Intervention de Michèle de Vaucouleurs

Séance en hémicycle du lundi 6 mai 2019 à 21h30
Jeunes majeurs vulnérables — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle de Vaucouleurs :

La commission des affaires sociales a examiné et adopté cette proposition de loi visant à renforcer l'accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l'autonomie en juillet dernier : nous nous félicitons que celle-ci soit enfin inscrite à l'ordre du jour de la séance publique.

Notre groupe remercie à nouveau Mme la rapporteure de la volonté qui a été la sienne de mettre la situation de ces jeunes en lumière et de proposer des mesures législatives visant à renforcer l'égalité des chances des jeunes adultes issus de l'aide sociale à l'enfance.

Je tiens également à saluer la nomination d'Adrien Taquet au poste de secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance auprès de la ministre de solidarités et de la santé, Agnès Buzyn : cette nomination apparaît bien comme la preuve que la protection de l'enfance est un sujet prioritaire pour le Gouvernement.

Il est intolérable que des jeunes, privés d'un cadre familial stable durant leur enfance, soient aujourd'hui condamnés à la précarité dès leur entrée dans l'âge adulte.

Les statistiques du Conseil économique, social et environnemental dans son rapport sur la prévention des ruptures de parcours en protection de l'enfance sont terribles : 23 % des personnes privées de logement sont des enfants placés alors qu'ils ne représentent que 2 à 3 % de la population ; 30 % des moins de 30 ans utilisateurs des services d'hébergement temporaire et de restauration gratuite nés en France ou arrivés en France avant l'âge de 18 ans sont des anciens jeunes suivis par l'aide sociale à l'enfance ; une personne sans domicile fixe née en France sur quatre a été placée en foyer ou en famille d'accueil au cours de son enfance.

Il est donc urgent de remédier à cette situation avec un accompagnement prolongé et un accès au logement garanti. Antoine Dulin, rédacteur du rapport du CESE avait bien relevé tout le paradoxe de la situation actuelle : le système des sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance revient à demander plus d'autonomie à des jeunes qui pourtant ont moins de ressources et qui connaissent parfois des difficultés multiples sociales, scolaires, psychiques... Une prise en charge obligatoire jusqu'à 21 ans constitue ainsi une grande avancée pour protéger ces publics vulnérables – on se demande d'ailleurs pourquoi cela n'a pas pu être fait avant.

Outre cette disposition centrale, le texte a également pour ambition de mieux sécuriser les sorties de l'aide sociale à l'enfance en renforçant les entretiens de préparation à la sortie avant la majorité, même si cette disposition a été revue, mais également en rendant systématique le retour possible dans le dispositif après l'avoir quitté. La rapporteure s'est également soucié d'éviter les ruptures de prise en charge pendant les études, et d'octroyer des priorités d'hébergement pour ces jeunes.

Le texte a par ailleurs été enrichi à l'occasion de son examen en commission et le groupe du Mouvement démocrate et apparentés se félicite d'avoir pu faire adopter des dispositions concernant l'application des mesures d'accompagnement proposées aux jeunes après leur majorité. Notre groupe avait également défendu un amendement visant à ce que les structures médico-sociales soient habilitées à prévoir des périodes de mises en situation professionnelle sans avoir à passer par d'autres structures comme Pôle emploi ou les missions locales – une proposition qui profiterait aux jeunes.

Nous aurions souhaité porter plus loin l'ambition de ce texte en rendant possible un accompagnement des jeunes en situation de grande vulnérabilité, même s'ils n'ont pas été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance avant leur majorité ; notre d'amendement a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40.

