Intervention de Jean-Paul Lecoq

Séance en hémicycle du mercredi 10 avril 2019 à 15h00
Intérêts de la défense et sécurité nationale dans l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

L'autre problème tient à la densité d'un tel réseau : c'est l'augmentation de sa vulnérabilité.

Non seulement ce réseau sera dense en termes physiques, car il comportera un très grand nombre d'antennes, mais il le sera aussi en termes virtuels.

L'architecture des réseaux 5G sera fragile, car extrêmement décentralisée : elle permettra la mise en place d'une virtualisation accrue des coeurs de réseau, en lien avec les entreprises qui hébergeront ces données sensibles.

La puissance de ces entreprises va par conséquent s'accroître et renforcer la dimension géopolitique de cette bataille.

Qu'en sera-t-il de l'attaque d'un réseau à l'heure d'une virtualisation, d'une décentralisation des logiciels et des données d'entreprises, de l'internet des objets, des voitures autonomes ou, demain, des opérations chirurgicales à distance ?

Elle pourrait avoir des conséquences bien plus graves que l'arrêt du téléchargement du film que nous avions envie de regarder dans le train.

Évidemment, le problème majeur qui se pose à court terme est celui des entreprises qui construiront ce réseau.

C'est là que nous entrons dans le coeur de la proposition de loi. Cinq acteurs majeurs seulement – Ericsson, Nokia, Alcatel, Huawei et Qualcomm – se partagent le marché actuel de la 5G.

La peur actuelle, savamment alimentée par les États-Unis, porte évidemment sur l'entreprise Huawei qui, par obligation légale, doit collaborer avec les services de renseignement chinois comme toute entreprise ayant son siège social en République populaire de Chine.

Avec le déploiement de la 5G par cette entreprise, c'est potentiellement toute l'Europe qui pourrait être écoutée par la Chine.

Ne soyons cependant pas dupes : cette psychose américaine sert aussi de diversion.

N'oublions pas que les entreprises américaines ont déjà collaboré avec l'agence de sécurité nationale américaine, la NSA : cela a été le cas en 2015, lorsque nous avons appris que les téléphones portables d'Angela Merkel, de François Hollande et de plusieurs de leurs ministres avaient été mis sur écoutes par les États-Unis.

Je tiens d'ailleurs à rappeler que les deux entreprises qui fournissent le coeur de réseau 4G, Cisco et IBM, sont américaines.

Le spectacle offert par les acteurs de ce nouveau monde ressemble tristement à un vieux film de la Guerre froide : les Chinois ou les Russes nous espionnent pour notre plus grand malheur, tandis que les Américains nous espionnent pour notre plus grand bonheur.

Cela pourrait nous faire rire si l'Europe tout entière n'était pas le dindon de la farce.

L'Union européenne n'a pas pu, ou n'a pas su, maintenir une industrie d'équipementiers et d'entreprises de télécommunication de pointe.

Nous nous retrouvons aujourd'hui entre le marteau…

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