Intervention de Gildas Barreyre

Réunion du jeudi 28 mars 2019 à 10h00
Mission d'information relative aux freins à la transition énergétique

Gildas Barreyre, président de la commission électricité de l'Union des industries utilisatrices d'énergie (UNIDEN) :

Monsieur le président, je vous remercie. L'UNIDEN représente les industries énergo-intensives, pour lesquelles la consommation d'énergie représente une part importante des coûts de production. Nous sommes environ 50 membres, et représentons 70 % de la consommation énergétique industrielle française, qu'il s'agisse d'énergie électrique ou d'énergie chaleur.

Concrètement, pour la transition énergétique, nous souhaitons faire passer un message sur l'indicateur de performance des politiques publiques. Nous mesurons aujourd'hui les émissions domestiques. Or, le seul véritable indicateur efficace pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) au niveau mondial est celui de l'empreinte carbone : il porte non seulement sur les émissions domestiques, mais aussi sur les émissions des produits importés. Un aluminium importé de Chine a un contenu en CO2 bien supérieur à celui produit en France. Notre message est donc positif. L'industrie et la relocalisation de l'activité industrielle en France accélèrent la transition écologique et la réduction de nos émissions de GES.

Entre 1995 et 2015, les émissions françaises de C02 ont diminué de 20 %, essentiellement grâce aux efforts consentis par le secteur industriel, dont les émissions de CO2 ont massivement chuté. Cependant, dans le même temps, l'empreinte carbone française, c'est-à-dire la contribution nette de la France au réchauffement climatique, a augmenté de 11 %, d'après les chiffres du ministère de la transition écologique et solidaire. Tous les efforts investis dans cette transition ont conduit chaque Français à émettre plus de CO2, à cause de leur consommation de produits importés de pays à fort contenu carbone.

Aujourd'hui, nous sommes convaincus que, du point de vue du climat, il faut relocaliser l'industrie en France. La stratégie nationale bas carbone (SNBC) propose par ailleurs un tel scénario, qui permet, selon elle, de réduire notre empreinte carbone de l'ordre de 10 % en 2050, par rapport au scénario de base sans relocalisation de notre industrie. Ce point est crucial.

Un second point très important concerne l'innovation, notamment l'apport de l'industrie à l'innovation dans les technologies à bas carbone. Or, que ce soient les éoliennes, les panneaux photovoltaïques, les batteries, les infrastructures, les véhicules, etc., ces technologies ne pourront se développer dans un désert industriel. Ne reproduisons pas l'erreur des panneaux photovoltaïques : si les technologies sont développées dans d'autres régions du monde, la France ne sera pas motrice et ces solutions seront peut-être développées sur un mix énergétique plus carboné. Notre message sur les apports de l'industrie à la transition écologique est donc positif.

Concernant les freins que subissent nos industries, le premier est celui de la compétitivité : compétitivité de l'industrie et compétitivité de l'accès à l'énergie. La compétitivité actuelle est fortement altérée par la fiscalité écologique et par le système des quotas de GES. Or, en grevant cette compétitivité, nous réduisons les marges de manoeuvre pour l'innovation et les investissements dans la transition écologique. Voilà un point à prendre en compte à très court terme.

À moyen terme, un soutien fort des pouvoirs publics dans la transition énergétique est plus efficace qu'une fiscalité punitive. Le soutien est un levier beaucoup plus fort que la fiscalité. C'est le choix qu'ont fait la France et l'Europe pour le secteur électrique, où la transition écologique a été accélérée par un soutien aux énergies renouvelables. Pourquoi ne pas reproduire ce modèle dans l'industrie française, pour en faire une vraie tête de pont de l'efficacité énergétique et des solutions bas-carbone de demain ?

Enfin – je rejoins ici les propos de M. le rapporteur –, nous avons besoin de visibilité. Investir dans des solutions lourdes pour accélérer la transition énergétique exige une visibilité à long terme. En vingt ans, l'industrie a réduit de plus de 50 % son intensité énergétique, c'est-à-dire la consommation d'unité énergétique par unité de produit fini. Tout ce qui était facilement accessible, nous l'avons fait, très clairement. Pour faire un pas en avant, nous demandons une certaine visibilité, car les investissements dans ces nouvelles technologies sont lourds.

Voilà les messages que nous souhaitions vous transmettre. Certains freins existent, mais le point essentiel est de considérer enfin l'industrie comme une solution. Nous ne pourrons pas développer les solutions bas-carbone dans un désert industriel.

Je citerai un autre exemple : l'industrie peut apporter les « flexibilités » demandées. Nous parlons beaucoup d'énergie renouvelable intermittente, qu'elle soit électrique ou chaleur. L'industrie, par la nature de sa production, peut baisser instantanément sa consommation ; elle peut également soutenir une réduction du coût de l'intégration de ces énergies renouvelables pour la collectivité.

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