Nous souhaitions également, à l'occasion de l'examen du texte en séance, défendre plusieurs propositions. L'une d'entre elles visait à assurer un « accompagnement jeune majeur » aux jeunes ayant été accompagnés au titre de la protection judiciaire de la jeunesse ; une autre prévoyait un accompagnement spécifique pour les jeunes majeurs sortant de l'ASE concernant la gestion de la ressource qui leur est attribuée, cela afin de sécuriser leur accès à l'indépendance. Mais ces amendements ont eux aussi été déclarés irrecevables au titre de l'article 40. Notre groupe souhaite par ailleurs appeler l'attention de l'Assemblée sur les dispositions prévues à l'article 7 qui permettent à d'autres acteurs que les missions locales de mettre en oeuvre la garantie jeunes. J'avais déposé à titre personnel, en commission, un amendement de suppression de cet article. Si la rapporteure nous a alors assurés de sa confiance pleine et entière dans les missions locales et nous a assurés qu'elle reconnaissait la qualité de leur travail, notamment s'agissant des conditions d'accompagnement proposées au titre de la garantie jeune, la prudence reste de mise.

En effet, les articles L. 5131-4 et L. 5131-6 du code du travail permettent déjà au préfet de désigner dans le département un autre organisme prescripteur du parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie – PACEA – et de la garantie jeunes lorsque cela est justifié par les besoins du territoire. En raison des objectifs différents poursuivis par les établissement pour l'insertion dans l'emploi – EPIDE – , par les écoles de la deuxième chance et par les missions locales, la pertinence de donner à l'ensemble de ces structures la possibilité de mettre en place la garantie jeune n'apparaît pas clairement. Il est nécessaire que les ressources des missions locales soient stables ; or multiplier les acteurs autorisés à appliquer ce dispositif pourrait avoir un impact sur elles.

Qui plus est, il s'agit d'éviter un autre écueil. Les nouvelles modalités de financement des missions locales laissent apparaître qu'une partie des crédits affectés à la garantie jeune pourrait être versée au titre de la dotation globale de fonctionnement en contrepartie d'une simplification administrative. Or si tout le monde a à gagner d'une simplification administrative, il ne faudrait pas qu'elle permette à des structures de proposer de l'accompagnement professionnel alors qu'elles ne disposent pas des ressources humaines qualifiées nécessaires ni de la pratique des rouages et des réseaux permettant la réussite du dispositif.

Voici donc les points sur lesquels nous entendons demeurer vigilants, même si nous fondons beaucoup d'espoir dans nos prochains débats et si nous ne pouvons que réitérer notre satisfaction que l'Assemblée légifère sur ce sujet primordial.

En effet les propositions que nous allons examiner sont en parfaite adéquation avec la feuille de route sur la protection de l'enfance dont l'axe 3 vise en effet à garantir les droits fondamentaux de l'enfant, notamment en améliorant la prise en charge des enfants de l'aide sociale à l'enfance et en luttant contre les inégalités selon les départements. Les autres grands axes de cette feuille ont pour objet de mieux accompagner les parents et de mobiliser la société contre les violences faites aux enfants.

Ces propositions font également largement écho à la stratégie de lutte contre la pauvreté qui prévoit de déployer un budget de 8,4 milliards d'ici à la fin de quinquennat afin de renforcer la capacité d'intervention dans cinq grands axes parmi lesquels la garantie des droits fondamentaux des enfants, la garantie d'un parcours de formation pour tous les jeunes ainsi que l'accompagnement de tous vers l'emploi.

En ce qui concerne l'aide sociale à l'enfance, le conventionnement avec les départements relatif à la signature de contrats d'accès à l'autonomie, auquel s'attacheraient des moyens financiers supplémentaires, portera sur l'engagement à mettre fin aux sorties sèches à 18 ans, en traitant tous les aspects de la vie des jeunes concernés : le maintien du lien avec l'ASE, le logement, la santé, la poursuite d'études, l'insertion… Les crédits de l'État au titre de l'ASE seront multipliés par cinq d'ici à la fin du quinquennat et seront portés à 60 millions par an.

En résumé, ce texte apporte une pierre importante à la stratégie de lutte contre la pauvreté ainsi qu'à la protection de l'enfance. Le groupe Modem et apparentés comme, je n'en doute pas, l'ensemble des autres groupes, le votera en espérant qu'il aura la faveur du Sénat afin que les départements puissent l'appliquer le plus rapidement possible.

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