Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du mercredi 10 avril 2019 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie pour toutes ces interventions, et particulièrement celles et ceux qui ont apporté un soutien au texte ou à certaines de ses dispositions.

Madame la rapporteure, nous sommes effectivement déterminés à mieux encadrer les questions de recrutement. Faciliter le recours aux contractuels doit s'accompagner du respect du principe de l'égal accès à l'emploi public, qui nécessite d'être attentif à deux points.

Le premier est la transparence ; nous avons franchi un pas depuis le 28 décembre dernier avec la publication d'un décret qui oblige chaque employeur public à rendre publique toute offre d'emploi vacant, titulaire et contractuel, de plus d'un an, sur un espace numérique commun nommé Place de l'emploi public. Nous pensions qu'à peu près 5 000 offres d'emplois vacants seraient ainsi rendues publiques, or nous en comptons 9 000 aujourd'hui, ce qui démontre que les employeurs jouent le jeu et respectent cette obligation, alors que le site n'est véritablement opérationnel que depuis le 15 février.

Ce décret veille à ce que la procédure de recrutement soit respectueuse de l'égalité de traitement en précisant un certain nombre de modalités : les candidats doivent être entendus par un jury composé des mêmes personnes, de façon à garantir un examen objectif sur les questions de compétences et d'objectivation des compétences requises ou encore sur les questions de constitution minimale de dossiers, ce qui renvoie d'ailleurs à un certain nombre de propositions pouvant notamment porter sur la déontologie et une déclaration simplifiée d'intérêts.

Nous devons ensuite veiller à ce que ces procédures soient adaptées à la taille de l'administration employeur. Nous ne pouvons pas imposer les mêmes mécanismes à une commune de quelques milliers d'habitants, qui ne dispose pas nécessairement d'un service RH, et à une métropole, une région, un département ou encore un opérateur de l'État. C'est pourquoi le décret prévoira cette possibilité de différenciation.

Seront concernées les différentes catégories hiérarchiques, y compris la haute fonction publique pour les emplois de direction ; et pour ce qui est de la possibilité de recruter des contractuels sur des emplois de direction dans les trois versants, nous veillerons tout particulièrement à la question des compétences. La fonction publique hospitalière nécessite un travail particulier, en lien avec les référentiels du type de ceux établis par l'École des hautes études en santé publique de Rennes.

Nous souhaitons par ailleurs développer l'apprentissage. On dénombre un peu plus de 14 000 apprentis dans la fonction publique ; l'objectif est d'augmenter ce nombre et de favoriser ce type de formation. Il faut toutefois noter que cela ne relève pas du domaine de la loi, mais plutôt de celui du règlement, et nous nous heurtons à ce sujet à plusieurs difficultés.

La première tient aux modalités de financement de l'apprentissage dans la fonction publique ; les employeurs publics ne bénéficient pas des mêmes avantages que les employeurs privés en matière d'exonération de cotisations ou de primes au recrutement d'apprentis.

Par ailleurs, lorsqu'un apprenti achève son cycle de formation, sa seule possibilité d'intégration à la fonction publique est, soit la titularisation par voie de stage dans le premier échelon de la catégorie C, ce qui est très peu attractif ; soit le concours externe, ce qui implique un premier groupe d'épreuves particulièrement académiques, pour lesquelles ils ne sont pas nécessairement formés, en tout cas pas aussi bien que d'autres candidats issus d'autres cycles de formation, notamment universitaire.

Nous devons donc prévoir des concours adaptés et des modalités de recrutement différentes ; à cet égard, j'ai eu cette année l'occasion d'ouvrir un cycle de concertations avec les organisations syndicales et les employeurs sur l'organisation et la nature des concours dans les trois versants, ainsi que sur le type d'épreuves présentées. Les questions relatives au concours relèvent certes du domaine réglementaire, mais je peux vous assurer que vous y serez associés à chaque fois que vous le souhaiterez.

