Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du lundi 29 avril 2019 à 16h00
Débat sur la politique industrielle du gouvernement : ni défensive ni offensive

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier :

Il m'appartient de rompre la trêve pascale : peut-être est-ce pour cela que le ton de mon intervention ne sera pas polémique, en tout cas à dessein, et qu'il se veut constructif.

Madame la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, je souhaite vous interroger sur votre vision de l'industrie en évitant toute mauvaise querelle fondée sur la comparaison de la politique que vous menez depuis près de deux ans avec celle soit des précédents gouvernements, et je pense évidemment à la majorité à laquelle j'ai appartenu, soit d'autres pays.

A priori, je considère en effet que vous vous situez dans une forme de continuité par rapport au passé, même si des critiques pourront être formulées sur votre mobilisation à l'égard de tel ou tel appareil industriel. Mes collègues Alain David, élu en Gironde, et Régis Juanico, élu dans la Loire, évoqueront des cas concrets et pourront solliciter le Gouvernement ou éventuellement lui faire des reproches.

De la même manière, malgré votre recul en matière d'amortissement des investissements des entreprises, question à laquelle nous avions attaché une grande importance, ce qui a pu expliquer une forme de reprise de l'emploi industriel en 2017, nous considérons que vous êtes plutôt dans la continuité de la politique précédente.

Il me semble que nous sommes aujourd'hui dans une course sans fin. Si la modernisation de notre industrie consiste à nous aligner sur les standards internationaux, c'est une course que le continent européen, l'Union européenne et la France pourraient perdre. Nous sommes donc à la fois sommés de nous adapter en permanence, pour préserver des atouts dans la course folle de la compétition mondiale, et invités à réfléchir à de nouvelles règles, à penser une nouvelle économie. C'est ce que je voudrais faire dans cette intervention.

Je vous interroge donc sur cinq pistes qu'on peut ouvrir pour cette nouvelle économie européenne, propice à la construction d'un écosystème solide et solidaire, favorable au développement de notre industrie.

Le premier point concerne l'accès aux matières premières et aux matières premières secondaires. Je sais que vous vous en préoccupez et j'aimerais obtenir des réponses concrètes. L'Union européenne est particulièrement fragilisée par sa dépendance, en particulier s'agissant des minerais. Elle subit une concurrence permanente aggravée par la volatilité des cours, y compris pour les matières premières secondaires. Quelles mesures de protection ou quels accords permettraient de garantir dans la durée l'approvisionnement de nos industries ?

Je pense ensuite aux échanges internationaux. La gauche, dans sa diversité, plaide pour une nouvelle génération de traités internationaux, qui intègrent la question de l'empreinte carbone et celle du respect des droits humains. Notre collègue Édouard Martin, député européen issu de notre majorité, qui achève son mandat, avait réussi, avec près d'une centaine de collègues, à faire échouer la reconnaissance de la Chine comme économie de marché. Quelle est votre position sur ce sujet ? Sur quel fondement pourraient être élaborés de nouveaux traités internationaux qui redonneraient à notre industrie une authentique compétitivité en prenant en compte à la fois l'empreinte carbone de l'activité, le respect des droits humains et la loyauté dans les échanges ?

Nous sommes par ailleurs confrontés à ce dilemme selon lequel la formation de géants industriels européens est empêchée par des règles européennes qui visent à éviter la constitution de monopoles. Vous connaissez l'exemple de Saint-Gobain, dont l'activité « canalisations », à Pont-à-Mousson, doit s'ouvrir à de nouveaux capitaux. Nous sommes dans une situation totalement ubuesque, comme cela a été démontré de façon magistrale par la décision européenne relative à la fusion entre Siemens et Alstom. Il est un peu absurde d'empêcher les Européens de créer des géants industriels tandis que la fragilité de leur industrie les rend dépendants d'autres puissances. Nous risquons de perdre la partie. Madame la secrétaire d'État, quelles réformes envisagez-vous afin de faire évoluer la situation ?

Je souhaite aussi vous interroger sur les mutations des métiers industriels. Par exemple, certains pesticides, que vous connaissez bien, dont l'usage est interdit dans l'Union européenne, continuent d'être exportés. Ils sont produits dans des unités qui emploient parfois des dizaines de milliers de personnes. Ces unités devront évoluer, soit pour se conformer à des normes internationales qui progressent, soit, plus profondément, pour s'inscrire dans la nouvelle transition écologique. Comment accompagner les hommes, comment attirer la ressource humaine vers les nouvelles industries ?

Enfin, à gauche, en proposant la codétermination, la transparence fiscale entre les maisons mères et les filiales ou encore une nouvelle comptabilité, nous avions dessiné une nouvelle entreprise, plus enracinée dans des règles éthiques qui assurent par ailleurs leur pérennité et un actionnariat au long cours. Nous plaidons à nouveau pour un capitalisme à dimension humaine, un capitalisme qui ne soit pas absent du monde mais qui se fonde sur des bases éthiques propres à ce que nous appelons une morale européenne, qui considère la nature et les autres avec respect et dans la durée.

En nous inspirant du cas de Saint-Gobain, qui pourrait nous amener à perdre un leadership mondial en matière d'adduction d'eau potable par des canalisations en fonte ductile au nom de raisons purement spéculatives et de court terme, j'aimerais connaître votre avis sur ce que pourrait être un nouveau capitalisme européen du XXIe siècle.

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