Intervention de Michèle Peyron

Séance en hémicycle du lundi 6 mai 2019 à 21h30
Jeunes majeurs vulnérables — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Peyron :

Cette proposition de loi vise à répondre à une profonde inquiétude que nous partageons tous sur ces bancs. La situation des jeunes majeurs à la sortie des dispositifs de l'aide sociale à l'enfance et de protection de l'enfance est alarmante. Nous ne pouvons évidemment pas exclure de ce débat les mineurs non accompagnés devenus majeurs, puisqu'ils sont également pris en charge par l'ASE.

Je souhaite saluer la rapporteure, présidente de la commission des affaires sociales, Brigitte Bourguignon, qui s'est saisie de ce sujet il y a plus d'une année et l'a mis à l'ordre du jour. C'est un travail que vous continuez à mener à travers votre mission. Nous saluons également l'arrivée d'Adrien Taquet au poste de secrétaire d'État à la protection de l'enfance afin de résoudre la crise de l'ASE, notamment. Vous avez d'ores et déjà lancé des missions et constitué des groupes de travail afin de dresser un état des lieux en vue d'une future réforme.

Nous ne pouvons pas faire mentir les chiffres. De 1,6 à 1,9 million de jeunes entre 15 et 29 ans ne sont aujourd'hui en France ni en étude, ni en formation, ni en emploi. La moitié des personnes pauvres a moins de 30 ans. Le chômage des jeunes de moins de 25 ans s'élevait à plus de 20 % en février 2019.

Nous le savons, le diplôme protège du chômage. Or l'obligation de sortir, à la majorité, des dispositifs de protection de l'enfance empêche les jeunes issus de l'ASE de poursuivre leur formation. En effet, aujourd'hui, 78 % des enfants de l'ASE hors déscolarisation, tous âges confondus, suivent un enseignement professionnel contre 33 % de l'ensemble des adolescents. Si l'enseignement professionnel est composé de filières d'excellence, en particulier l'apprentissage, ce sont également des filières de formation courtes.

Rendre obligatoire le contrat d'accès à l'autonomie et l'inscrire dans la loi garantira à chaque jeune d'être accompagné jusqu'à 21 ans au moins. Pas moins de 20 900 jeunes sont titulaires d'un contrat jeune majeur.

Nous constatons tout de même une nette baisse du nombre de signatures de ces contrats entre les départements et les jeunes, ainsi que des durées de plus en plus courtes. Pourtant, comme le montrent des études, le contrat permet une sortie plus tardive des études ou des formations, donc une meilleure entrée dans le monde du travail.

Cet accompagnement vers les études et l'insertion professionnelle doit être complet. Pour ce faire, nous ne pouvons pas envisager qu'il débute juste avant la majorité : laissons donc au futur majeur l'opportunité de réfléchir et de construire réellement un projet qui lui ressemble. C'est pourquoi un entretien, obligatoire au plus tard un an avant la majorité, permettra au jeune d'appréhender son avenir.

Actuellement, la majorité est ressentie comme un couperet, à compter duquel le jeune majeur doit subitement s'assumer seul, sans filet de sécurité. Pour l'ensemble des jeunes, l'aide parentale tend à se prolonger : l'âge de départ du domicile familial s'élève aujourd'hui en moyenne à 27 ans, soit près de dix ans après la majorité. Or nous demandons aujourd'hui à ceux qui bénéficient objectivement de ressources et d'un accompagnement moindres de faire beaucoup plus en étant autonomes et matures tout de suite. Je doute fortement que quelqu'un sur ces bancs affirme qu'un jeune de 20 ans est suffisamment mûr pour s'assumer seul, sans soutien aucun.

Nous devons garantir à ces jeunes les mêmes chances de réussite afin qu'ils puissent mener à bien leur projet. La liberté de choisir son avenir professionnel doit également s'appliquer à eux. Ils souhaitent pouvoir réussir, afin de sortir des dispositifs d'ASE et d'entrer dans le droit commun. Nous devons prévenir toute rupture possible. Nous devons leur garantir une continuité, en matière de parcours scolaire ou universitaire ou de logement. Comment peut-on se concentrer sur sa formation quand on n'a aucune certitude de l'endroit où l'on dormira, le soir venu ? Cette proposition de loi vient répondre aussi à cette problématique.

Les conseils départementaux et l'État doivent s'engager pleinement auprès de ces jeunes qui, eux aussi, sont l'avenir de notre pays. L'État doit prendre toute sa place pour investir dans leur futur. L'accompagnement vers l'autonomie de chaque futur majeur doit être effectif et complet.

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