Intervention de Brigitte Bourguignon

Séance en hémicycle du mardi 7 mai 2019 à 15h00
Jeunes majeurs vulnérables — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Bourguignon, rapporteure :

Il n'est pas dans mes habitudes de prendre la parole pour le plaisir de prolonger les débats ou d'avoir le dernier mot. Certaines questions soulevées dans la discussion générale trouveront réponse, je crois, lors de l'examen des articles. Je ne répondrai donc pas point par point à chacune des interventions. Cependant, vous me permettrez quelques remarques et conclusions à l'issue de la discussion générale.

Tout d'abord, et au vu de la présentation caricaturale de Mme Panot, je veux rendre hommage au travail social, à la protection sociale de l'enfance, aux acteurs, que j'ai rencontrés, et aux familles d'accueil, qui sont avant tout humaines, et traitent de l'humain. Je veux aussi remercier l'ensemble des intervenants d'avoir, me semble-t-il, unanimement reconnu que nous ne pouvions en rester à la situation actuelle. Pour des jeunes longtemps qualifiés d'« invisibles », cette reconnaissance par notre assemblée est essentielle. Je souscris totalement à l'affirmation de Stéphane Viry selon laquelle il n'y a pas lieu à des controverses partisanes. Malgré quelques piques, quelques réserves et quelques points de vigilance, je constate d'ailleurs que, de telles controverses, il n'y eut point. Je vous remercie donc pour ce large soutien depuis hier soir.

Je veux dissiper aussi quelques malentendus ou inquiétudes, s'agissant en particulier de la rédaction de l'article 1er. Hier, en commission, j'ai présenté un amendement pour en expliquer la genèse et la portée, et m'assurer de l'accord de la commission avant de le déposer en séance. Tous les groupes n'étaient malheureusement pas représentés, d'où certaines interrogations aujourd'hui, auxquelles je vais, bien entendu, répondre.

En premier lieu, le dispositif sera obligatoire si les jeunes en font la demande – précision que j'ai apportée pour répondre à certaines préoccupations. Certains d'entre vous ont tiqué sur cette précision, qui pourtant s'applique déjà au contrat jeune majeur, celui-ci étant conditionné à l'envoi d'un courrier par l'intéressé. Elle relève, par ailleurs, de l'évidence : dès lors qu'un jeune accède à la majorité, il n'est plus possible, juridiquement, de lui imposer un contrat s'il n'en a pas fait la demande. Conformément à la démarche d'autonomie que nous promouvons aujourd'hui, il est, au demeurant, normal que le jeune fasse de lui-même le premier geste.

Il n'empêche que le dispositif est obligatoire, je le répète et continuerai inlassablement de le faire. Mme Firmin Le Bodo, qui n'est pas là, s'était inquiétée de l'éventuel dépôt d'un amendement du Gouvernement pour substituer à cette obligation une simple incitation. Il ne vous aura pas échappé que je ne suis pas membre du Gouvernement mais, dans les échanges très nourris que j'ai eus avec lui au cours des dernières semaines, à aucun moment cette idée n'a été évoquée. J'y aurais d'ailleurs été totalement défavorable.

Mme Faucillon déplorait une imprécision sur la date de prise en charge. Le dispositif, je le répète, est obligatoire, et ce jusqu'à l'âge de 21 ans. Il est donc plus ambitieux que celui qu'elle propose, qui ne porte que sur deux ans.

Le dispositif est aussi plus ambitieux que le contrat jeune majeur, qui, au demeurant, ne disparaît pas : tous les départements pourront, s'ils le souhaitent, continuer de recourir aux mesures tenant de l'ASE et les prolonger. Mme Firmin Le Bodo a évoqué un « filet de sécurité minimal », mais je pense que c'est le contraire : c'est le contrat jeune majeur, dont je répète qu'il est maintenu, qui constituera ce filet de sécurité pour les jeunes qui n'entreraient pas dans le nouveau dispositif.

À ce propos, je veux répondre sur les MNA – mineurs non accompagnés – , même si nous aurons, bien sûr, l'occasion d'y revenir. Dans la discussion avec le Gouvernement sur l'amendement dont je viens de parler, j'ai accepté de conditionner le dispositif à une prise en charge par l'ASE durant dix-huit mois, de 16 à 18 ans. Cela n'exclut d'ailleurs en rien la protection de tous les mineurs sur l'ensemble du territoire, ni les conditions de l'ASE et les contrats jeune majeur, qui demeurent.

Au départ, je n'avais pas envisagé la condition dont je viens de parler. Toutefois, de mes échanges sur le terrain, j'ai retiré la conviction qu'il ne fallait point pécher par angélisme. Certains travailleurs sociaux nous l'ont dit : les filières de passeurs se sont organisées pour tirer bénéfice de l'ASE. C'est donc un sujet que je veux traiter de manière plus globale, à travers la mission qui s'y rapporte, car, s'il est toujours bon de faire certains constats, il faut aussi avoir à l'esprit les dégâts provoqués par la non-obtention des titres de séjour ensuite. J'aimerais donc que nous ne perdions pas de vue les drames qui se jouent actuellement. De ces sujets nous débattrons aussi, je suppose, dans le cadre de la mission dédiée à la protection de l'enfance. Il faudra, en tout cas, veiller, monsieur le secrétaire d'État, à ce que cette condition n'écarte pas du dispositif des jeunes qui y auraient légitimement eu droit.

Faire de la politique, c'est faire des choix ; ils peuvent être critiqués, contestés. J'ai fait les miens. Non seulement je les assume, mais je les revendique. Le premier est d'avoir voulu que notre assemblée s'empare de cette question de la sortie des jeunes majeurs de l'ASE, ce qu'elle n'avait pas fait jusqu'alors. J'ai commencé à travailler sur cette proposition de loi au début de l'an dernier. J'en avais terminé la rédaction quand le rapport du CESE – Conseil économique, social et environnemental – est venu conforter les conclusions des échanges que j'avais eus avec les différents acteurs. Je ne trahis aucun secret en disant que j'ai un peu imposé son inscription à l'ordre du jour de nos travaux

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