Intervention de Joaquim Pueyo

Séance en hémicycle du mercredi 10 avril 2019 à 15h00
Intérêts de la défense et sécurité nationale dans l'exploitation des réseaux radioélectriques mobiles — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoaquim Pueyo :

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné ce texte pour avis. Il vise, on l'a déjà souligné à plusieurs reprises, à préserver la sécurité nationale face au déploiement de la 5G dans notre pays. Depuis plusieurs années, nous constatons, notamment dans le domaine des nouvelles technologies, des évolutions très rapides qui offrent des opportunités aussi bien pour nos concitoyens que pour le développement économique.

Cependant, la législation française doit s'adapter à ces développements, car la mise en place de ces nouvelles technologies peut susciter des inquiétudes. En l'occurrence, la mise en service de la 5G nécessite le déploiement d'un ensemble de dispositifs et de matériels qui, du fait des qualités intrinsèques de cette technologie, peuvent affaiblir la sécurité. Le danger est réel si l'on considère le développement des menaces liées à la cybersécurité et à la cyberdéfense.

Au-delà des risques relevant d'ingérences ou d'attaques informatiques, il faut également prendre en compte la captation des données et informations à des fins d'influence économique de la part d'entreprises ou d'États. Comme l'ont démontré les modèles économiques des géants du numérique, les données personnelles sont le pétrole du XXIe siècle et permettent des profits considérables.

Le déploiement de la 5G se fera également dans des domaines qui sont pour l'instant relativement délaissés, mais qui vont devenir centraux. C'est le cas du secteur industriel, puisque l'automobile ou l'énergie seront au coeur des applications possibles. Il en va donc de la sécurité d'infrastructures essentielles.

Au sein de la commission de la défense, la menace cyber est identifiée depuis plusieurs années et a d'ailleurs été un point important de la réflexion autour de la Nouvelle revue stratégique de sécurité et de défense nationale, fin 2017. Ce sont ces nouveaux espaces, cyber ou exo-atmosphériques, sur lesquels nous n'avions pas l'habitude de nous pencher, qui sont aujourd'hui fondamentaux.

Nos législations doivent donc s'adapter afin de sécuriser les infrastructures et nos systèmes. Trop souvent, les avancées technologiques nous dépassent et le législateur intervient pour encadrer les évolutions une fois qu'elles ont eu lieu. Avec l'annonce de la 5G et son déploiement à venir, nous pouvons anticiper les aspects négatifs pour éviter toute correction a posteriori.

Tous ces éléments s'inscrivent dans un contexte international particulier, puisqu'en raison de l'interdépendance des acteurs, des réseaux et des équipements, la question de la 5G se pose au-delà de nos frontières. Elle a notamment été abordée avec insistance en mars avec la visite à Paris du Président chinois. En effet, l'entreprise chinoise Huawei soulève quelques problèmes en raison de sa proximité avec le gouvernement de son pays.

Les États-Unis, engagés dans une guerre commerciale avec la Chine, ont décidé de bannir le constructeur chinois du sol américain, décision sévère et radicale, mais qui répond aussi bien à des inquiétudes réelles qu'à une nouvelle bataille politique et économique entre Pékin et Washington.

Les Européens, particulièrement les Allemands, ont subi des pressions de la part de l'administration américaine. Après réflexion, la Commission européenne a refusé pour sa part le bannissement de cette société, mais a recommandé aux États membres de mettre en place des sécurités. C'est donc bien sur le plan européen que nous devons coordonner notre action, comme l'a d'ailleurs récemment rappelé le commissaire de l'Union chargé de la sécurité, Sir Julian King.

Un calendrier européen est prévu avec, d'ici la fin juin, une évaluation par les États membres, sur le plan national, des risques techniques et juridiques. S'ensuivra une période – au plus tard, le 1er octobre – de « mise en commun pour aboutir à un cadre européen d'évaluation des risques pour la sécurité des réseaux 5G ». Pour finir, sera créé au plus tard le 31 décembre, par le regroupement des « meilleures pratiques nationales », « une « boîte à outils » comprenant les mesures à prendre tant au niveau national qu'au niveau européen. Selon moi, tout cela va dans le bon sens.

Toutes les mesures de protection auront un cadre, puisque la directive européenne relative à la sécurité des réseaux et des systèmes d'information est entrée en vigueur en 2016. Il s'agit donc d'un travail de coordination et de mise en cohérence au-delà du cadre national.

Si le déploiement de la 5G se fera dans un temps plus ou moins long, il est indispensable qu'il puisse avoir lieu dans des conditions de sécurité optimales. Ce texte met donc en place un régime d'autorisation, sous l'autorité du Premier ministre, pour la délivrance des licences d'exploitation. Le Premier ministre doit également pouvoir suspendre ces dernières, car l'enjeu est bien trop important pour laisser planer un risque : comme je l'ai déjà dit, nous devons être prêts, car il y va de la protection de notre pays face aux menaces dans le cyberespace, d'ores et déjà lieu de lutte de faible intensité où s'imposent des acteurs étatiques et non-étatiques.

Le groupe Socialistes et apparentés votera donc cette proposition de loi. Les rapporteurs ont fait un bon travail et la discussion a été très satisfaisante. Je proposerai deux amendements, mais l'esprit de ce texte va dans le bon sens et me paraît très positif.

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