Intervention de Régis Juanico

Séance en hémicycle du lundi 29 avril 2019 à 16h00
Débat sur le rapport d'information du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l'évaluation de la lutte contre la délinquance financière

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRégis Juanico :

Quant au ministre des comptes publics, il devrait savoir que s'il s'attaquait vraiment à l'évasion fiscale et aux stratégies d'évitement des impôts, nos finances publiques seraient en bien meilleure santé ; nos marges de manoeuvre en seraient grandement améliorées, et nous pourrions ainsi mieux redistribuer – rappelons que le déficit budgétaire est estimé à 37 milliards d'euros en février 2019.

Force est de constater que sur cette question de la délinquance fiscale, le volontarisme politique fait défaut depuis le début de ce quinquennat.

Tout d'abord, monsieur le secrétaire d'État, nous devons nous interroger sur les moyens alloués aux administrations pour endiguer ce phénomène, sur fond de suppression de 120 000 postes de fonctionnaires d'ici à 2022. Comme le souligne le rapport de MM. Bernalicis et Maire, entre 2009 et 2016 les effectifs de la direction générale des finances publiques ont déjà baissé de 17 %, soit 2 000 agents, par an. Et cette baisse se poursuit ! Est-ce « tenable », comme dirait le Président de la République ? La poursuite de cette logique de réduction des effectifs de l'administration fiscale affaiblit l'efficacité de la lutte contre la fraude fiscale.

Pour rendre plus concret l'impact de ce manque de moyens, il suffit de reprendre – à la suite du rapport – l'exemple du parquet national financier. Les dix-huit magistrats qui le composent sont censés instruire chacun huit affaires d'une grande complexité ; en réalité, ils en gèrent trente-deux, soit quatre fois plus qu'il n'était initialement prévu. Pourtant, depuis sa création en 2014, le parquet national financier a permis au trésor public d'encaisser plus de 2 milliards d'euros. On peut imaginer qu'avec davantage de moyens les sommes collectées seraient plus importantes.

Votre rapport contient aussi un certain nombre de propositions visant à mieux organiser l'administration. Permettez-moi simplement de douter de vos chances de faire aboutir vos propositions numéro 16 – augmenter les effectifs des services de police spécialisés » – et numéro 18 – « augmenter et diversifier les effectifs du parquet national financier » – dans un contexte de baisse massive des effectifs de fonctionnaires.

Au-delà de la question des moyens, je souhaitais aborder la question des lanceurs l'alerte. Votre proposition numéro 8 est de « rétablir le principe d'un secours financier au profit des lanceurs d'alerte en difficulté, complété par la possibilité d'un accès facilité à l'emploi public ».

Là aussi, je m'interroge sur la cohérence politique de l'exécutif.

Alors que les vingt-huit États membres de l'Union Européenne viennent de se mettre d'accord sur la première directive mettant en place un cadre juridique destiné à défendre les lanceurs d'alerte des représailles de leur employeur, le gouvernement français a tenté de la vider de sa substance, notamment en tentant d'obliger le lanceur d'alerte à informer son organisation par voie interne, faute de quoi toute protection lui serait par la suite refusée.

Et le Gouvernement est hypocrite : s'abritant derrière la fameuse loi Sapin 2, il refuse d'indemniser les lanceurs d'alerte, mais il met en place en parallèle un dispositif rémunérant les « aviseurs fiscaux », dispositif contenu dans la récente loi de lutte contre la fraude fiscale. Autrement dit, les lanceurs d'alerte du fisc sont désormais appelés « aviseurs fiscaux » ; ils ne sont pas « rémunérés », mais « indemnisés ». Personne ne sait combien ils coûtent, ni combien ils rapportent : curieusement, l'administration se refuse à communiquer tout chiffre.

Cette séance est une séance de contrôle du Gouvernement : peut-être celui-ci pourrait-il en profiter pour nous fournir des informations précises, afin que le Parlement soit parfaitement informé.

Aujourd'hui, les recettes augmentent pour l'État, mais elles diminuent pour ceux qui permettent de les recouvrer, et qui prennent tous les risques : à rebours de l'objectif affiché de protection des lanceurs d'alerte, le Gouvernement n'encourage pas ces comportements citoyens.

Allouer des moyens ambitieux à la lutte contre la fraude fiscale permettrait d'assainir nos finances publiques mais aussi d'envoyer un signal positif de solidarité nationale et de cohésion sociale. Pour cela, le Gouvernement doit faire preuve de bon sens et renoncer à l'hypocrisie : l'administration doit disposer de moyens suffisants, et les lanceurs d'alerte être réellement protégés.

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