Intervention de Philippe Berta

Séance en hémicycle du lundi 29 avril 2019 à 16h00
Débat sur la politique industrielle du gouvernement : ni défensive ni offensive

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta :

La filière française des industries et technologies de santé regroupe quelque 3 100 entreprises, qui totalisent environ 450 000 emplois directs et associés et réalisent environ 90 milliards d'euros de chiffre d'affaires, dont 35,6 milliards à l'exportation. En plus d'exercer un rôle fondamental pour notre santé, cette filière est donc aussi un acteur majeur de notre économie et de l'emploi.

L'industrie du médicament a débuté une grande révolution qui ne cesse de s'accélérer : le bio-médicament, qui peut être peptide, protéine, anticorps, gène ou encore cellule, supplante désormais les thérapies plus traditionnelles issues de synthèses chimiques. Nous sommes passés du rêve à la réalité, non seulement avec les premiers traitements visant plus de 7 000 maladies rares, mais aussi avec l'offre d'immunothérapies ciblant différentes formes de cancer et, demain, des pathologies neurodégénératives.

Les analystes scientifiques et financiers s'accordent à dire que ces thérapies arrivent à maturité. Or le passage de ces innovations thérapeutiques de la paillasse au lit du malade – ce que les Anglo-saxons appellent « from bench to bed » – se fait mal dans notre pays. Dès lors, le risque est grand, et le mouvement est déjà amorcé, de voir des produits valorisables issus de la recherche française partir à l'étranger – pour que nous les payions ensuite au prix fort afin de soigner les patients français.

Les deux principaux goulots d'étranglement sont connus. Le premier est dû à nos systèmes d'évaluation des biothérapies, dont les modes de gestion doivent impérativement s'adapter au plus vite à ces innovations de rupture.

Le second, qui seul nous intéresse ici, concerne nos capacités de bioproduction de ces nouvelles thérapies. Nous sommes tout juste capables ici ou là de produire quelques lots cliniques pour quelques patients, et donc très loin de pouvoir soigner les milliers de patients qu'il nous faudra traiter dans les années à venir.

Il est donc urgent d'organiser la nouvelle filière industrielle de la bioproduction, en mettant acteurs publics et entreprises, des startups de la biotechnologie aux grands comptes de l'industrie pharmaceutique, autour de la table.

Nous avons de beaux atouts pour devenir des leaders dans cette nouvelle activité. Il est encore temps. C'est aussi de la valorisation de notre recherche qu'il s'agit, et plus encore de notre indépendance et de notre capacité à traiter nos malades avec les biomédicaments issus de cette recherche.

Le Conseil stratégique des industries de santé pointe depuis longtemps cette faiblesse structurelle. Sa dernière réunion, en juillet dernier, a suscité de nombreux espoirs auxquels il nous désormais donner corps au plus vite.

La signature du contrat stratégique de filière des industries et technologies de santé à Bercy, en février dernier, a constitué une avancée majeure. La bioproduction figure parmi les quatre priorités retenues, avec pour objectif d'augmenter d'un facteur 100 la productivité des technologies de production de molécules biologiques d'ici dix ans, et de renforcer le secteur pharmaceutique français par l'industrialisation de ces technologies de rupture sur le territoire national.

Les attentes que suscite ce contrat sont très fortes. Nous devons y intégrer le développement de compétences, le soutien aux PME et l'adaptation de la réglementation et de l'évaluation – bref, un changement complet de paradigme, à un moment où les blockbusters chimiques cèdent la place aux innovations bio-thérapeutiques ciblées.

Il est aussi essentiel de conserver nos pépites en France et de leur permettre d'accéder au marché sans avoir à se vendre à l'étranger pour financer les phases de recherche clinique. À cet effet, le fonds d'investissement InnoBio 2, également lancé en début d'année avec Bpifrance et Sanofi, devra être assez ambitieux pour relever ce défi.

Je tiens à rappeler encore une fois ici à quel point la mobilisation nationale pour la structuration du secteur de la bioproduction est stratégique, avant tout pour nos malades et futurs malades, mais aussi pour l'avenir de cette filière industrielle en pleine révolution, une révolution que nous n'avons pas le droit de manquer.

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