L'article 16 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnances une série de mesures relevant du domaine de la santé et de la couverture sociale complémentaire des agents publics.

Force est de constater une inégalité flagrante : les agents du secteur public ne bénéficient que très rarement d'une véritable aide de leur employeur à la souscription d'un contrat en matière de protection sociale complémentaire santé ou prévoyance. Certains ministères participent à des contrats individuels ou prévoient des contrats de groupe, certains employeurs territoriaux également. La situation est encore plus hétérogène dans la fonction publique hospitalière.

Nous avons donc demandé aux trois inspections un rapport afin de dresser un panorama exhaustif de la situation et de son hétérogénéité et d'identifier les écueils juridiques à éviter ou à garder à l'esprit, notamment le fait qu'une participation obligatoire serait assimilée à un élément de la rémunération, donc passible de l'impôt, contrairement à une participation volontaire qui peut relever de l'action sociale et donc échapper à l'imposition.

Ce rapport nous sera remis prochainement pour être immédiatement transmis à l'ensemble des partenaires sociaux ; l'habilitation à légiférer par ordonnances nous permettra de disposer d'un délai de dix-huit mois pour avancer avec les partenaires, les employeurs et les représentants du personnel. Nous avions initialement prévu un délai de neuf mois, mais les organisations syndicales nous ont demandé un peu plus de temps, ce qui nous a paru légitime pour un sujet aussi important que la protection sociale complémentaire.

S'agissant de la santé, avec Gérald Darmanin et le Premier ministre, j'ai demandé à la députée Charlotte Lecocq, qui a travaillé sur ce sujet pour ce qui touchait à l'emploi privé, de poursuivre ses travaux sur la partie emploi public. Il s'agit de redonner de l'attractivité aux métiers de la médecine de prévention, de faciliter les reclassements et le maintien dans l'emploi, et de veiller à ce que l'ensemble des agents publics puissent bénéficier d'une prévention des risques psychosociaux à la hauteur des besoins ; force est de constater que, globalement, c'est loin d'être le cas. Nous allons donc commencer à travailler avec Mme Lecoq ; ensuite seulement, nous pourrons réformer les instances médicales.

Chacun sait qu'on ne présente pas au Parlement des projets de loi portant réforme de la fonction publique tous les deux ou trois ans ; les intervalles sont beaucoup plus longs. Or la formation, la médecine professionnelle, la protection sociale complémentaire et la déconcentration ou décentralisation du dialogue social méritent une concertation approfondie. La procédure des ordonnances permettra de disposer du temps nécessaire à la conduite de ces concertations sur ces quatre sujets et de donner à leurs résultats force de loi.

Je suis totalement ouvert à l'idée que les conditions dans lesquelles se présenteront ces ordonnances soient précisées par le législateur. Cet engagement que je prends aujourd'hui vaut pour la concertation, mais il vaudra également pour les objectifs à atteindre et les ambitions poursuivies, afin que les volontés politiques de l'Assemblée nationale soient parfaitement traduites dans le cadre de cette habilitation.

Enfin, madame la rapporteure, vous avez évoqué la question du renforcement de la préparation au concours, et notamment celle du développement des classes préparatoires intégrées. Cela relève du domaine réglementaire, mais sachez que nous y sommes extrêmement favorables. J'ai, pour ce qui me concerne, une préférence pour les préparations dispensées dans le cadre des Instituts de préparation à l'administration générale (IPAG), qui préparent leurs élèves stagiaires à des concours. En effet, en cas d'échec, les IPAG, contrairement aux classes préparatoires intégrées, ont le mérite d'être diplômants ; ainsi l'investissement dans le temps de préparation au concours peut faire l'objet d'un diplôme qui sera valorisable dans d'autres parcours professionnels.

Vous avez évoqué, ainsi que d'autres de vos collègues, madame la présidente, la question de la transparence salariale. Cela rejoint les questions de déontologie posées par MM. Gouffier-Cha et Marleix portant sur la transparence des plus hautes rémunérations de la fonction publique.

