Intervention de Clémentine Autain

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2019 à 16h00
Taxe sur les services numériques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClémentine Autain :

Sur les GAFA comme sur la question industrielle, le Gouvernement se débat face à son impuissance. Vous vous résignez à une action a minima et semblez même démunis devant l'avidité et l'immoralité des géants privés du numérique. Vous vous soumettez au chantage à la fameuse fuite des capitaux, dont on ne voit jamais l'issue, si ce n'est le creusement des inégalités et un consumérisme chaque jour plus dévastateur. Depuis trop longtemps, la puissance publique cède du terrain en matière de justice fiscale et sociale, alors que cette dernière devrait constituer le socle, le moteur de notre République.

La lutte contre le modèle que veulent nous imposer les GAFA exige que l'on sorte de cette torpeur politique. Allons-nous finir comme le Danemark, qui a ouvert il y a peu une ambassade dans la Silicon Valley en estimant que Google, Amazon et Facebook constituent de nouvelles nations ? Allons-nous prendre ce chemin vers une société où la souveraineté des peuples s'efface derrière les intérêts financiers, où la liberté s'efface derrière le libéralisme effréné de certains groupes qui construisent leur puissance sur le pillage de nos données ?

Je veux croire qu'il n'est pas trop tard, mais je constate que le pouvoir en place n'a absolument pas pris la mesure du changement de cap politique nécessaire. Quand Bercy offre des données de millions de Français à Google, quand l'Élysée se fait le relais de sa communication, comment ne pas voir votre taxe, celle qui nous est soumise aujourd'hui, comme un artifice, presque un simple élément de langage ?

Quand on voit ce que nous donnons chaque année aux multinationales via les différentes niches fiscales et le CICE, que touche même un grand groupe comme Apple, quand on voit ce que nous n'arrivons pas à récupérer – les 9,4 milliards d'euros que les GAFAM délocalisent chaque année de la France vers les paradis fiscaux – , on se dit que cette taxe n'est qu'une pièce jaune dans un océan de billets, des billets qui sont toujours pour les plus puissants et qui ne sont jamais versés au pot commun.

L'instauration à l'échelle européenne d'un impôt sur les services numériques a évidemment échoué, parce qu'elle contrarie les logiques fondamentales inscrites dans les traités européens. Quant à l'ambition du Gouvernement, elle s'est progressivement, et presque immédiatement, réduite comme peau de chagrin. D'abord annoncée à 5 % du chiffre d'affaires, puis à un taux modulé, la taxe nous est finalement présentée à hauteur de 3 %. Elle ne porte même pas sur la totalité du chiffre d'affaires des entreprises. En prime, son montant doit être déduit de l'assiette de calcul de l'impôt sur les sociétés.

Je vous le dis franchement, monsieur le ministre : cela n'est pas raisonnable. Le mouvement Attac a publié hier des chiffres tout à fait éclairants : les GAFAM dissimulent en moyenne 74 % de leur chiffre d'affaires.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.