Intervention de Virginie Duby-Muller

Séance en hémicycle du lundi 8 avril 2019 à 16h00
Taxe sur les services numériques — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVirginie Duby-Muller :

Nous discutons aujourd'hui d'un projet de loi complexe, qui part d'une bonne intention : rétablir la justice fiscale en faveur des entreprises françaises et européennes. Nous partageons, je crois, une conviction dans cet hémicycle : nous devons mieux taxer les géants mondiaux du numérique, qui supportent en France et en Europe un taux moyen d'imposition bien plus faible que les entreprises traditionnelles.

Cependant, la fiscalité du numérique s'est toujours caractérisée par un équilibre subtil. Notre inquiétude, monsieur le ministre, est que la taxe introduite par le projet de loi porte un coup de massue à nos entreprises françaises et européennes. Si, dans son titre, elle concerne les GAFAM, ce sont en réalité nos entreprises du numérique qui vont trinquer. Afin de viser spécifiquement les GAFAM, vous vous êtes attachés à cerner leurs modèles économiques et vous avez, de fait, emporté dans leur sillage des entreprises européennes concurrentes des GAFAM, positionnées sur les mêmes modèles économiques. C'est, par exemple, le cas de Criteo, concurrent de Google et Facebook, de Leboncoin et Cdiscount, concurrents d'Amazon, ou encore de Spotify, concurrent d'Apple.

Alors que vous souhaitiez apporter davantage de justice fiscale, vous créez une situation d'injustice en soumettant à une double imposition des entreprises françaises et européennes qui paient déjà leurs impôts en France. Je prendrai l'exemple de Criteo, rare entreprise française cotée au NASDAQ, présente partout dans le monde, qui a toujours choisi de maintenir son siège social en France, où elle emploie près de 1 000 personnes. Monsieur le ministre, comment accepter que cette société se retrouve taxée au même titre que Google ou Amazon, alors qu'elle paie ses impôts en France ? Est-ce cela, votre idée de la justice fiscale ?

Enfin, je ne peux que regretter votre précipitation à faire voter cette taxe sans en maîtriser les contours. En témoigne une si mince étude d'impact, qui ne mentionne même pas les possibles conséquences de la mesure en termes d'attractivité pour le territoire français. Si les jeunes pousses françaises ne sont pas concernées par cette taxe, cette dernière envoie un mauvais signal alors que la France manque justement de « licornes ».

Au fond, monsieur le ministre, vous nous avez vendu, il y a deux ans, une « start-up nation », mais aujourd'hui, votre politique conduit plutôt la France à devenir une « tax nation ».

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