Intervention de François de Rugy

Réunion du jeudi 8 novembre 2018 à 10h15
Mission d'information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate

François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire :

Je dirai à M. Loïc Prud'homme que nous faisons en réalité la même analyse que lui. Aucun changement ne peut survenir à cadre et à pratiques constants. M. Didier Guillaume vient de le montrer, nous appelons à la transformation et au changement. Nous les revendiquons d'ailleurs dans tous les domaines. Reste que la sortie du glyphosate touche à des sujets sensibles. Les pratiques et les comportements sont liés aux mentalités, qu'il n'est pas facile de faire évoluer. Vous le savez bien, Monsieur Prud'homme, car vous êtes un bon connaisseur de ces questions. On ne peut rien faire sans convaincre ni mobiliser. Dans toute politique, il faut un savant dosage entre l'incitation et la contrainte pour enclencher le changement et l'inscrire dans la durée.

Pour répondre à votre question, nous ne pourrons donc pas, bien sûr, nous appuyer uniquement sur les engagements volontaires. En l'occurrence, et nous l'avons précisé, M. Didier Guillaume et moi-même, au début de nos interventions liminaires, si jamais il ne se passait rien d'ici à 2021, nous serions prêts à passer par la loi ou par la voie réglementaire. Nous le redirons autant qu'il le faudra, même si certains continuent de vouloir faire croire l'inverse aux Français.

Pour autant, nous constatons que des organisations agricoles et professionnelles sont déjà engagées dans des transformations. Elles nous demandent simplement d'avancer par étapes et nous alertent sur la question de la compétitivité, qui est une question fondamentale que nous n'avons pas l'intention d'ignorer. Je vous ai donné des exemples concrets. La vigne utilise beaucoup le glyphosate mais possède des pratiques culturales qui lui permettent de s'en passer. La sortie du glyphosate a toutefois un surcoût. Pourra-t-il être intégré au prix du produit final ? Je rappelle que l'un des objets de la loi agriculture et alimentation était la fixation du prix, à partir des coûts.

À titre personnel, et sans créer d'incident diplomatique, je ne mets pas sur le même plan le vin de Bordeaux, le vin espagnol et le vin italien. Je préfère le vin de Bordeaux. Nous sommes cependant dans un monde concurrentiel et certains consommateurs, vous le savez comme moi, quand ils sont dans le rayonnage d'un magasin, se préoccupent avant tout du prix du produit. D'autres, bien sûr, sont attentifs à l'étiquette, au label, au contenu du produit, et d'autres encore prennent en considération l'ensemble des éléments. Telle est la réalité.

De manière générale, il faut tenir un langage de vérité aux Français. Si l'on veut des produits alimentaires et viticoles de qualité, il faut en payer le prix. Dans un communiqué d'un groupe politique que vous connaissez bien, j'ai lu récemment qu'il se présentait comme « un mouvement contre la vie chère ». Mais à force de rechercher des prix toujours plus bas, on obtient une qualité toujours moins bonne. Nous ne pouvons pas demander à nos agriculteurs et à nos industries agroalimentaires de proposer des produits de qualité à des prix hard discount. À une époque, on disait qu'il fallait créer plus de commerces hard discount pour donner du pouvoir d'achat aux Français. Mais les produits à prix très bas vendus par ces commerces ne sont généralement pas issus des pratiques culturales dont vous avez parlé.

Il faut le dire, et tenir un langage de vérité non seulement aux producteurs, mais aussi aux consommateurs. Nous devons l'assumer politiquement, même si ce n'est pas facile. Je suis bien placé pour le savoir, en ce moment, sur un autre sujet : il n'est pas facile d'assumer que les prix augmentent. La sortie du glyphosate est un sujet que nous entendons traiter dans sa globalité, parce que nous sommes des responsables politiques. Comme l'a dit M. Didier Guillaume, nous prenons l'avis des scientifiques, des administrations, des producteurs, des associations et des citoyens, et ensuite nous prenons la décision qui nous paraît la plus équilibrée du point de vue de l'intérêt général.

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