Intervention de Lyes Louffok

Réunion du jeudi 11 avril 2019 à 9h10
Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Lyes Louffok :

Je partage évidemment tout ce qui a été dit et pour le coup, on le voit à travers les différents récits. En fonction de la durée des placements, la question de la stabilité des parcours et de l'attachement est différente. Il faut, je pense, prendre un tournant et admettre qu'il n'est plus tolérable de placer un enfant de sa naissance à sa majorité. Pour moi, c'est un échec de se dire qu'un enfant peut rester placé pendant dix-huit ans ou dix-sept ans. Il faut sortir des débats passionnés sur les questions d'autorité parentale et d'adoption.

Je reviens à mon cas personnel. La première famille d'accueil où j'ai été placé était prête à m'adopter, elle avait ce désir et en a fait la demande, sauf que ma mère biologique qui, ne l'oublions pas, était sous tutelle, et donc incapable au regard de la société d'être responsable d'elle-même, avait l'autorité parentale et donc pouvait être responsable d'un enfant. Il convient de sortir de ces débats un peu idéologiques sur la question des liens du sang, de la filiation, et de se dire que le dispositif de l'adoption simple doit être intégré comme un dispositif de protection de l'enfance. Si l'on avait retiré l'autorité parentale à ma mère biologique et que l'on avait permis à ma première famille d'accueil de m'adopter selon les modalités d'une adoption simple, je n'aurais pas vécu pendant dix-huit ans placé, je n'aurais pas vécu des ruptures. J'aurais pu avoir une plus grande stabilité à l'âge adulte car un placement long entraîne aussi un risque de rupture plus important. Ce sont des éléments qui ne sont pas négligeables. Le plus vieil ami que j'ai aujourd'hui dans mon entourage est une personne que j'ai rencontrée quand j'avais seize ans. Je n'ai pas d'amis d'enfance, de l'école, du collège ou autres. En raison de mes placements dans différentes structures en différents lieux, j'ai perdu la trace des personnes que j'ai pu côtoyer et je n'ai pas pu construire des relations au-delà d'un temps court.

La loi du 14 mars 2016 a réglé certains points, en tout cas sur le papier. Elle a instauré la commission des statuts et décidé que la situation des enfants placés, identifiés comme potentiellement en situation de délaissement parental devait être évaluée une fois – c'est fixé par décret – avant les un an, etc. Cette commission des statuts doit être mise en place dans tous les départements car ce n'est pas le cas aujourd'hui. C'est ainsi que des enfants passent entre les mailles du filet. C'est là un point d'attention sur lequel votre mission devrait se concentrer. L'application de la loi de 2016, notamment sur la question du délaissement parental, est très importante, en ce sens qu'elle pourrait éviter le placement.

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