Je rappelle tout d'abord quelques éléments de contexte pour dire qu'il ne faut pas fantasmer sur le niveau de rémunération des plus hauts fonctionnaires, et comparer le niveau moyen de rémunération d'un cadre supérieur de la fonction publique avec celui d'un cadre du secteur privé. Le traitement tourne autour de 6 500 euros par mois pour un cadre supérieur de la haute fonction publique ; pour un même niveau de responsabilité, le salaire dans le secteur privé atteint 9 500 à 10 000 euros. Et lorsque l'on compare le 1 % de salariés du secteur privé et le 1 % d'agents publics les mieux rémunérés, on s'aperçoit que la rémunération des premiers avoisine 18 000 euros brut par mois, contre 9 500 à 10 000 euros brut par mois pour les seconds. C'est ce qui ressort d'une étude de l'INSEE. L'écart de rémunération est donc conséquent, et cela souligne le fait que nous cherchons à recruter des profils excellents sur des postes de responsabilité, alors qu'une difficulté d'attractivité en matière salariale existe déjà.

Nous sommes favorables à un approfondissement en matière de transparence. Les autorités administratives indépendantes, qui parfois sont au coeur des débats, sont déjà tenues de rendre public le niveau de rémunération de leurs présidents ; par ailleurs, les traitements des plus hauts fonctionnaires sont généralement reconstituables, mais nous pouvons progresser dans ce domaine.

En revanche, je ne suis pas favorable à la publication de listes nominatives mentionnant la rémunération à l'euro près de ceux qui sont concernés, mais je suis très favorable à la publication de référentiels indiquant combien, dans tel ministère, un poste de direction d'administration centrale est rémunéré, suivant une échelle de salaire resserrée suffisamment explicite pour donner une indication claire. Nous pourrions ainsi progresser ; je sais que de nombreux députés travaillent sur ce sujet, notamment MM. Matras et Marleix qui ont publié un rapport voilà quelques mois. Pour avoir discuté longuement avec Fabien Matras, je sais que des propositions ont été formulées, notamment en matière de transparence et déontologie, auxquelles nous saurons donner suite.

J'associe à cette idée la question de la déontologie, sur laquelle plusieurs orateurs se sont exprimés. Le bilan de la Commission nationale de déontologie de la fonction publique depuis 2016 est d'ores et déjà positif, mais peut être amélioré.

La loi du 21 avril 2016 relative à la déontologie dans la fonction publique a prévu un contrôle systématique des situations sous l'angle de la déontologie pour un très grand nombre de fonctions et de métiers. Le nombre de dossiers devant être examinés par la Commission a explosé pour atteindre plus de 8 000, au point que leur instruction présente une véritable difficulté. Par conséquent, bon nombre des postes qui font l'objet d'un contrôle systématique à la sortie du public vers le privé ne présentent pas de risque déontologique, alors que d'autres, qui le mériteraient, en sont exempts.

C'est la raison pour laquelle j'envisage – et je compte beaucoup sur les travaux de Fabien Matras et les discussions que j'ai eues avec lui – de restreindre le champ du contrôle automatique aux seuls métiers présentant de véritables risques, mais, en revanche, d'améliorer le système en prévoyant un certain contrôle « retour », pour l'heure non systématique et soumis à l'appréciation du chef de service. Mais si nous ouvrons les emplois de direction à des contractuels, nous devrons prévoir un contrôle à l'entrée, même si celle-ci n'est que temporaire ou intervient dans le cadre d'un autre parcours. Nous pouvons encore progresser dans le domaine de la publication des avis ainsi que sur la possibilité de sanctions à l'égard de ceux qui n'auraient pas pris en compte les avis défavorables.

