Intervention de Patrick Mignola

Réunion du mardi 30 avril 2019 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Mignola, rapporteur :

Quelques mots simplement en introduction tant il est vrai que nous avons déjà eu l'occasion de travailler ensemble sur cette question que vous connaissez tous extrêmement bien.

Je commencerai par citer Sammy Ketz, selon lequel l'adoption de la directive européenne sur les droits voisins du droit d'auteur est une affaire « de vie ou de mort pour les médias », ajoutant que, si tel est le cas, elle peut l'être également pour les journalistes et pour la démocratie en général.

Vous me permettrez d'avoir un mot d'humilité, puis un mot d'ambition. D'humilité individuelle, d'abord, puisque je dois dire que vous avez eu raison, par un renvoi en commission, de transformer la proposition de loi que j'avais présentée l'année dernière en un moyen de pression. Nous avons pu ainsi, par notre action, additionnée à celle des journalistes, du gouvernement français et de très nombreux gouvernements européens, obtenir l'adoption d'une directive européenne. Mais, au-delà de l'humilité individuelle – parce que nous sommes bien peu de chose en ce monde –, permettez-moi un mot d'ambition collective, puisqu'il nous revient désormais de transposer ladite directive, vite et bien.

Rappelons que le droit voisin du droit d'auteur est d'abord un droit économique, et non un droit culturel. Dans ces conditions, son adoption par le Parlement conduira nécessairement à une négociation entre les géants du numérique, ou GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) et les ayants droit que nous allons créer. Dans la mesure où ces acteurs auront à travailler dans le cadre d'une négociation, deux écueils sont à éviter : la lenteur et le risque de contentieux. Pour aller vite, nous avons choisi, en collaboration avec le Gouvernement, de travailler sur la base d'une proposition de loi établie par le Sénat et adoptée à l'unanimité par la Haute Assemblée. Nous vous proposons donc de reprendre ce texte de M. David Assouline et de l'adapter à la lumière des éléments qui ont été donnés par la directive européenne. Et pour éviter les risques de contentieux et donc celui de repousser encore et encore dans le temps l'exercice d'un droit réel, nous vous proposons de travailler sur un texte qui soit le plus proche possible de la directive européenne.

Pour autant, s'agissant d'une transposition, nous pouvons apporter un certain nombre de précisions utiles, que ce soit sur les ressources des GAFA ou sur la notion de « très courts extraits ». À cet égard, un certain nombre d'amendements vont être proposés aujourd'hui. Mais, d'ici à la séance publique, vu que cet élément est fondamental dans l'exercice du droit voisin institué au bénéfice des éditeurs de presse, des agences de presse et, indirectement, des journalistes, nous pourrons encore faire progresser le texte ensemble sur les questions de transparence : transparence des recettes d'exploitation des GAFA en direction des éditeurs et agences de presse, transparence de la part des éditeurs et agences de presse en direction des journalistes. Bien entendu, nous pourrons préciser également, d'ici à la séance publique, un certain nombre de voies de recours, au bénéfice des éditeurs et des agences de presse ou des journalistes. Enfin, un certain nombre d'entre vous ont déposé des amendements sur la date d'application.

Nous devons afficher la plus grande unité s'agissant d'un objectif profondément démocratique, à savoir la possibilité pour notre presse et nos journalistes d'obtenir une ressource supplémentaire. Il s'agit tout simplement de faire entrer les acteurs du numérique, les « infomédiaires », dans l'État de droit.

Il est important d'afficher entre nous une unité politique. Je suis heureux que nous puissions reprendre un texte issu du groupe socialiste au Sénat et adopté là-bas à l'unanimité. Je serais très heureux que nous puissions travailler ici aussi dans un esprit de coopération large. Un grand nombre d'amendements ont été cosignés et, j'en suis sûr, pourront ainsi être largement soutenus. Si nous cheminons ensemble de façon efficace, nous pouvons aussi espérer qu'un vote conforme au Sénat se fera sur le texte que nous allons élaborer à l'Assemblée nationale, et qu'ainsi, l'établissement d'un droit voisin deviendra absolument effectif.

Alors que s'ouvre la discussion sur ce texte, nous ne pouvons que souhaiter que la même unité s'affiche entre les éditeurs de presse et les agences ou encore entre les employeurs et les journalistes. Il en va, en effet, de l'entrée du secteur numérique en démocratie.

Après le travail qui a été réalisé par notre assemblée pour lutter contre les fake news ou pour adopter une fiscalité plus proche des recettes réelles d'exploitation des GAFA, c'est désormais un troisième pilier de cette entrée dans l'État de droit démocratique qu'il nous est proposé d'adopter.

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