Intervention de Joao Bateka

Réunion du jeudi 11 avril 2019 à 9h10
Mission d'information sur l'aide sociale à l'enfance

Joao Bateka :

Peut-être n'ai-je pas eu la chance de voir souvent le juge. La seule fois où j'ai rencontré le juge des enfants, l'expérience a été assez marquante. Mon placement avait été, d'une certaine façon, souhaité. Un matin, suite à des conflits au sein de la famille de ma tante qui était censée nous garder, je me suis levé, j'ai pris ma soeur par la main et nous sommes partis. Nous nous sommes présentés devant le Conseil général un matin de décembre en plein hiver. Nous avons attendu que le Conseil général s'ouvre et nous avons demandé à être placés. Cela s'est passé deux semaines après notre arrivée en France. Nous ne parlions pas un seul mot de français. Le Conseil général s'est démené, a trouvé un Portugais qui a traduit. Nous avons été placés après avoir attendu de huit heures à vingt heures, le temps de trouver un établissement.

Nous avons été placés, nous ne sommes jamais passés par les structures d'évaluation. Il fallait rencontrer un juge pour enfants pour prendre une décision. Le jour où nous avons rencontré la juge, il n'y avait pas de traducteur parce qu'elle n'avait pas vraiment envie de nous entendre. Elle n'avait pas pris la peine de demander un traducteur. La référente ASE a tout pris pour elle. La juge a estimé que : « Premièrement, ces enfants n'ont rien à faire là ; deuxièmement, ce ne sont pas les nôtres. Pourquoi devons-nous nous en occuper ? » Elle a indiqué qu'elle n'allait pas autoriser un placement. Dommage, on était déjà placés. Mais surtout c'était pour savoir ce que nous allions devenir. Ce jour-là, elle a dit tout cela et d'autres choses que ma mémoire n'a pas pu enregistrer. Nous avons compris que nous n'avions pas notre place devant un juge pour enfants. Elle avait face à elle un enfant de quatorze ans et une enfant de douze ans qui pensaient qu'ils se sentiraient peut-être mieux entre d'autres mains que celles auxquelles ils avaient été confiés.

Lorsque je parle du public MNA aujourd'hui, je ne sais si on peut trouver concrètement la notion de justice. Les jeunes qui arrivent ont un récit, ils doivent raconter leur parcours et tout doit être cohérent. S'il ne l'est pas suffisamment, on estime que le jeune ment et qu'il n'est donc pas mineur. Et quand il est trop cohérent, il ment aussi : il n'est pas mineur. Au bout d'un moment, on ne sait plus où se placer, on ne sait pas si l'on doit dire la vérité. Si on dit la vérité, elle est trop cohérente. On estime donc que l'on ment. Et si l'on ment, le discours n'est pas cohérent et l'on décrète que l'on ment.

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