Monsieur Gouffier-Cha, ce texte s'inscrit bien dans la volonté de réforme et de modernisation de l'action publique et du programme Action publique 2022. C'est l'une des briques de ce programme, dont fait partie l'adoption l'année dernière de la loi pour une société de confiance, qui a bouleversé un certain nombre d'aspects quasi culturels de l'action publique, avec le droit à l'erreur et au rescrit, et cette injonction de bienveillance plutôt que de contrôle faite à l'administration. Nous travaillons aujourd'hui sur la question des ressources humaines, car il n'y a pas de service public sans agents, et dans les prochains mois nous nous attacherons à mettre au point des textes réglementaires portant sur l'organisation territoriale de l'État et la manière de garantir la présence du service public sur le territoire. Ce projet de loi permettra aussi la mise en oeuvre de ces transformations ainsi que de ces nouvelles organisations ; c'est en cela qu'il s'inscrit dans le programme Action publique 2022.

S'agissant de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, je pense comme vous que nous pouvons aller plus loin, à deux nuances près.

Je tiens d'abord à souligner les progrès réalisés grâce au protocole du 30 novembre dernier par rapport à celui du 8 mars 2013, en insistant sur la nouvelle obligation que nous envisageons, représentative de la répartition femmes-hommes dans les promotions et les avancements au choix. Malheureusement, nous éprouvons une certaine difficulté, dans bien des ministères, et cela ne vaut d'ailleurs pas seulement pour la fonction publique de l'État, à tenir nos engagements de nominations équilibrées entre femmes et hommes aux emplois de direction.

Ceux qui butent sur cette obligation nous répondent souvent qu'avec un vivier parfois très masculin, il peut être difficile de trouver des femmes à nommer aux emplois de direction. La meilleure façon de constituer un vivier de candidats plus équilibré et mieux réparti entre les femmes et les hommes est de garantir l'accès à l'avancement et la promotion à tout le monde de la même manière. Il n'est donc plus acceptable de voir des corps composés pour 80 % de femmes et 20 % d'hommes et dans lesquels l'attribution des promotions, les avancements au choix bénéficient pour 80 % à des hommes et pour 20 % à des femmes. Il faut encore veiller à ce que cette répartition des promotions et des avancements soit représentative, avec évidemment une marge d'appréciation comme il est d'usage en matière de nomination équilibrée et de la répartition femmes-hommes dans les corps et établissements concernés.

La seconde nuance, au-delà des progrès mêmes réalisés grâce au protocole, tient au fait que celui-ci a été négocié et adopté par l'ensemble des employeurs et sept des neuf organisations syndicales, et qu'il est ainsi adossé à un équilibre issu de cette négociation. Aller plus loin peut évidemment être intéressant ; mais je reste, d'une certaine manière, le gardien de cet équilibre obtenu dans la négociation formelle majoritaire entre les parties prenantes.

Je crois avoir répondu à la question sur la déontologie posée par M. Marleix, à l'exception peut-être du sujet de la fusion de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avec la Commission nationale de déontologie de la fonction publique. Cette fusion ne nous paraît pas forcément opportune, car les publics concernés ne sont pas les mêmes. Mais nous sommes ouverts à cette réflexion ; peut-être trouverons-nous les voies et moyens de trouver un accord sur cette question, d'améliorer le système de contrôle, et d'en garantir l'indépendance.

S'agissant des commissions administratives paritaires (CAP) et de la réforme du dialogue social, nous souhaitons modifier profondément les règles du dialogue social dans le domaine de la mobilité et de la promotion. Pour l'heure, trois types d'instances coexistent : les comités techniques, qui travaillent sur l'organisation des services et parfois sur les questions de rémunération, les comités d'hygiène et sécurité qui travaillent uniquement sur les questions d'hygiène et de sécurité, et enfin les CAP, qui examinent les dossiers individuels à l'aune de règles que leurs membres n'ont pas fixées.

