis. Et sur ces profits faramineux, elles ne se sont acquittées que du taux dérisoire de 5,7 %. Chaque année, 40 % des bénéfices des multinationales sont transférés artificiellement vers des paradis fiscaux : 600 milliards de dollars de base taxable échappent aux États, 20 % du produit de l'impôt sur les sociétés manquent à l'Union européenne, et 5 milliards au budget de la France.

Voilà pourquoi nous vous interpellons, monsieur le ministre, en demandant au Gouvernement de faire encore un effort. Ne laissons pas les multinationales se moquer des États et faire leur loi au détriment de la loi. Tout à l'heure, vous avez trouvé les mots pour dire sans fard la réalité crasse de l'optimisation fiscale, mais votre projet de loi est un peu court, et je crains que les mots ne finissent pas être un peu creux. Cette affaire est notre affaire à tous. Collectivement, nous ne devons pas donner le sentiment d'un solde de tout compte.

C'est pourquoi, au nom du groupe Socialistes et apparentés, j'ai déposé un amendement, corédigé avec Gabriel Zucman, qui tend à répondre à cet enjeu en réformant la définition de l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Aux termes de l'amendement, chaque société vendant des biens ou des services en France pour un montant excédant 100 millions d'euros deviendrait assujettie à l'impôt sur les sociétés en France, qu'elle y possède ou non un établissement stable. On calculerait les bénéfices imposables en multipliant les bénéfices mondiaux consolidés du groupe par la fraction de ses ventes mondiales réalisées en France. Pour le dire plus simplement, le principe de cette réforme est que les multinationales paient leurs impôts là où elles réalisent leur chiffre d'affaires.

Comme cette réforme nécessite une renégociation des conventions fiscales internationales, nous avons prévu une période intermédiaire jusqu'en 2028. À l'objection qu'il sera difficile de renégocier les conventions fiscales, je réponds qu'il est possible de renégocier les principales d'entre elles dans un délai de dix ans. Durant cette période, les bénéfices réalisés en France calculés en l'état du droit resteraient pleinement imposés en France s'ils sont supérieurs à ceux résultant de l'application des nouvelles règles proposées.

Ces nouvelles règles permettraient, en droit interne, de taxer les bénéfices supplémentaires actuellement taxables à l'étranger au fur et à mesure de la renégociation des conventions fiscales concernées. On nous oppose le risque de double taxation. Je prétends qu'il s'agit d'éviter la double non-imposition, le temps que les conventions fiscales soient revues.

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