Intervention de Cathy Racon-Bouzon

Réunion du mardi 30 avril 2019 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCathy Racon-Bouzon :

Comme de nombreux Français, le 15 avril dernier, je me suis endormie la gorge serrée par la crainte que la cathédrale ne soit plus là le lendemain. Puis j'ai pensé à mon fils de deux ans, qui n'a jamais vu Notre-Dame et qui n'aurait peut-être jamais l'occasion de s'émerveiller, comme nous, et tant d'autres avant nous, l'avons fait tant de fois, devant ce témoignage du génie de l'humanité.

L'incendie de la cathédrale nous a rappelé notre devoir catégorique : conserver Notre-Dame, pour nous, pour notre histoire et pour les générations futures. Nous nous reconnaissons solidairement responsables de la sauvegarde de notre patrimoine ; c'est le fondement de la Charte de Venise et le point de départ de l'engagement que traduit ce projet de loi. Conserver et restaurer. Conserver, c'est maintenir, mais c'est aussi préserver, protéger. L'urgence est là : continuer, chaque jour, à tout mettre en oeuvre pour que Notre-Dame reste debout. Il faudra, dans un second temps, restaurer ses pierres pour que l'oeuvre architecturale rejoigne la « cathédrale de poésie » de Michelet, qui n'a pas flanché.

Notre-Dame de Paris, c'est en effet notre livre français. Non seulement elle récite la nation, mais elle l'incarne, à la fois en perpétuelle évolution – en attestent les différentes strates qui ont contribué à sa construction – et inamovible : c'est l'art d'être français, dont elle témoigne depuis huit siècles.

Pour le groupe La République en Marche, le projet de loi que nous examinons ce matin permet d'accompagner le formidable élan de générosité né ces dernières semaines et d'organiser la capacité d'intervention de l'État pour être à la hauteur du défi que représente la reconstruction de ce bâtiment unique. La mobilisation nationale et internationale est exceptionnelle ; nous lui donnons ici un cadre légal, pour sécuriser les dons et faire respecter la volonté des donateurs dans la plus grande transparence. Mais il faudra tout d'abord recueillir effectivement les dons annoncés, qui ne sont encore, pour beaucoup, que des promesses.

La polémique sur le supposé milliard récolté pour Notre-Dame est toujours vive : préférence accordée à la pierre plutôt qu'à l'homme, ignorance de la pauvreté, mépris pour la cause écologique… Mais développer la philanthropie, mes chers collègues, ce n'est pas créer une hiérarchie, une compétition entre les causes. La France est capable d'adapter ses dispositifs aux grands défis qu'elle doit relever. Elle l'a fait hier, avec la loi « Coluche », qui permet de bénéficier d'une réduction d'impôt, non pas de 66 % mais de 75 %, pour les dons destinés aux organismes venant en aide aux personnes en difficulté ; elle le fait aujourd'hui, pour Notre-Dame, en permettant aux particuliers de bénéficier d'une réduction d'impôt de 75 % pour les dons s'élevant jusqu'à 1 000 euros.

L'enjeu est collectif. C'est pourquoi la création d'un établissement public destiné à gérer, avec l'État, les fonds recueillis et rebâtir Notre-Dame est nécessaire. Il s'agit d'y regrouper ceux qui savent et, surtout, ceux qui savent faire, et d'y associer ceux qui ont la cathédrale au coeur : le diocèse et la ville de Paris.

En 1864, Eugène Viollet-le-Duc remportait le concours lancé pour la réhabilitation de Notre-Dame. Ce sanctuaire de l'épopée nationale, il en a respecté l'ADN, mais il en a modifié certaines des formes : pour Viollet-le-Duc, restaurer un édifice, ce n'est pas l'entretenir, le réparer ou le refaire, c'est le rétablir dans un état complet qui peut n'avoir jamais existé. C'est aussi faire triompher l'innovation sur l'obscurantisme et poursuivre le chemin de l'Église, qui n'a jamais renoncé à l'audace pour mettre en avant la grandeur. Notre-Dame traverse les âges pour raconter l'histoire de France et pas seulement l'histoire de ses origines.

Grâce à ce projet de loi, nous mettons tout en oeuvre pour poursuivre cette histoire au mieux. « Le temps est l'architecte, le peuple est le maçon », écrivait Victor Hugo. L'impulsion est donnée au peuple bâtisseur : il s'agit de reconstruire la cathédrale en cinq ans. Cette impulsion nous invite à l'ambition, non à la précipitation. Respecter le rythme du bâtiment est une priorité absolue ; reconstruire dans l'exemplarité en est une autre. S'adapter, c'est s'assurer de la maîtrise du calendrier des travaux et garantir des conditions de sécurité satisfaisantes. Nous défendons ce texte comme nous défendons, sans compromis, la rigueur indispensable à la reconstruction de ce haut lieu de notre patrimoine.

Le chantier qui s'est ouvert est aussi, pour nos apprentis, le lieu de la formation et de la transmission. Les compagnons qui ont construit l'édifice signaient leurs pierres au dos : la face est anonyme, l'oeuvre est celle du peuple. Nous nous inscrivons dans le même esprit, celui d'une communion nationale. Cette histoire dont nous poursuivons l'écriture commande de dépasser les clivages pour transformer cet événement dramatique de notre siècle en une belle histoire, pour réconcilier la « ruine austère » de Nerval avec la « vaste symphonie en pierre » de Victor Hugo.

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