À aucun moment il n'est prévu que les partenaires sociaux soient véritablement et officiellement associés à la définition des règles d'accès à la mobilité ou à la promotion. Nous souhaitons que l'instance unique que nous créons dispose clairement de cette compétence et puisse délibérer de ces questions. La délibération confère un caractère en quelque sorte opposable à ces lignes directrices de gestion qui s'appliquent dans le domaine de la promotion et de la mobilité. Dès lors que c'est opposable et transparent, que cela fait l'objet d'une publication du barème – ce à quoi nous veillerons y compris par voie réglementaire –, dès lors qu'une possibilité de recours est garantie pour les agents, il nous semble possible de laisser l'employeur prendre un certain nombre de décisions en matière de mobilité et de promotion, ce qui permettra de gagner du temps.

Je prends un exemple, qui évidemment est peut-être le pire, mais illustre bien la situation : lorsque, dans un service déconcentré d'État, un emploi devient vacant et que vous souhaitez recruter quelqu'un qui n'est pas de la même catégorie hiérarchique, pas de la même zone géographique, et ne vient pas du même ministère, il faut recueillir l'avis de huit services, avec le risque que certains avis soient contradictoires. La durée moyenne de cette procédure pour pouvoir procéder au recrutement est de huit à quatorze mois, ce qui nuit à la continuité du service.

C'est la raison pour laquelle nous inventons un nouveau système qui garantit la transparence et l'association des partenaires sociaux à la définition de ces règles, qui assure la possibilité de recours, mais permet de gagner du temps et de sortir aussi parfois, vous l'avez évoqué à demi-mot, d'un certain nombre d'habitudes de gestion ou de coalitions, si l'on me permet d'utiliser ce terme.

Mme Vichnievsky a évoqué la fusion des comités techniques avec les comités d'hygiène et sécurité, qui n'est effectivement pas sans conséquence sur la question des moyens syndicaux et des droits ; cette question fait déjà l'objet d'une discussion avec les intéressés. Nous avons prévu les ajustements nécessaires, en fonction de ce qui existera, pour garantir les moyens de fonctionnement et d'existence des organisations syndicales, car le Gouvernement et les employeurs ont besoin d'interlocuteurs solides et légitimes ; nous devons également revoir un certain nombre de dispositions qui, au fil du temps, se sont sédimentées ; on s'aperçoit, ici où là, par exemple que les moyens syndicaux ne sont pas calculés en fonction des effectifs du moment, mais sur ceux d'avant la RGPP… Un travail considérable reste donc à faire pour tenir ces objectifs de bon fonctionnement des organisations syndicales et d'ajustement des moyens ; tout cela fera l'objet d'une concertation spécifique.

Nous prévoyons des possibilités de différenciation de rémunération sans pour autant les rendre obligatoires, ce qui consiste en l'introduction d'une part variable dans la rémunération des contractuels, chose interdite aujourd'hui. Sur le plan réglementaire, nous veillerons aussi à ce que, en matière de déploiement du RIFSEEP (Régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel), les choses soient plus simples : pour l'instant, les collectivités locales ne peuvent mettre en oeuvre ce dispositif auprès des cadres d'emploi qui leur appartiennent qu'après que l'État l'a appliqué en homologie à ses propres corps d'emploi. Autrement dit, nous allons délier les calendriers.

Nous veillerons, madame Vichnievsky, à faciliter ces possibilités de différenciation ; il n'en demeure pas moins, et cela fait écho à ce que je disais tout à l'heure au sujet du niveau de rémunération, que la différence entre le secteur public et le secteur privé est réelle, et je ne suis absolument pas convaincu que les employeurs publics disposent des moyens financiers pour s'aligner sur le secteur privé. Ce qui renvoie à d'autres questions relatives à l'attractivité et la question de l'engagement, tant pour les contractuels que pour les titulaires.

Toujours à propos de la haute fonction publique et de la déontologie, une remarque sur les conflits d'intérêts : autant leur traitement, lorsque les faits sont avérés ou suspectés, mérite à mon sens une instruction judiciaire, autant il ne me paraît pas utile à ce stade d'en judiciariser la prévention. La HATVP comme la Commission de déontologie ne relèvent pas aujourd'hui de ce processus et font correctement leur travail de prévention ; je reste convaincu que l'on peut maintenir ce système, quitte à l'améliorer pour le rendre plus efficace en matière de prévention, en réservant le traitement judiciaire aux faits qui sembleraient avérés ou feraient l'objet d'une enquête après le travail de signalement de ces autorités.

