Intervention de Adrien Quatennens

Séance en hémicycle du mardi 30 avril 2019 à 21h30
Débat sur le bilan social des ordonnances travail

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAdrien Quatennens :

Ils mettaient plutôt en cause, pour 28 % d'entre eux, les questions économiques, notamment celle du carnet de commandes.

Malgré nos alertes et les propositions alternatives que nous avons formulées dans le souci – qui est sans doute aussi le vôtre – de relancer l'emploi et l'activité dans notre pays, vous avez supprimé le CHSCT, c'est-à-dire l'expertise déléguée en matière de sécurité et des conditions de travail.

En introduisant la barémisation des dommages et intérêts, même si cette mesure a été remise en cause par plusieurs tribunaux, vous avez dissuadé bien des salariés de saisir les prud'hommes : le nombre de recours a baissé de 5,5 % en une année.

Vous avez développé l'emploi précaire avec le CDI de chantier – qui tient davantage du chantier que du CDI, il faut le dire – et les ruptures conventionnelles collectives, dispositif qui permet précisément de contourner les droits dont bénéficient les salariés dans le cadre d'un licenciement économique.

J'invite d'ailleurs celles et ceux qui entendent ou entendront cette intervention à consulter le site internet docpenicaud. fr, dont le slogan est : « Souriez, vous êtes virés ! » Il a été réalisé par le Discord Insoumis, qui se charge d'établir une cartographie précise des ruptures conventionnelles collectives. Parmi les licenciements réalisés par cette voie, on recense par exemple 2 135 suppressions de poste à la Société Générale, 1 300 chez PSA, 700 chez Sanofi. Bref, les énergies semblent bel et bien libérées ! Vu ce que vos ordonnances provoquent, il est utile de rappeler l'objectif que vous prétendiez atteindre avec elles : relancer l'emploi dans notre pays…

Or la situation de l'emploi en France est catastrophique – peut-être pouvons-nous partager ce triste diagnostic. On dénombre 48 000 offres sans candidat pour 5,6 millions de personnes inscrites à Pôle emploi et disponibles – ce qui signifie qu'elles ne sont ni en stage ni en formation – , soit 1 offre sans candidat pour 100 personnes disponibles et, sans doute, prêtes à traverser la rue.

En 2017, on a enregistré 25,5 millions d'embauches. Vous me direz que l'on a jamais autant embauché qu'aujourd'hui, et c'est exact : c'est presque deux fois plus qu'au début des années 2000. Mais à quel prix ? Sur ces 25 millions de contrats, 17 millions sont des CDD de moins d'un mois. Il y a donc bien une pénurie d'emploi dans notre pays.

Or vous poursuivez la politique de précarisation de l'emploi, d'une part, et d'exonération fiscale et sociale, d'autre part, menée par ceux qui vous ont précédés. Ce diptyque n'est pas nouveau, et cela ne fonctionne toujours pas. Par conséquent, nous continuerons à vous présenter d'autres propositions.

Jeudi dernier, le Président de la République a commencé par nous dire que les Français travaillaient moins que leurs voisins. La démonstration est désormais faite que tel n'est pas le cas : le temps de travail en emploi est plus élevé en France que chez nombre de ses voisins, notamment celui auquel vous aimez la comparer régulièrement, l'Allemagne.

Si l'on examine le bilan des 35 heures, à savoir 350 000 emplois directs créés, la baisse du temps de travail se révèle non seulement plus efficace, mais surtout moins onéreuse que votre politique qui vise à créer de l'activité. Compte tenu du nombre d'emplois créés ou maintenus grâce au CICE, un « emploi CICE » vaut environ 160 000 euros de dépense publique, ce qui est très cher et au-dessus de nos moyens. Je pense que nous pouvons faire mieux.

Pourquoi ne pas admettre que la baisse du temps de travail, dans la vie ou dans la semaine, est plus efficace en matière de création d'emplois ? Surtout, pourquoi ne pas généraliser des dispositifs tels que « l'État, employeur en dernier ressort » ? Il s'agit de transformer l'indemnité chômage en un salaire rémunérant un travail, que l'on complète par ailleurs. ATD Quart Monde a commencé à expérimenter ce dispositif dans plusieurs endroits du pays.

Dans le discours du Président de la République, il a été très peu question d'écologie. Nous pensons que le défi écologique est aujourd'hui tel qu'il faut repenser tout le modèle de production, réindustrialiser le pays avec cet objectif écologique, voire fonder de nouvelles industries, ce qui créerait beaucoup plus d'emplois et aurait sans doute plus de sens que de poursuivre cette compétition absurde par la voie de la précarisation.

Votre conclusion au mouvement de contestation populaire que nous connaissons depuis cinq mois, c'est : « travailler plus ! » Je crois donc que vous n'avez pas compris grand-chose au moment que nous vivons. Pour terminer, permettez-moi de souhaiter, depuis cette tribune, à tous les travailleurs de notre pays, un 1er mai de lutte.

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