M. Morel-À-L'Huissier a évoqué, et cela fait écho à la conversation que j'ai eue avec votre collègue Francis Vercamer, les dispositions du code électoral et des questions d'incompatibilité et d'inéligibilité des élus ; si j'ai bien compris, la situation diffère selon que l'on est fonctionnaire d'une commune ou d'une intercommunalité, et élu d'une commune ou d'une intercommunalité. Nous n'avons pas encore examiné cette question, dont je dois avouer qu'elle a surgi à l'occasion de cet échange avec M. Vercamer il y a seulement quelques heures ; nous allons continuer à travailler et voir si nous pouvons apporter des réponses.

Plusieurs questions ont ensuite été posées, notamment par Mme Karamanli, sur la qualité du dialogue social. Nous avons eu de longs moments de discussion, et je peux vous assurer que nous avons intégré beaucoup de propositions des organisations syndicales. Au-delà des 50 % d'amendements ou presque acceptés dans le cadre de la consultation des instances, l'avant-projet de loi avait intégré de nombreuses dispositions. Ainsi en est-il de la neutralisation de l'impact des congés parentaux sur le déroulement de la carrière, qui répond à une demande syndicale : en l'état actuel des textes, lorsqu'un agent public prend un congé parental, son avancement est réduit de 50 % en année 2 et en année 3. Le rôle du conseil syndical en matière d'accompagnement des recours, des procédures disciplinaires et des futures procédures de rupture conventionnelle relève aussi de cette discussion avec les organisations syndicales.

Il en est de même pour ce qui touche à la formation et au renforcement de l'accès au droit de trois publics dont nous considérons qu'ils peuvent rencontrer plus de difficultés que les autres : les agents publics dont la formation initiale est la moins élevée, les agents publics en situation de handicap et les agents publics qui occupent notamment, dans la fonction publique territoriale, des postes à usure professionnelle. Cela aussi s'inscrit dans cette volonté de dialogue avec les organisations syndicales. De même que la composition de la formation spécialisée « hygiène et sécurité », assortie de la possibilité d'un mandatement pour les postes de suppléant notamment afin de valoriser les expertises existant dans leur sein, ou encore de l'amélioration des conditions d'emploi en matière de contrat de projet. Les exemples sont légion, je ne vais pas tous les citer, nous aurons l'occasion d'y revenir lors du débat et à l'occasion de l'examen des amendements. Je n'en reconnais pas moins qu'un certain nombre de points de désaccord subsistent, notamment au sujet du rôle des CAP, qui peuvent justifier tel ou tel positionnement par rapport au texte.

On dit parfois que « biscuit avalé n'a plus de goût » ; dès lors que des dispositions, qui répondent à de réelles demandes, sont acquises et inscrites dans l'avant-projet ou le projet de loi, plus personne n'en parle… Mais cela ne signifie pas qu'il ne faille pas en rappeler la paternité, à plus forte raison lorsqu'elle est d'origine syndicale.

Un million d'agents contractuels sont employés dans la fonction publique, autrement dit à peu près 20 % des salariés en France relèvent de l'article 32 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. Cet article dispose que les agents contractuels sont soumis aux mêmes devoirs, aux mêmes engagements, et bénéficient des mêmes droits que les agents titulaires, ce qui est aussi une réponse à ceux qui s'inquiètent d'un recrutement plus important de contractuels.

Nous ne prévoyons pas de fixer un minimum ou un maximum de recrutement d'agents contractuels, pour une raison toute simple ; certains services ne comptent que 3 % ou 4 % de contractuels, et parfois aucun, alors que d'autres en comptent beaucoup plus, et le recours aux contractuels n'est ni un gage de réussite ni un gage d'échec. C'est pourquoi nous ouvrons cette possibilité sans imposer aucune obligation ; nous permettons simplement aux uns et aux autres d'y recourir.

Nous disposons d'un exemple très révélateur en termes d'évaluation : dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM), nous avons, pour la première fois, autorisé, à titre expérimental et dans quatre régions, le recrutement de personnels de catégorie B dans les domaines de l'analyse de données et de l'informatique sur des contrats de deux fois trois ans. Ces postes étaient vacants depuis vingt-quatre à trente-six mois : nous avions même eu connaissance de cas de lauréats du concours organisé par le ministère des armées, qui avaient renoncé aux postes qu'on leur offrait parce qu'ils ne souhaitaient pas accepter l'affectation géographique proposée ; ce qui était parfaitement leur droit. Nous avons ouvert cette possibilité de recrutement contractuel et les postes sont aujourd'hui pourvus : nous avons trouvé dans ces territoires des personnes compétentes en matière d'analyse de données et d'informatique, qui n'avaient pas passé le concours, ne souhaitaient pas nécessairement le passer, mais qui voulaient continuer à vivre et à travailler dans la région où ils avaient grandi, où ils s'étaient installés, alors même que les lauréats aux concours ne souhaitaient pas y aller.

On peut trouver une forme de réponse dans les concours nationaux localement affectés, mais cela ne suffit pas : l'exemple des douanes montre que, même pour des concours interrégionaux, nous rencontrons parfois ces difficultés liées à des refus ou des renoncements au bénéfice du concours.

Vous avez été plusieurs à évoquer la formation de la fonction publique de l'État et de la fonction publique territoriale. L'appareil de formation de l'État a été renforcé, il y a un an, par la publication d'un schéma de formation continue des agents de l'État, doté de 1,5 milliard d'euros répartis sur la durée du quinquennat ; c'est la somme la plus importante qui lui a jamais été consacrée. Nous voulons encore assurer la parfaite effectivité du compte personnel de formation pour tous les agents des trois fonctions publiques, afin de garantir une véritable égalité des droits.

En ce qui concerne la fonction publique territoriale, nous avons à faire un travail de clarification des compétences entre les centres de gestion et le CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale) pour l'accompagnement de l'apprentissage dans les collectivités territoriales, même si la loi de 2016 lui a confié cette mission d'accès global à la formation.

Nous avons besoin d'un peu de temps pour nous appuyer notamment sur les conclusions du rapport de MM. Jacques Savatier et Arnaud de Belenet sur la formation et la gestion des carrières des agents des collectivités territoriales, remis au Premier ministre le 12 mai dernier, et travailler avec les acteurs concernés. Mais notre objectif est bien d'améliorer l'accès à la formation ; j'ajoute que ce que j'ai dit il y a un instant au sujet de l'accès renforcé à la formation pour les agents considérés comme les plus fragiles s'inscrit dans ce cadre, et sera prévu par cette ordonnance.

Je crois avoir répondu à M. Bernalicis en ce qui concerne les droits et les devoirs des contractuels. Je précise simplement, pour le rassurer – si je peux y arriver – que si nous ne voulons pas créer une grille indiciaire pour les contractuels, un référentiel sera mis en place pour éviter les sur-rémunérations, mais aussi les sous-rémunérations. Certains agents que j'ai rencontrés craignaient que les contractuels soient mieux rémunérés qu'eux pour assurer les mêmes tâches ; mais il faut également veiller à ce que le recours aux contrats ne soit pas l'occasion de sous-payer une compétence.

M. Peu m'a posé plusieurs questions auxquelles je crois aussi avoir répondu, notamment les CAP. J'ajoute qu'il n'y a aucune volonté d'extinction du statut : sinon, nous ne pourrons pas travailler à la revalorisation et à l'amélioration de l'attractivité des concours, que nous voulons maintenir.

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